Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

libertés publiques (suite)

Les libertés traditionnelles

La Déclaration des droits* de l’homme et du citoyen qu’adoptent les Constituants de 1789, qui la veulent « universelle », est un reflet des préoccupations de la bourgeoisie* française, laquelle vient d’accéder au pouvoir économique ; pour détenir désormais — en tant que classe sociale et non plus seulement en qualité de « grands commis » de la monarchie — le monopole du pouvoir politique, la bourgeoisie s’appuie sur la paysannerie.

Si le préambule de la Déclaration souligne que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements », les deux premiers articles proclament : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits [...]. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme ; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Il ressort de ces textes que, pour les Constituants, les droits de l’homme préexistent à l’entrée en société. C’est la reconnaissance des doctrines du contrat social. Cette idée de « contrat » entre l’homme et la société organisée apparaît nettement dans les articles 4 et 5 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ; ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi [...]. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. » On trouve confirmation de l’intention des « grands ancêtres » dans la Constitution de 1791 et dans la Déclaration des droits de 1793.

En France, la loi — au sens formel du mot (v. législative [fonction]) — peut seule apporter des restrictions aux libertés individuelles, et cela sous la condition expresse que ces restrictions soient les mêmes pour tous. Par ailleurs, la protection des libertés est assurée par les juges. Les atteintes à la vie et à la liberté d’un individu ne peuvent — sauf exceptions législatives assez rares — avoir pour source qu’une décision d’un juge inamovible ; elles ne sont prononcées qu’en vertu d’une loi ; aucune loi pénale n’est rétroactive. Les atteintes aux autres libertés publiques ayant pour origine une mesure d’ordre gouvernemental ou administratif peuvent toutes être soumises au contrôle d’un juge administratif, dont, jusqu’ici, l’indépendance paraît avoir été entière, bien qu’il ne bénéficie pas de l’inamovibilité.

Les nécessités de la vie sociale ont conduit le législateur à admettre que certaines restrictions puissent être apportées — d’une manière générale ou temporaire — à l’exercice de diverses libertés par certaines catégories de personnes (mineurs, aliénés, étrangers, nomades, interdits de séjour, proxénètes, etc.), ou bien encore dans certaines circonstances particulières (état de siège ou d’urgence, ou en vue de la réalisation de certains objectifs (maintien de l’ordre public et des bonnes mœurs, recherche des malfaiteurs, santé publique, circulation, etc.). Mais les atteintes par des individus à la liberté d’autrui (enlèvement, séquestration) constituent des infractions* pénales, qui, suivant les époques, sont plus ou moins lourdement sanctionnées.

Parmi les libertés, on distingue la liberté individuelle (droit de se déplacer et de s’établir ; inviolabilité de la personne, du domicile* ou de la correspondance), la liberté des groupes (associations*, réunions privées, réunions publiques, manifestations* sur la voie publique), la liberté de pensée et de son expression (réunions, presse, spectacle), la liberté religieuse, la liberté d’enseignement, la liberté du travail, du commerce et de l’industrie.

Les limitations légales et de fait apportées à ces diverses libertés varient en fonction de l’évolution des mœurs et des idées ainsi que de l’acuité avec laquelle l’opinion et les pouvoirs publics ressentent les dangers courus par l’ordre public ; il en est ainsi des pratiques de censure* des spectacles*, de la presse et des livres, en ce qui concerne les bonnes mœurs*, ainsi que des atteintes portées à l’intégrité de la personne ou à l’inviolabilité du domicile et de la correspondance par les services de police*.

Si chaque adulte est libre de se marier ou non, le divorce, dans certains cas, peut être refusé par le juge ; les effets juridiques du concubinat restent inférieurs à ceux du mariage (il est vrai qu’il n’apporte pas à la femme les mêmes garanties). Si chaque couple est libre de vouloir ou non des enfants (dont l’entretien et l’éducation sont, à des degrés divers, pris, au moins partiellement, en charge par la collectivité), l’avortement* est demeuré jusqu’en 1975 un acte interdit, alors que l’emploi de certains procédés anticonceptionnels a été reconnu licite et réglementé en 1970-1974 (v. contraception).


La sécurité

Le terme de sécurité, qui figure dans la Déclaration des droits de l’homme, concerne la garantie de la liberté individuelle contre l’arbitraire ou les abus de la répression pénale. En Grande-Bretagne, cette garantie est assurée par la coexistence d’un jury* d’accusation avec le jury de jugement et surtout par le système de l’habeas corpus, qui est généralement considéré comme la meilleure garantie qu’il soit possible de donner à la liberté individuelle.

En France, la sécurité de l’individu semble moins assurée. Outre les possibilités d’internement administratif (dont il faut noter que la Grande-Bretagne vient tout récemment d’user en Irlande du Nord) et d’assignation à résidence, la police judiciaire a la possibilité de garder à disposition pendant un délai de vingt-quatre heures (renouvelable une seule fois et, en principe, après audition par le procureur de la République) un témoin ou un présumé coupable (le délai maximal de cette « garde à vue » a été doublé pour les crimes* et délits* contre la sûreté de l’État et prolongé de cinq jours si l’état d’urgence est déclaré). Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 janvier 1973 a statué sur la légalité des arrestations préventives de jeunes pratiquées sur la voie publique aux fins de vérification d’identité, dans le cadre des mesures de police administrative confiées au préfet de police par l’article 10 de la loi du 10 juillet 1964.