Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jérusalem (suite)

Sur l’esplanade du Temple, qui prend le nom de Harām al-Charīf et où, selon la croyance musulmane, doit se dérouler le jugement dernier, ‘Umar ne fit dresser qu’une minuscule mosquée de bois, semblable à celles des premiers disciples du prophète. Mais le calife ‘Abd al-Malik (685-705), mû par de nouvelles conceptions, résolut de faire de Jérusalem un centre de pèlerinage islamique comparable à La Mecque et entreprit la construction de la Coupole du Rocher. Si l’on considère le tracé de la Coupole, un cercle — flanqué de deux octogones — qui symbolise le centre du monde avec des continents et les océans à son pourtour, on peut supposer que le calife ‘Abd al-Malik voulut reprendre à son compte les traditions juive et chrétienne sur le rôle de la ville « nombril du monde ». L’esplanade retrouva son rôle biblique d’enceinte sacrée, le plan de la Coupole, unique dans l’architecture musulmane, fut emprunté aux basiliques byzantines, tandis que les citations coraniques de caractère polémique qui y sont inscrites manifestent le dessein d’assumer et de supplanter le judaïsme et le christianisme.

À côté de la Coupole promue lieu de pèlerinage, une mosquée fut bâtie sur le versant sud de la montagne du Temple afin de servir de maison de prière. La tradition musulmane identifia par la suite cet édifice avec la « mosquée la lointaine » (al-Aqṣā), où Mahomet eut son « ascension nocturne » (sourate xii, 1). Plusieurs fois endommagée par les tremblements de terre, la mosquée al-Aqṣā a été remaniée à de nombreuses reprises.

La dynastie des Omeyyades (de 661 à 750) respecta la politique de tolérance instaurée par ‘Umar. Mais avec la prise de pouvoir des califes ‘abbāssides, juifs et chrétiens subirent un certain nombre de tracasseries. C’est pourtant à cette époque que le Sanhédrin recommença de se réunir.

Les chrétiens de Jérusalem durent chercher appui à l’extérieur. Au ixe s., après un accord avec le calife Hārūn al-Rachīd, Charlemagne leur apporta son aide. Mais l’alliance entre l’islām et l’Empire carolingien ne durera pas au-delà du xe s. L’empereur byzantin Nicéphore Phokas en profita pour faire une incursion jusqu’à Jérusalem, qui provoqua la chute de la ville aux mains des Fāṭimides d’Égypte (969).

En 996, le calife Hākim instaura une politique d’élimination des chrétiens et fit détruire le Saint-Sépulcre. Au xie s., malgré un accord momentané pour la reconstruction des églises entre le calife al-Mustansir Bi-llāh et l’empereur Constantin IX Monomaque (1048), la situation s’aggrava de nouveau. En 1077, les Turcs Seldjoukides* entrèrent dans la ville, y semant la désolation. Les pèlerinages cessèrent. Les académies rabbiniques se replièrent sur Tyr. Les chrétiens s’enfuirent. Cette situation désastreuse déclencha la réaction des croisades*.


Le royaume latin de Jérusalem (1099-1187 et 1229-1244)

Les croisés mirent vingt années pour arriver au terme : la prise de Jérusalem (15 juill. 1099). Au lieu de se porter seulement contre les oppresseurs turcs pour en délivrer la ville, les croisés se livrèrent à un massacre tant des juifs que des musulmans. Tandis que le pays conquis était partagé en trois principautés (Antioche, Édesse, Tripoli), Jérusalem, en tant que cité du Christ, fut d’abord laissée à part avec le titre de simple avouerie et confiée à Godefroi de Bouillon (v. croisades et latins du Levant [États]).

La courte présence des Francs marqua profondément le visage de Jérusalem. Le Saint-Sépulcre fut rebâti, de nombreuses églises de style roman furent édifiées. Un chemin de croix avait été inauguré sur la Via dolorosa. La spiritualité franciscaine, orientée vers l’humanité du Christ, s’explique pour beaucoup par l’influence de la Terre sainte. C’est aussi à cette époque que s’est implanté en Palestine un patriarcat latin qui est venu doubler les juridictions chrétiennes existantes et qui a perduré depuis lors.


L’occupation mamelouke (1260-1517)

Après une occupation mongole (1244-1260), les Mamelouks* d’Égypte rétablirent l’ordre à Jérusalem. Un accord fut signé avec les Francs d’Acre. Les chrétiens restés à Jérusalem durent s’accommoder d’un régime de partage des sanctuaires entre les diverses communautés et d’une simple protection étrangère, première étape d’un statu quo des Lieux saints qui dure encore aujourd’hui. Des pèlerinages purent être organisés sous l’égide des Vénitiens.

C’est à cette époque que Jérusalem devint, pour la première fois, une ville à prédominance musulmane et fut dotée d’un rôle administratif véritable. En 1267, le célèbre philologue juif Nahmanide vint de France réorganiser la communauté juive ; il établit à Jérusalem une synagogue et une école séfarade dont la célébrité s’étendra jusqu’au xvie s. En 1390, avec l’arrivée des immigrants allemands, une école ashkénaze fut également fondée par Isaac Ha Levi. Par la collecte de la haloukah, destinée aux habitants de Jérusalem, par la venue de savants renommés comme Elie de Ferrare (1437), le contact sera maintenu sans cesse, pendant toute cette période, entre la communauté juive de Jérusalem et celles de l’Europe.


L’occupation ottomane (1517-1917)

Le 30 décembre 1516, Sélim Ier fit son entrée à Jérusalem. Son fils Soliman II, dit le Magnifique (1520-1566), pourvut la ville d’aqueducs, de portes et de murs, tels qu’on peut les voir aujourd’hui, et donna à la vieille cité l’aspect qu’elle a gardé pendant quatre siècles. Soliman signa en outre avec François Ier des « capitulations » qui accordaient à la France, à côté de certains avantages politiques, la protection des chrétiens. Mais la prospérité conférée par Soliman à Jérusalem ne dura pas. Après sa mort, la ville entra dans son déclin ; les pèlerinages latins se raréfièrent et la communauté grecque orthodoxe, dont les sujets étaient ottomans, acquit une position plus forte dans les Lieux saints. En 1555, Charles Quint obtint de reconstruire la chapelle du Saint-Sépulcre, qui devint ainsi propriété latine. Un conflit déclaré s’installa alors entre Grecs et Latins, qu’accrut encore la réunion des patriarcats latins de Jérusalem et de Constantinople sous une seule autorité. Au début du xviie s., la Russie tsariste donna aux orthodoxes de Géorgie les moyens d’acquérir des droits à Jérusalem. Ainsi fut inaugurée une concurrence pour la possession des Lieux saints ; la puissance ottomane, attachée à faire régner l’ordre, entérina la situation.