Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

juridiques (sciences) (suite)

L’augmentation du nombre des accidents et la considération de la faiblesse de la victime ont également entraîné une modification des règles de la responsabilité civile. À côté de la responsabilité fondée sur la faute, on a vu apparaître la responsabilité fondée sur le risque, et le développement des assurances en a consacré le succès (v. responsabilité).

Ainsi, par petites touches ou par panneaux entiers, comme ces dernières années, notre droit civil s’est trouvé modifié depuis 1804. Mais un certain nombre de structures essentielles sont conservées et semblent ne pas pouvoir être bousculées. Même concurrencé par l’union libre, le mariage reste une institution qui répond au besoin qu’éprouvent l’homme et la femme — et leur famille — de publier leur union à la face d’une société qui n’y est pas indifférente ; le principe de la monogamie, les empêchements à mariage entre proches parents, la supériorité des droits des descendants en matière successorale sur ceux des ascendants semblent devoir subsister. De même, le droit de propriété, bien que menacé par certaines théories sociales et économiques, paraît ne pouvoir être sérieusement ébranlé. À quelques nuances près, le droit civil français reste encore le reflet des conceptions sociales, religieuses et politiques de notre pays.

M. C.


Le droit commercial : l’adaptation aux temps nouveaux

L’évolution du droit commercial français est probablement plus malaisée à décrire que celle du droit civil. Le droit commercial, n’étant guère formaliste, ne coule pas aussi nettement que le droit civil ses mécanismes dans des formes aux contours précis. Il ne laisse par ailleurs que relativement peu de traces écrites. Longtemps purement coutumier, largement fait d’usages, de longue date internationalisé (à raison des échanges commerciaux entre nations, qu’il a, notamment, comme rôle d’organiser), il ne s’est, surtout, que lentement distingué du droit civil, ne s’est séparé du tronc commun que sous la pression de la rapide évolution de l’industrie.

Le Code de commerce ne peut être comparé au Code civil, dont la qualité fut universellement jugée remarquable. La grande faiblesse de ce texte est de reprendre l’ordonnance de 1673 et de s’appuyer sur le passé. Il était, certes, difficile de prévoir les grands changements qui allaient affecter les temps nouveaux, les transformations de la vie des affaires allant être plus rapides que celles qui affecteront la vie familiale.

Le xixe s. voit des modifications nombreuses apportées à l’édifice primitif : la loi de mars 1838, déjà, modifie la procédure de la faillite ; la protection des brevets d’invention est réglementée par la loi de 1844 ; les formes des sociétés commerciales sont améliorées ; le marché financier et, en conséquence, la législation sur les valeurs mobilières, perfectionnés. Les lois sur le chèque (1865) et sur les sociétés commerciales (24 juill. 1867) sont les plus importantes de l’époque, cependant que les Bourses de commerce sont organisées par la loi de 1866 sur le courtage, ce dernier devenant libre. La liquidation judiciaire est créée, au côté de la faillite, par la loi du 4 mars 1889.

La loi du 17 mars 1909 organisera le nantissement des fonds de commerce ; des textes des 8 août 1913 et 17 mai 1915 prévoiront le warrant sans déplacement. La loi sur les sociétés anonymes a été complétée par celle du 1er août 1893. La réhabilitation des faillis est prévue par la loi du 30 décembre 1903 et celle du 23 mars 1908. La charte des chambres de commerce remonte à la grande loi du 9 avril 1898 ; la propriété industrielle se voit octroyer une protection plus étendue par les lois des 3 mars 1890, 7 avril 1902, 13 avril 1908, 14 juillet 1909 et 8 août 1912. L’assurance est réorganisée par un texte du 13 juillet 1930 ; les sociétés sont régies par la loi du 24 juillet 1966 remplaçant la loi de 1867, etc. Le droit commercial s’adapte sans cesse aux nécessités de la vie économique contemporaine.


Le droit pénal : l’influence de la doctrine

Dès la fin de l’Ancien Régime, un adoucissement se remarque dans les doctrines pénalistes, et certaines réformes sont organisées : les cahiers des États généraux témoignent déjà de nombreuses déclarations relatives à la réforme du droit pénal et à la plus grande égalité désirée dans l’application de la peine. Là réside, en effet, un des problèmes majeurs de ce droit répressif, engageant au plus haut point la conscience collective.

La Déclaration des droits de l’homme apporte un principe nouveau d’une portée révolutionnaire : l’article 8 énonce que, désormais, nul ne pourra se voir infliger une peine qu’en vertu d’un texte préétabli et promulgué antérieurement à la commission de l’infraction* : le principe de la légalité des délits* et des peines avait en fait été énoncé par Beccaria* ; il triomphe désormais.

Le premier Code pénal (1791), puis celui de brumaire an IV (1795) portent trace de ces nouveaux principes. Au régime des peines arbitraires succède celui des peines fixes : un catalogue d’infractions, assorties d’une liste de peines correspondantes (un « tarif » en quelque sorte), prévoit tous les faits répréhensibles et le type de leur répression... On retrouve là des concepts contenus aussi dans le « contrat social ». Le système est très rigide, l’égalité va trop loin, empêchant pratiquement tout effort d’individualisation des peines. L’adoucissement de celles-ci a, durant toute la période révolutionnaire, favorisé un brigandage et des exactions extraordinairement fréquents.

La réaction napoléonienne est de ce fait très sensible : la sécurité de la société doit, à tout prix, être assurée. Le Code d’instruction criminelle de 1808 (qui deviendra, en 1958, le Code de procédure pénale) et le Code pénal de 1810 font l’objet d’une élaboration pratiquement simultanée. Le point de vue de l’utilité sociale, le concept de Beccaria selon lequel la répression doit envisager essentiellement l’avenir, ne pas revêtir un aspect de vengeance, mais de dissuasion, va dominer. Le Code édicté des dispositions très rigoureuses : le faux-monnayeur, ainsi, se voit infliger la peine de mort. Les peines perpétuelles sont rétablies. Mais un effort d’individualisation des peines est tenté, le juge recouvrant un certain pouvoir d’appréciation.