Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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juridiques (sciences) (suite)

Le législateur, en effet, fixe un minimum et un maximum, créant de ce fait une fourchette à l’intérieur de laquelle le juge pourra exercer un certain choix. Des circonstances atténuantes pourront tempérer la rigueur de la peine la plus haute par l’application en fait de la peine la plus basse. La conciliation entre l’inhumaine rigueur de l’Ancien Régime et la douceur exagérée des Codes révolutionnaires explique la réussite du Code et son succès en Europe continentale.

Le xixe s., après la chute de l’Empire, connaît le heurt de doctrines pénitentiaires et pénalistes opposées : pour le courant de pensée de la « justice absolue » de Kant, prônant une souffrance compensatrice du mal créé, l’État se doit d’accomplir une tâche moralisante. Pour les néo-classiques, dont les représentants sont Guizot et Pellegrino Rossi, la peine a une valeur morale et sociale tout à la fois : « Ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est utile. » Mais le grand mérite des néo-classiques est de s’attacher également au relèvement du coupable et de s’intéresser à la réforme des établissements pénitentiaires.

Le législateur de la monarchie de Juillet va distinguer les infractions de droit commun et les infractions de nature politique : la faute politique est considérée moins sévèrement qu’auparavant. La peine de mort sera supprimée en matière politique par la Constitution du 4 novembre 1848, cependant que la loi du 28 avril 1832 donne aux circonstances atténuantes une portée désormais générale. Le droit pénal français, de 1880 à 1914, va connaître un grand nombre de textes importants : la loi du 27 mai 1885 sur la relégation (peine criminelle perpétuelle), celle du 26 mars 1891 sur le sursis, la loi du 12 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants, qui va distinguer le système des mineurs du système des adultes. L’évolution se prolongera après le premier conflit mondial et à l’époque contemporaine : un souci réel de protection des garanties de la personne inspire de récentes réformes comme l’institution de la détention provisoire et du contrôle judiciaire (juillet 1970).


Le droit public ou la pesée des contraintes


Les principes et l’évolution du droit public

Le droit public se précise quand l’État* « rationalisé » de la Révolution française suscite un système organisé de pouvoirs publics dotés de compétences nettement délimitées et des rapports de l’administration et des administrés d’un type spécifique.

C’est dans le caractère « régalien » du droit public que s’enracinent ses traits les plus particuliers : des pouvoirs publics, d’un côté, autorités politiques ou administratives remplissant une mission d’intérêt général, et, de l’autre, des citoyens, simples personnes privées défendant seulement des intérêts particuliers : là réside la dissymétrie qui, inévitablement, va rejaillir sur la norme juridique.

• Les deux zones du droit public.

• Une première zone : le droit public réglant les rapports des organes publics entre eux. Qu’il s’agisse des rapports se faisant jour entre les divers « fonctions » ou « pouvoirs » de l’État, ou des relations entre l’État et les collectivités* territoriales, il existe une première zone de droit public : on pourrait la qualifier de droit relationnel des personnes publiques entre elles. Il en va ainsi de la presque totalité du droit constitutionnel, d’une large partie du droit financier (le droit budgétaire), d’un fragment du droit administratif (la tutelle des collectivités territoriales). L’action du droit public, en quelque sorte, n’est pas perceptible ici à l’extérieur.

Il y a ici droit public, non pas en raison du déséquilibre se manifestant entre la nature même des personnes en cause, mais en raison de la nécessité, pour l’activité relationnelle des organes publics entre eux, de prévoir un droit sur mesure : ce droit se caractérisera par son caractère rationalisé (textes écrits et préétablis), obligatoire, où la part de la jurisprudence est faible et où généralement on relève un caractère moins nettement sanctionnateur que dans l’autre sphère du droit public, qu’il faut par ailleurs distinguer.

• Une seconde zone de droit public : le droit des relations « personnes publiques - simples particuliers ». La justification de l’existence d’un droit public est ici différente : il s’agit d’une norme qui va régir les rapports entre des personnes d’un « rang » juridique éminemment différent, l’État et les collectivités territoriales d’une part, les simples particuliers par ailleurs. Dans cette mouvance, nous trouvons une partie du droit constitutionnel (les libertés publiques), une partie (très large) du droit administratif ainsi que le droit fiscal, droit des relations financières se faisant jour entre l’État et les assujettis. Il s’agit d’un droit public « externe » ou « exogène », imposant aux nationaux des rapports de contrainte foncièrement différents des rapports de droit privé, mais d’un droit lui-même limité par les droits et libertés des citoyens.

• Les critères du droit public.

• Le critère organique. La distinction repose sur le fait que le droit public fait apparaître essentiellement l’intervention de l’État : dès que cette intervention a lieu, on est dans l’orbite du droit public. Mais la distinction est passible d’un grave reproche, puisque dans les sociétés modernes toute fonction juridique est du monopole de l’État et que tout droit est, en ce sens, droit public : l’État intervient même dans le droit privé, puisqu’il est l’auteur (au moins l’auteur principal) du droit, civil, commercial ou pénal.

• Le critère technique. Aussi a-t-on introduit une autre distinction, le droit public et le droit privé se distinguant par leur technique : le droit public utilisera des concepts et des techniques étrangers au droit commun, celui-ci régissant essentiellement les rapports des personnes privées entre elles ; le contrat sera le plus souvent délaissé, et de préférence l’acte unilatéral employé, manifestation d’autorité imposant la volonté de la personne publique à l’adhésion de la personne privée. Si le contrat est employé, il sera d’un type spécial, l’un des partenaires ayant une situation privilégiée par rapport à son cocontractant : la partie ici n’est jamais totalement égale.

• Les sources du droit public.

• La source socio-politique. Le droit public étant proche des sciences sociales, on peut comprendre qu’une source extra-juridique y prédomine, la source politique. Cette source reflète elle-même deux courants profondément opposés, mais complémentaires, la tradition autoritaire et le courant libéral.