Compositeur et violoniste français (Lyon 1697 - Paris 1764).
Jusqu’aux dernières années du xviie s., le violon et sa musique avaient été, en France, singulièrement sous-estimés. À quelques exceptions près, consenties en faveur de virtuoses étrangers ou de notre Jacques Cordier, dit Bocan (1580-1653), rare prophète en son pays, on considérait l’instrument comme voué, au mieux, aux ballets, mais plus particulièrement aux parades foraines, aux tavernes de bas étage.
Une plaisante initiative de François Couperin*, à une époque où il n’était pas encore « Couperin le Grand », amorça un revirement qui ne devait pas tarder à modifier grandement la situation. On connaît l’histoire de la sonate à deux violons et basse qu’il composa en 1692 et fit entendre en s’affublant d’un pseudonyme italien, du succès qu’elle obtint et de l’émulation qu’elle suscita parmi les compositeurs français, le véritable auteur n’ayant pas longtemps fait mystère de son identité.
En deux ou trois décennies, une école française de violonistes-compositeurs prit corps, révélant des virtuoses et des musiciens de qualité, parmi lesquels Jean-Féry Rebel (1661-1747), F. Duval (1673-1728), J. B. Senallié (1687-1730), les deux Francœur (Louis [1692-1745] et François [1698-1787]) peuvent déjà affronter la comparaison sinon avec Corelli*, du moins avec des Italiens d’un rang honorable. C’est à Leclair qu’il allait appartenir de hausser cette école au plan international.
Jean-Marie Leclair (dit « l’Aîné », parce qu’un de ses frères cadets allait porter mêmes prénoms) naquit dans une famille où la musique était en honneur. Le père, Antoine Leclair, exerçait la profession de maître passementier, mais figurait occasionnellement dans des orchestres comme joueur de basse ; parfois aussi on le trouve parmi les maîtres à danser. De ses huit enfants, six allaient être des musiciens de métier.
Jean-Marie, l’aîné, met un certain temps à s’y décider. On sait qu’il étudie le violon (avec des maîtres dont le nom ne nous est pas parvenu), mais son contrat de mariage le qualifie encore, à dix-neuf ans, de « maître passementier », comme son père. Le cumul va plus loin, car il est aussi danseur et chorégraphe, engagé à ce double titre en 1722 par l’Opéra de Turin, où il monte trois intermèdes destinés à être intercalés dans la Semiramide de G. M. Orlandini (1688-1750). Il est probable qu’il a, pendant ce premier séjour à Turin, l’occasion de travailler le violon avec le fameux Giovanni Battista Somis (1686-1763), gloire de l’école piémontaise. Toujours est-il qu’à l’automne de l’année suivante, domicilié pour la première fois à Paris, il y publie son premier livre de Sonates à violon seul avec la basse continue, où s’affirment déjà une personnalité musicale originale et vigoureuse, un solide métier de compositeur et la parfaite connaissance des ressources du violon. Pourtant, il n’a pas complètement rompu avec la chorégraphie. En 1726-27, on le retrouve à Turin adaptateur de divertissements scéniques et premier danseur, au moins occasionnellement ; mais, cette fois, on sait de source sûre qu’il prend des leçons de violon de Somis. Ses progrès sont tels que son maître le persuade d’opter définitivement pour la carrière de violoniste-compositeur.