Léopold III (suite)
La révolution manquée
Dans l’attente du retour du roi, son frère, le prince Charles (né en 1903), fut chargé de la régence, de la libération du territoire (sept. 1944) à celle du roi (mai 1945) ; le pays fut gouverné par un cabinet d’union nationale. La question royale n’éclata qu’à l’occasion de la libération du roi ; elle mit ainsi fin à la formule unioniste, minée par la poussée de la gauche au lendemain de la guerre. Dans le climat troublé de l’immédiat après-guerre, certains envisagèrent la prolongation de l’entracte républicain londonien. Une campagne s’organisa contre Léopold III, visant à travers le souverain le régime monarchique.
Gêné par la personnalité controversée du roi, le parti socialiste prit, à l’annonce de sa libération, position en faveur de l’abdication, estimant le sacrifice de Léopold III indispensable à la cause monarchique. À l’issue d’un débat passionnel, le Parlement se réserva le droit de fixer un terme à la régence. Les élections de 1946, les premières de l’après-guerre, renforcèrent les extrêmes ; les partis de gauche conservèrent une majorité précaire.
La restauration manquée
Le recul des gauches s’accentua en 1947 sous l’effet de la guerre froide et se traduisit par un gouvernement de coalition entre socialistes et catholiques, anticipant le glissement électoral que faisait entrevoir l’évolution de l’opinion publique. La question royale fut laissée en suspens jusqu’aux élections de 1949, qui marquèrent une nette percée royaliste. Le parti catholique, frôlant la majorité absolue à la Chambre, l’obtint au Sénat. La question royale rebondit, le gouvernement de coalition entre catholiques et libéraux désirant légitimer par une consultation nationale la suppression de la régence projetée par la majorité.
À la faveur des 57 p. 100 de oui exprimés au référendum du 12 mars 1950, des élections anticipées (juin) assurèrent au parti social-chrétien la majorité absolue. Le retour du roi en juillet déclencha cependant une vague de grèves et d’émeutes, menaçant le pays d’une insurrection. Devant la gravité de la situation, Léopold III proposa l’attribution immédiate des pouvoirs royaux au prince Baudouin (1er août), remettant l’abdication à la majorité de son fils. Le 16 juillet 1951 eut lieu la cérémonie d’abdication.
À l’écart de la politique
La question royale a constitué le point de cristallisation de l’épreuve de force engagée au lendemain de la guerre entre le parti socialiste et le parti social-chrétien. La violence du conflit annonçait le choc de la guerre scolaire. En filigrane s’esquissait le dualisme communautaire. Dans l’immédiat, le loyalisme réciproque dont firent preuve Léopold III, en s’abstenant de toute ingérence politique, et les partis, en assurant le roi Baudouin Ier* de leur collaboration, permit l’apaisement. Après 1950, le roi Léopold, qui, veuf de la reine Astrid († 1935), a épousé en 1941 Liliane Baels, devenue princesse de Réthy, a repris les voyages d’exploration scientifique déjà amorcés avant 1934.
P. J.
➙ Albert Ier / Baudouin Ier / Belgique.
J. Page, Leopold III, The Belgian « Royal Question » (Londres, 1959). / E. R. Arango, Leopold III and the Belgian Royal Question (Baltimore, 1963). / R. Capelle, Dix-Huit Ans auprès du roi Léopold (Fayard, 1970).