Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Léopold II (suite)

Les fondations royales

Les dispositions financières étaient le résultat de laborieuses négociations aboutissant à la suppression de la « fondation de la Couronne », instituée en 1901 pour l’exploitation du « domaine de la Couronne » recouvrant un sixième du Congo. Léopold II affectait une partie considérable des fonds disponibles à la construction de grands édifices. L’architecte français Charles Girault (1851-1932), attaché au service du roi, éleva notamment l’arc de triomphe au parc du Cinquantenaire et bâtit le musée de Tervuren.

Aigri par les déceptions familiales et ne laissant que des filles, Léopold II voulut éviter que son immense fortune n’échût à des héritiers étrangers. Les fondations royales devaient assurer la continuité de ses desseins architecturaux. En 1909, le roi institua à Cobourg la « fondation de Niederfuwlbach », recueillant l’essentiel de sa fortune, dont les tribunaux belges ne purent reconnaître la légalité. Le principal héritier du souverain fut l’État belge.

P. J.

➙ Afrique noire / Albert Ier / Belgique / Léopold Ier / Zaïre.

 L. de Lichtervelde, Léopold II (A. Dewit, Bruxelles, 1926). / P. Daye, Léopold II (Fayard, 1934). / L. Bauer, Leopold der Ungeliebte, König der Belgier und des Geldes (Amsterdam, 1934 ; trad. fr. Léopold II, le mal aimé, roi des Belges, A. Michel, 1935). / N. Ascherson, The King Incorporated (Londres, 1963). / V. Stengers, Belgique et Congo : l’élaboration de la charte coloniale (la Renaissance du livre, Bruxelles, 1963). / Exposition Léopold II, bâtisseur et urbaniste (musée de la Dynastie, Bruxelles, 1969). / G. H. Dumont, la Vie quotidienne en Belgique sous le règne de Léopold II (Hachette, 1974).

Léopold III

(Bruxelles 1901), roi des Belges de 1934 à 1951.



La crise du parlementarisme

Appelé à succéder au roi Albert Ier* en 1934, Léopold III se trouva immédiatement confronté aux événements critiques de l’avant-guerre. Aux difficultés économiques et monétaires malaisément surmontées s’ajoutait une détérioration progressive des rouages parlementaires. Profondément consciencieux, mais faisant preuve de plus de fermeté que d’habileté, le roi heurta certaines susceptibilités en attribuant à ses ministres la responsabilité d’une instabilité gouvernementale chronique. Stigmatisant les empiétements du législatif sur l’exécutif, le souverain dénonçait par ailleurs l’influence prédominante de l’appareil des partis, dont les ministres apparaissaient comme les mandataires. En politique extérieure, au contraire, la tension internationale créa une entente parfaite entre le roi et les responsables politiques sur la nécessité de maintenir, par une neutralité armée, la Belgique en dehors d’une guerre éventuelle.


Le schisme de l’exécutif


L’exemple du roi Albert

La violation de la neutralité belge par les armées allemandes (10 mai 1940) renouvela l’expérience de la Première Guerre mondiale. S’inspirant de l’exemple illustre de son père, dont il avait partagé la vie au front et auquel il vouait une grande admiration, Léopold III suivit une ligne de conduite identique : maintenir, même en temps de guerre, la neutralité belge, tout en collaborant à l’effort de guerre allié. En 1940 comme en 1914, le gouvernement entendait pour sa part se départir de la neutralité au profit de la France. La défaite, suivie de la capitulation (28 mai), révéla publiquement un schisme qu’en 1914 seule la distance séparant Le Havre de La Panne trahissait. Commandant en chef, Léopold III se constitua prisonnier, alors que le gouvernement choisit l’émigration. De même que les Alliés avaient forgé le mythe du roi-chevalier, symbole de la résistance contre l’Allemagne, ils accréditèrent l’image de la trahison du roi des Belges.


La carte française

L’opposition entre le roi et ses ministres se doublait d’une appréciation différente de la situation politico-militaire. Sachant la France condamnée à brève échéance, le roi n’excluait pas l’éventualité d’une paix germano-britannique. La capitulation seule avait permis d’éviter une hécatombe civile et militaire ; la présence du chef de l’État sur le territoire national devait contribuer au respect des droits de la Belgique. Le gouvernement, pour sa part, était convaincu que la France renouvellerait la résistance victorieuse face à l’invasion allemande.

Les accusations portées par le cabinet Reynaud contre Léopold III constituèrent pour le gouvernement belge un véritable dilemme. Ne pouvant ni s’associer au point de vue français ni le désavouer, le gouvernement entretint l’équivoque. Se réunissant à Limoges, les parlementaires belges émigrés envisagèrent même la déchéance du roi. La capitulation française et l’armistice désorientèrent complètement le gouvernement. À l’exception d’un seul ministre — aussitôt désavoué et destitué — qui gagna Londres à l’instar du général de Gaulle, le gouvernement se rallia à l’option pétainiste.

L’originalité de la situation belge rendait cependant illusoire la solution pétainiste. L’Allemagne, qui excluait toute éventualité d’un gouvernement belge — même composé de collaborateurs —, ignora complètement les tentatives faites par le gouvernement en exil pour introduire une demande d’armistice. Interdits de séjour en Belgique, les ministres virent l’offre de démission présentée au roi déclinée. Léopold III entendait n’accomplir aucun acte politique durant sa captivité. Finalement, le gouvernement dut gagner Londres.


La question royale


La réconciliation manquée

Ni Léopold III ni le gouvernement ne pouvant prévoir la suite des événements, la position d’attente adoptée par le roi avec le souci de maintenir la neutralité belge était apparue mieux adaptée aux circonstances que le pari gouvernemental sur la capacité de résistance française. Le déroulement de la guerre renforça cependant la position adoptée par le gouvernement belge après son établissement à Londres. Le roi affaiblissait la sienne en opposant aux avances du gouvernement — en dépit de la victoire alliée — l’exigence d’une rétractation publique des accusations soutenues en 1940 et en refusant de cautionner les engagements contractés par le gouvernement en exil vis-à-vis des Alliés. La position intransigeante du roi était de surcroît affaiblie par la déportation dont il fut la victime en juin 1944. Son absence favorisait l’action d’un mouvement antiroyaliste.