Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Le Chapelier (Isaac René Guy) (suite)

La réunion de l’Assemblée législative (1er oct. 1791) le libère de ses tâches de député. Il retrouve sa clientèle et, en 1792, part pour l’Angleterre afin d’en défendre les intérêts. Départ suspect qui ressemble à une émigration : Le Chapelier est désormais soupçonné de collusion avec les contre-révolutionnaires ; il fait partie de ceux qui, absents de France, risquent la confiscation de leurs biens. Il revient et cherche à se justifier. Il est arrêté comme « émigré rentré ». Traduit devant le Tribunal révolutionnaire, il est condamné à mort. Le 22 avril 1794, il monte à la guillotine en compagnie de Jean-Jacques Duval d’Éprémesnil, de Jacques Thouret et de Malesherbes.

J.-P. B.

Le Chatelier (Henry Louis)

Chimiste et métallurgiste français (Paris 1850 - Miribel-les-Échelles, Isère, 1936).


Par son père, ingénieur des mines, à qui l’on doit le procédé Martin pour l’obtention de l’acier, Le Chatelier entre en contact avec Sainte-Claire Deville* ; par son grand-père, collaborateur de Louis Vicat (1786-1861), il va s’intéresser aux problèmes des ciments. Sa carrière semble d’ailleurs prolonger celle de son père. Entré premier en 1869 à l’École polytechnique, il en sort également premier dans le corps des mines. Il occupe un poste en Algérie, puis à Besançon et épouse la fille d’un camarade de son père. Répétiteur à l’École polytechnique en 1882, il est nommé en 1887 professeur de chimie industrielle générale à l’École des mines et se consacre dorénavant à la recherche et à l’enseignement. Il obtient en 1898 une chaire au Collège de France. Puis, en 1907, désireux d’avoir un plus large auditoire, il va occuper à la Sorbonne la chaire de Moissan* et, la même année, il succède au même chimiste à l’Académie des sciences.

Physicien égaré parmi les chimistes, comme il se plaît à le dire, Le Chatelier le prouve aussi bien dans les travaux qui lui valent son haut renom que dans la façon dont il rénove l’enseignement de la chimie.

De 1878 à 1882, il étudie les mélanges explosifs, notamment le grisou, et réalise des explosifs de sécurité pour les mines de houille ; il est le premier à enregistrer par photographie l’onde explosive. Il rattache les phénomènes chimiques aux lois de la thermodynamique et donne en 1884 un énoncé général de la loi des déplacements des équilibres physico-chimiques. Il utilise en 1886, pour la mesure des températures élevées, les pyromètres thermo-électriques à base de platine. Grâce à sa création de la micrographie et de l’analyse thermique, il effectue les premières études scientifiques de la structure des métaux et alliages. En 1901, il étudie les conditions de synthèse de l’ammoniac et indique la possibilité d’une préparation industrielle. Il est également l’auteur de recherches sur la céramique et donne les premiers renseignements précis sur la nature des ciments.

Il ne cesse d’affirmer la nécessité d’une constante collaboration entre la science et l’industrie. Il publie plusieurs ouvrages pour diffuser en France la doctrine de Taylor et contribue à la création des mouvements pour une meilleure organisation des entreprises.

Il se dépeint lui-même dans l’éloge qu’il fait de son prédécesseur Moissan : « Dans les sciences comme dans toutes les circonstances de la vie, une persévérance inlassable, une vigueur inflexible dans la lutte contre les obstacles et une affabilité non démentie avec les collaborateurs sont les éléments essentiels du succès. » Ainsi s’explique l’influence qu’il ne cesse d’exercer ; aux fêtes de son cinquantenaire, en 1922, près de trois cents firmes industrielles, de tous les pays, viennent lui apporter leur hommage.

R. T.

 F. Le Chatelier, Henry Le Chatelier, un grand savant d’hier, un précurseur (Revue de métallurgie, 1969).

Leclair (Jean-Marie)

Compositeur et violoniste français (Lyon 1697 - Paris 1764).


Jusqu’aux dernières années du xviie s., le violon et sa musique avaient été, en France, singulièrement sous-estimés. À quelques exceptions près, consenties en faveur de virtuoses étrangers ou de notre Jacques Cordier, dit Bocan (1580-1653), rare prophète en son pays, on considérait l’instrument comme voué, au mieux, aux ballets, mais plus particulièrement aux parades foraines, aux tavernes de bas étage.

Une plaisante initiative de François Couperin*, à une époque où il n’était pas encore « Couperin le Grand », amorça un revirement qui ne devait pas tarder à modifier grandement la situation. On connaît l’histoire de la sonate à deux violons et basse qu’il composa en 1692 et fit entendre en s’affublant d’un pseudonyme italien, du succès qu’elle obtint et de l’émulation qu’elle suscita parmi les compositeurs français, le véritable auteur n’ayant pas longtemps fait mystère de son identité.

En deux ou trois décennies, une école française de violonistes-compositeurs prit corps, révélant des virtuoses et des musiciens de qualité, parmi lesquels Jean-Féry Rebel (1661-1747), F. Duval (1673-1728), J. B. Senallié (1687-1730), les deux Francœur (Louis [1692-1745] et François [1698-1787]) peuvent déjà affronter la comparaison sinon avec Corelli*, du moins avec des Italiens d’un rang honorable. C’est à Leclair qu’il allait appartenir de hausser cette école au plan international.

Jean-Marie Leclair (dit « l’Aîné », parce qu’un de ses frères cadets allait porter mêmes prénoms) naquit dans une famille où la musique était en honneur. Le père, Antoine Leclair, exerçait la profession de maître passementier, mais figurait occasionnellement dans des orchestres comme joueur de basse ; parfois aussi on le trouve parmi les maîtres à danser. De ses huit enfants, six allaient être des musiciens de métier.

Jean-Marie, l’aîné, met un certain temps à s’y décider. On sait qu’il étudie le violon (avec des maîtres dont le nom ne nous est pas parvenu), mais son contrat de mariage le qualifie encore, à dix-neuf ans, de « maître passementier », comme son père. Le cumul va plus loin, car il est aussi danseur et chorégraphe, engagé à ce double titre en 1722 par l’Opéra de Turin, où il monte trois intermèdes destinés à être intercalés dans la Semiramide de G. M. Orlandini (1688-1750). Il est probable qu’il a, pendant ce premier séjour à Turin, l’occasion de travailler le violon avec le fameux Giovanni Battista Somis (1686-1763), gloire de l’école piémontaise. Toujours est-il qu’à l’automne de l’année suivante, domicilié pour la première fois à Paris, il y publie son premier livre de Sonates à violon seul avec la basse continue, où s’affirment déjà une personnalité musicale originale et vigoureuse, un solide métier de compositeur et la parfaite connaissance des ressources du violon. Pourtant, il n’a pas complètement rompu avec la chorégraphie. En 1726-27, on le retrouve à Turin adaptateur de divertissements scéniques et premier danseur, au moins occasionnellement ; mais, cette fois, on sait de source sûre qu’il prend des leçons de violon de Somis. Ses progrès sont tels que son maître le persuade d’opter définitivement pour la carrière de violoniste-compositeur.