Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Johannesburg

V. de la république d’Afrique du Sud.


Troisième ville d’Afrique après Le Caire et Alexandrie, Johannesburg est la plus grande ville de la république d’Afrique du Sud, avec une population de 1 364 500 habitants en 1968 (884 000 en 1951, 1 110 905 en 1960), population formée de 477 000 Blancs, de 773 400 Bantous, de 76 300 Coloureds et de 38 100 Asiatiques (1 433 000 hab. en 1970).

Après la découverte des champs aurifères du Main Reef, le gouvernement de Pretoria chargea Johann Rissik et Christiaan Johannes Joubert de choisir un site pour la création d’une ville au cœur de la zone aurifère : ainsi naquit en 1886 Johannesburg, la « ville de Johannes ». Primitivement cité de mineurs, la ville s’est développée rapidement surtout à partir de 1930 et est devenue la capitale des affaires, la principale ville industrielle et le centre culturel le plus important de la république d’Afrique du Sud.

Situé à 1 750 m d’altitude, au centre du Witwatersrand, le grand Johannesburg s’étend aujourd’hui sur 30 km du nord au sud et sur 20 km d’est en ouest. À partir de la zone aurifère du Main Reef, avec ses dizaines de hauts terrils d’un blanc éblouissant, constitués par les déblais surtout quartzeux des mines, la ville s’est développée presque exclusivement vers le nord, de telle sorte que son plan est quelque peu excentrique. Le quartier des affaires, qui fait figure de centre-ville, avec ses centaines d’énormes buildings à allure de gratte-ciel et son système d’avenues se recoupant à angle droit, occupe l’emplacement de l’ancienne cité minière et est dominé au sud par la masse des terrils tout proches (le centre de l’activité minière s’est déplacé aujourd’hui vers le Far West Rand et l’East Rand). On y trouve les banques, les bureaux de la plupart des sociétés ayant une activité en république d’Afrique du Sud, les administrations, les grands magasins, la plupart des théâtres et des cinémas ainsi que la gare centrale des chemins de fer. Vers le nord, le nord-est et le nord-ouest s’étendent largement les quartiers de résidence blanche, qui occupent un énorme espace, car il s’agit essentiellement de villas entourées de jardins (Bryanston, Randburg, Hyde Park, Sandown, Oaklands, etc.). La zone résidentielle blanche est elle-même coupée d’espaces verts importants, comme Kent Park, Jan Van Riebeeck Park, Hermann Eckstein Park, Melrose Bird Sanctuary, etc.

Bien que plus nombreux que les Blancs, les Bantous occupent un espace urbain bien moindre, surtout dans l’est de la ville : Bosmont, Newclare, Newlands, Greymont ; il en va de même pour les Asiatiques et les Coloureds, auxquels sont affectés certains quartiers proches du centre-ville (Newtown) ou au sud sur le Reef, le long de la route d’Heidelberg.

Si les zones résidentielles se sont développées essentiellement au nord du Reef, c’est dans les espaces laissés libres sur le Reef, entre les terrils, et au sud que s’est implantée l’activité industrielle. La principale zone industrielle est celle qui inclue Selby, Stafford, Booysens, Turffontein, Kenilworth, Springfield, au sud du quartier des affaires : on y trouve 90 p. 100 des usines. Mais il existe d’autres périmètres industriels, principalement à l’ouest (Industrial West, au sud de Newclare) et à l’est vers Germiston.

L’un des problèmes que posent le développement de la ville et son industrialisation est celui du ravitaillement en eau. Il est prévu de construire un aqueduc de 450 km depuis le lac artificiel que créera le barrage de l’Oxbow, sur le fleuve Madibamatso, affluent de l’Orange, au Lesotho.

L’activité industrielle intéresse environ 200 000 salariés, Johannesburg intervenant pour 75 p. 100 dans la production industrielle du sud du Transvaal et pour 25 p. 100 environ de celle de l’ensemble de la république d’Afrique du Sud. Les industries mécaniques (gros matériel d’extraction minière, de travaux publics ; montage automobile) et chimiques (y compris les industries pharmaceutiques) viennent en tête, mais l’éventail est très ouvert, comprenant encore l’électronique, la brasserie, la papeterie, des usines de chaussures, la diamanterie, des fabriques de cigarettes, la confection de vêtements, etc.

Près du centre-ville, au nord-ouest du quartier des affaires, l’université du Witwatersrand est la plus importante des universités de langue anglaise de la république d’Afrique du Sud, avec plus de 6 000 étudiants. Plusieurs musées (African Museum, Jewish Museum), des parcs zoologiques (Zoological Gardens, Melrose Bird Sanctuary) et botaniques (The Wilds, Melville Koppies Nature Reserve), des théâtres font de Johannesburg le principal centre culturel de la république d’Afrique du Sud.

Enfin, Johannesburg est le principal nœud de voies de communication du pays, tant au point de vue routier qu’au point de vue ferroviaire (liaisons vers Lourenço Marques, Durban, Le Cap, le nord du Transvaal, etc.). L’aéroport Jan Smuts, situé à 25 km de Johannesburg, vers Pretoria, est le plus important de la république d’Afrique du Sud. Une quinzaine de compagnies aériennes y transitent.

R. B.

 E. Neame, City Built on Gold (Johannesburg, 1960).

Johnson (Samuel)

Écrivain et moraliste anglais (Lichfield 1709 - Londres 1784).


Quand, en 1737, marié depuis deux ans à une veuve du double de son âge, Samuel Johnson part à la conquête de Londres, il ne peut offrir en guise de références qu’un bref séjour à Oxford (1728-29) et deux échecs dans l’enseignement. Son bagage littéraire se compose d’une version latine de Messiah (1731) de Pope, d’une traduction (1735) d’un Voyage en Abyssinie... de Jerónimo Lobo (à partir d’une version française) et de sa tragédie Irène, qui ne sera jouée qu’en 1749. Après avoir salué son arrivée dans la capitale par une satire, London (1738), dans le ton de Juvénal, il s’adonne alors au hack writing, notamment pour le Gentleman’s Magazine, où ses « Debates in the Senate of Magna Lilliputia » (1738-1743) retracent les discours des Chambres. Du monde désargenté de Grub Street, il donne un aperçu dans Account of the Life of Mr. Richard Savage (1744). Déjà s’impose sa forte personnalité. Pas plus qu’une mauvaise vue ne peut retenir le Johnson enfant de dévorer les livres de la librairie paternelle, « l’incommodité et les interruptions [...], la maladie et l’affliction [...] » ne ralentiront jamais l’immense activité littéraire de celui qui, après Pope, maintient la pérennité du classicisme. De la même manière, son pessimisme naturel, révélé par The Vanity of Human Wishes (la Vanité des désirs humains, 1749), et triomphant dix ans plus tard dans la fable morale orientale The History of Rasselas, Prince of Abyssinia, ne s’oppose en rien à sa vigoureuse action contre abus et maux du temps : peine de mort (The Rambler, no 114, 1751) ; impérialisme ou esclavage (Observations on the Present State of Affairs, 1756 ; The Idler, no 81, 1759 ; Taxation on Tyranny, 1775). Enfin, son goût de l’indépendance, qui lui fait prendre ses distantes avec les « patrons » si recherchés par ses confrères en littérature (cf. sa fière et impertinente lettre à lord Chesterfield du 7 février 1775), ne lui semble pas incompatible avec ses idées conservatrices. Membre convaincu, quoique assez tolérant (The Patriot, 1774), de l’Established Church of England, ce rationaliste s’érige en champion de la religion et de la morale, auxquelles il soumet la poésie. Ses périodiques, The Rambler (1750-1752) et The Idler (1758-1760), entraînent définitivement le siècle dans la voie ouverte par sir Richard Steele et Joseph Addison. Mais, à l’aimable éthique de The Spectator, Johnson substitue une morale à l’image de sa religion, affirmée comme source de bonheur (« Vision of Theodore », 1748), mais, en fait, sombre et austère (Prayers and Meditations, 1785). Il travaille aussi à son Dictionary of the English Language. Huit ans de labeur séparent la publication du plan — présenté sans succès à lord Chesterfield en 1747 — de l’ouvrage, qui, en 1755, marque une étape importante de la langue anglaise et va faire autorité pendant plus d’un siècle et assurer la notoriété à son auteur. Bientôt reconnu par le gouvernement et pensionné (1762), Johnson devient vraiment le phare des lettres de son pays. Ami des célébrités du temps, des David Garrick, Joshua Reynolds, Edmund Burke, du dévoué James Boswell (1740-1795), son plus célèbre biographe (Life of Samuel Johnson, 1791), d’Oliver Goldsmith, qu’il protège, ses avis font manière d’oracles au club tenant ses assises à la « Turk’s Head ». Au faîte de sa gloire, Johnson publie en 1765 l’édition des pièces de Shakespeare, dont la préface constitue un de ses chefs-d’œuvre. Ses jugements, d’une approche essentiellement morale, parfois discutables, mais marqués par le bon sens et l’intelligence, affirment ses qualités littéraires de rigueur, de clarté et de concision. The False Alarm (1770), Thoughts on Falkland’s Islands (1771) témoignent de son activité de pamphlétaire politique. A Journey to the Western Islands (1775), sa relation de voyage en Écosse, laisse percer ses préjugés — ici contre les Écossais —, sa perspicacité — quand il met en doute l’authenticité des poèmes d’Ossian — et, bien sûr, son penchant à la réflexion morale. Quant à Lives of the English Poets (1777-1781), sa grande œuvre de vieillesse, ne comportant pas moins de cinquante-deux études (Dryden, Pope, Swift, Milton...), tout en conservant les marques essentielles de son talent, il confirme une fois encore sa tendance à trancher sans appel. Et pourtant, un siècle et demi après sa mort, T. S. Eliot peut écrire : « Je considère Johnson comme l’un des trois plus grands critiques en poésie de la littérature anglaise [...] » (Johnson as Critic and Poet, 1942). Annonçant bien des tendances du tempérament de l’époque suivante, l’œuvre de Johnson agit comme un fixateur à la couleur intellectuelle et pratique du xixe s.

D. S.-F.

 M. J. C. Hodgart, Samuel Johnson and His Times (Londres, 1962). / B. H. Bronson, Johnson Agonistes and Other Essays (Berkeley, 1965).