Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kogălniceanu (Mihail) (suite)

Dans le dessein d’éclairer le peuple, il publie des « feuilles » spéciales, des almanachs, des calendriers. En 1843-44, il enseigne à l’Academia Mihăileană l’histoire de la patrie : l’Allocution introductive prononcée à l’occasion de l’inauguration du cours d’histoire nationale constitue un acte de naissance de l’historiographie roumaine moderne. Respectueux de la vérité, le professeur entendait s’occuper non seulement de l’histoire de la Moldavie, mais de toute l’aire habitée par des Roumains, ce qui a irrité la puissance protectrice et a eu pour effet de faire suspendre le cours. Aidé par Ion Ghika, il fait paraître la « feuille scientifique et littéraire » le Progrès (1844), supprimée bientôt par la censure, tout comme les autres publications. Il essaie de se soustraire aux persécutions en partant pour Paris, où il espère « parachever son éducation par la connaissance des découvertes et des progrès faits par l’esprit humain », mais il échoue (1844). La France ne lui sera accessible que deux ans plus tard et, entre-temps, il compose le recueil de Fragments tirés des chroniques moldaves et valaques (2 vol., 1845) et prépare le vaste corpus narratif Chroniques du pays moldave (1845-1852, 3 vol.), dont il publiera une nouvelle édition enrichie en 1872-1874. Membre de la Société royale des antiquaires du Nord (1843) et de la Société orientale de France (1846), il collabore à la Revue de l’Orient ainsi qu’à d’autres publications.

Il voyage en Espagne, se préoccupant d’histoire comparée (Notes sur l’Espagne, 1847) et, après son retour en Roumanie, il participe au mouvement révolutionnaire de 1848 et rédige le programme de la bourgeoisie roumaine sous le titre de Desiderata du parti national. Après la répression du mouvement révolutionnaire de Moldavie, Kogălniceanu se réfugie en Bucovine, puis en France.

Revenu en Roumanie après 1850, il remplit des fonctions importantes, parmi lesquelles celles de directeur du ministère de l’Intérieur et de directeur des Travaux publics. Le principal problème qui agitait alors les consciences était l’union des principautés, et Kogălniceanu mobilise la nation entière au service de cette idée, par l’intermédiaire du journal l’Étoile du Danube (1855-1860). Membre du Divan ad hoc, appelé à décider au sujet de l’organisation future de l’État, il formule les principes qui constituent les fondements de la Roumanie moderne.

En tant que Premier ministre de la Moldavie (1860-61), puis de la Roumanie (1863-1865), il a été, sous le règne d’Alexandre-Jean Ier Cuza, le promoteur des grandes réformes qui devaient assurer le développement moderne du pays : la distribution des terres aux paysans, la sécularisation des biens appartenant aux monastères, etc. Après l’abdication de Cuza (1866), Kogălniceanu n’a plus eu que passagèrement des rôles de premier plan : comme ministre de l’Intérieur en 1868-1870, 1879-80, et comme ministre des Affaires étrangères en avril-juillet 1876 et 1877-78, quand la Roumanie a obtenu son indépendance. En sa qualité de représentant de la Roumanie au congrès de Berlin (1878), puis comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Paris (1880-81), il a défendu, avec autorité et énergie, les intérêts de son pays.

Comme membre de l’Académie roumaine (1868), il a pris soin de rassembler des collections d’antiquités de valeur et de précieuses œuvres d’art.

P. P.

 R. Dragnea, Mihail Kogălniceanu (en roumain, Bucarest, 1920 ; 2e éd., 1926). / N. Iorga, Mihail Kogălniceanu, l’écrivain, l’homme politique et le Roumain (en roumain, Bucarest, 1920). / V. Ionescu, Mihail Kogălniceanu (en roumain, Bucarest, 1963). / Al. Zub, Mihail Kogălniceanu, bibliographie (en roumain, Bucarest, 1971).

Kokoschka (Oskar)

Peintre anglais d’origine autrichienne (Pöchlarn, près de Sankt Pölten, 1886).


Son père, orfèvre de son métier, quitta Prague pour Vienne, dont l’atmosphère et la culture marquèrent profondément la formation du jeune homme. Étudiant à l’école des arts décoratifs de Vienne (1905-1909), il découvrit surtout l’art primitif, africain et extrême-oriental (Japon). Les artistes qui retinrent son attention furent Franz Anton Maulbertsch (1724-1796), le grand décorateur baroque du xviiie s., puis, plus près de lui, Anton Romako (1832-1889) et Gustav Klimt (1862-1918), ce dernier étant le maître incontesté du symbolisme viennois (v. Art nouveau) ; ainsi, les premiers dessins à la plume ou au crayon de Kokoschka se réfèrent quelque peu à la tradition graphique de Klimt. Exposant en 1908 et 1909 à la « Kunstschau » de Vienne (son autoportrait en plâtre fait scandale en 1908), il écrit au même moment deux drames en vers (le Sphinx et l’épouvantail ; Assassin, espérance des femmes) qui relèvent de l’expressionnisme* littéraire. L’affiche pour Assassin, espérance des femmes reflète la leçon de Munch* comme celle de Klimt, mais le dessin, en raccourcis baroques et en définitions aiguës, fouillées, est déjà très personnel. L’artiste poursuit ses expériences graphiques (que l’époque favorisait éminemment) en collaborant aux travaux des « Ateliers viennois », fondés par Josef Hoffmann en 1903 (les Enfants qui rêvent, lithographies en couleurs, 1908).

C’est l’architecte Adolf Loos (1870-1933) qui introduisit Kokoschka dans le milieu littéraire et artistique viennois, lequel devait lui fournir les modèles de ses célèbres « portraits psychologiques ». Cette investigation du caractère a souvent été rapprochée de la psychanalyse, dont Freud jetait les bases durant la même période. Toujours identifiables, ces effigies se distinguent par leur acuité, que souligne ou adoucit une couleur en demi-teintes (Adolf Loos, 1909, Galerie nationale de Berlin ; Auguste Forel, 1910, Kunsthalle de Mannheim).

Kokoschka ayant fait la connaissance d’Herwarth Walden, l’animateur de la revue et de la galerie Der Sturm à Berlin, celui-ci s’attache aussitôt ses services. À Berlin de 1911 à 1914, alors que la capitale est le centre artistique le plus important des pays germaniques et que l’expressionnisme s’y épanouit, Kokoschka donne de nombreux portraits dessinés pour les colonnes du Sturm et se montre peu touché par les différentes esthétiques contemporaines présentées par Walden (Blaue* Reiter, futurisme). En revanche, un séjour à Venise en 1913 lui apporte la révélation des grands décorateurs vénitiens, le Tintoret en particulier, et confirme son évolution en faveur du mouvement, de la couleur, des effets de matière (la Fiancée du vent, 1914, musée de Bâle).