Le Brun (Charles) (suite)
Le peintre
L’œuvre de Le Brun n’est pas seulement le témoignage d’une carrière — la plus éclatante de son siècle. Son style est mâle, grave, héroïque, parfois brutal à ses débuts. L’exécution est large, sans le raffinement d’un La Hire ou d’un Le Sueur, et le coloris moins vif et plus chaud que celui de la plupart des maîtres français du siècle. Le Brun est à l’aise dans l’allégorie, pour laquelle il trouve d’emblée des formes lisibles et vivantes. Ce don lui permet d’exceller dans la grande décoration. Cependant, le réalisme ne perd jamais ses droits ; il inspire des morceaux savoureux, surtout dans les ouvrages de la première période (par exemple le poêle et le chat du Sommeil de l’Enfant Jésus), mais encore dans certains de la maturité, comme l’escalier des Ambassadeurs ou les tapisseries de l’Histoire du roi.
Le maître d’œuvre
Le Brun n’aurait pu venir à bout de ses entreprises sans l’intervention de nombreux aides. Cela explique certaines faiblesses d’exécution, que l’on relève surtout dans les grands décors de la période versaillaise. Alors que Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681), Noël Coypel (1628-1707), Antoine Paillet (1626-1701), Michel II Corneille (1642-1708), Jean-Baptiste Corneille (1649-1695), René Antoine Houasse (1645-1710), etc., travaillant sous sa direction, ont préservé leur marque individuelle, d’autres peintres, tels Louis Licherie (1629-1687) ou François Verdier (1651-1730), neveu par alliance du maître, reflètent plus directement son influence. Parmi les collaborateurs de Le Brun, il faut aussi faire la part des spécialistes : Jacques Rousseau (1630-1693), qui peignait des architectures en trompe l’œil ; Jean-Baptiste Monnoyer (1634-1699), auteur de somptueuses natures mortes ; Belin de Fontenay (1653-1715), peintre de fleurs ; sans omettre Adam Frans Van der Meulen (1632-1690), le peintre des batailles, auquel Le Brun confiait des fonds de paysage pour ses modèles de tapisserie.
La carrière officielle de Le Brun déborde, on l’a vu, le domaine de la peinture. La richesse incroyable de son invention est illustrée par les dessins qu’il livrait au talent des sculpteurs, des ciseleurs, des menuisiers, des orfèvres, des tapissiers. Il se contentait le plus souvent de leur fournir des « pensées » qui admettaient d’assez grandes libertés d’exécution, mais assuraient l’unité du style décoratif qui accompagne la période la plus brillante du règne de Louis XIV.
B. de M.
➙ Académie royale de peinture et de sculpture / Académisme / Classicisme / Louis XIV (style) / Versailles.
H. Jouin, Charles Le Brun et les arts sous Louis XIV (Laurens, 1890). / P. Marcel, Charles Le Brun (Plon, 1909). / Catalogue de l’exposition Charles Le Brun au château de Versailles (Éd. des Musées nationaux, 1963).