Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

juridiques (sciences) (suite)

Classification des principales branches de la science juridique (au niveau des spécialisations des professeurs des universités françaises)

Droit privé :

• droit civil (l’état des personnes, la famille, le droit des contrats, les patrimoines, les successions, la procédure civile, etc.) ;

• droit commercial et maritime (les commerçants, les actes de commerce, le fonds de commerce, le contrat de société, les divers types de sociétés, les divers types de sociétés commerciales, les techniques boursières et bancaires, etc.) ;

• droit pénal (le délit, la théorie générale de la responsabilité, le régime des peines, la mesure des peines, l’organisation judiciaire, la procédure pénale, etc.) ;

• droit international privé (la nationalité, la condition des étrangers, les conflits de lois, les conflits de juridiction, etc.).

Droit public :

• droit constitutionnel (l’histoire constitutionnelle, la structure des organes de l’État [Parlement et gouvernement] et leurs rapports, les partis politiques, etc.) ;

• droit administratif (la fonction administrative et les actes administratifs, la Justice administrative, la police administrative, la fonction publique, les travaux publics, l’aménagement du territoire, les collectivités territoriales, etc.) ;

• finances publiques (le budget et la comptabilité publique les ressources financières publiques, la fiscalité) ;

• droit international public (les sources du droit international public [traités, coutumes, sources subsidiaires], les compétences et territoires des États, le domaine international [la mer, les fleuves et canaux, l’air et l’espace], les conflits internationaux, les organisations internationales, etc.) ;

• droit de la sécurité sociale et des transferts sociaux.

J. L.


Sciences juridiques et sciences économiques : l’influence des faits économiques sur les faits juridiques


L’influence des faits économiques sur l’élaboration du droit

La grande mutation connue par le monde moderne, déjà perceptible avec la Renaissance, mais trouvant en réalité toute sa puissance révolutionnaire avec la civilisation industrielle du xixe s., a en fait une base économique. Le soubassement de la vie en société est profondément bouleversé par des styles de vie nouveaux, eux-mêmes expliqués par des inventions fondamentales : d’où l’influence de plus en plus nette des faits économiques sur le droit lui-même.

Une des premières manifestations de cette révolution nous est curieusement révélée par l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (1815) — la Constitution impériale, jamais appliquée, contemporaine des Cent-Jours —, qui prévoit une représentation des forces économiques en fonction précisément de l’industrialisation, alors en germe, du pays. Mais d’innombrables exemples nous sont par ailleurs donnés : un cas entre dix autres est révélé par l’article 1895 du Code civil, texte fait manifestement pour un régime de stabilité monétaire. Cette stabilité disparaissant, il fallait prévoir tout un arsenal de techniques juridiques pour pallier l’inconvénient majeur d’une monnaie désormais fondante. De 1919 à 1957, la jurisprudence, sous la poussée d’une incessante détérioration monétaire (v. franc), tendit à modifier ou à assouplir le principe de la non-indexation des prêts. La nécessité économique devait infléchir la rigidité du droit.

En droit pénal, à côté des peines érigées par le Code pénal lui-même pour sanctionner quelques fautes de nature économique, d’autres codes (Code du travail, Code de commerce) ont dû se manifester eux-mêmes comme des législateurs pénaux : la « faute économique » est apparue (successeur des délits prévus par la « loi du maximum »), mais, étant donné le prodigieux essor de la civilisation industrielle, les infractions économiques devaient fatalement revêtir une importance toujours plus grande : les sociétés commerciales, le chèque, les fonds* de commerce ont entraîné à leur suite une floraison de délits économiques, la jurisprudence faisant de grands efforts pour suppléer les lacunes de la législation écrite dans ce domaine vierge de la vie juridique.


L’économie et la science du droit

Mais, loin de se cantonner au seul niveau de la genèse du droit, les faits économiques agissent également sur l’organisation même de la science juridique. Un exemple de cette influence peut être donné par la science financière.

Le fait fiscal, fait essentiellement juridique en lui-même, est apparu peu à peu, aux yeux des spécialistes, comme ne pouvant aucunement être séparé de phénomènes environnants, les faits économiques et sociaux notamment. Ces aspects ont été pris en charge depuis quelques décennies par l’« économie financière » (et notamment une de ses branches, la théorie économique de l’impôt), distincte de la science fiscale des juristes. Certains auteurs italiens creusèrent le concept d’une formulation de lois fiscales applicables pour tous les milieux et toutes les époques, indépendamment des systèmes politiques en vigueur (d’autres représentants de l’« école financière italienne » par contre — Antonio De Viti De Marco [1858-1943] notamment ou Luigi Einaudi [1874-1961] — préférant, eux, se placer dans un cadre politique précis).

L’économie financière se distinguait ainsi de l’économie générale, mais aussi et surtout de la législation fiscale, étudiant essentiellement quant à elle les aspects juridiques de l’impôt. Un dédoublement de la science de l’impôt s’opérait ainsi dans les facultés devant les yeux de spécialistes obligés, s’ils n’étaient que juristes, de laisser une partie de leur domaine au pouvoir d’économistes, mieux outillés mentalement pour les problèmes nouveaux que faisaient apparaître les effets de la fiscalité. La modestie du savant devenait de rigueur...


Le droit privé ou la liberté encadrée


Les principes fondamentaux du droit privé français

Le droit civil et le droit commercial (les deux branches fondamentales du droit privé) ont été organisés à l’orée du xixe s., au terme d’un effort sans précédent de la pensée juridique et de la codification*, sur des fondements divers : textes des pays qui pratiquaient le droit écrit, coutumes connues dans les pays de coutumes, législation de la période révolutionnaire (dite droit intermédiaire). Le droit privé français reflète un certain nombre de principes fondamentaux qu’il convient de rappeler pour en mieux saisir les tendances les plus profondes, voire les contradictions les plus flagrantes avec les temps nouveaux auxquels, très vite, ils seront affrontés.