Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jérusalem (suite)

Aux xviie et xviiie s., l’influence de la communauté juive de Turquie, en majorité originaire d’Espagne, et le développement des cercles mystiques de Safad et de Tibériade permirent un renouveau de la vie juive à Jérusalem. Quand surgit le faux messie Sabbatai Zevi (1626-1676), il y eut même un véritable mouvement de migration vers la cité sainte.

Après les massacres de 1648 et 1656, les juifs de Russie et de Pologne vinrent nombreux en Palestine. En 1700, le rabbi Juda Hehassid, un disciple de Sabbatai Zevi, se mit en route avec 1 500 personnes ; il acquit à Jérusalem le terrain de la synagogue de Nahmanide, la transforma, et elle devint la célèbre « Hourva ». En 1721, les Arabes brûlèrent la Hourva avec ses quarante rouleaux de la Torah ; il n’y eut plus alors que la synagogue ashkenaze ; la Hourva fut reconstruite en 1743. En 1777, le rabbi hassidique Menahem Mendel de Vitebsk s’établit à Jérusalem avec trois cents disciples.

La campagne de Bonaparte, conduite sous le signe de la liberté des peuples, fut le signe d’un changement de situation. Bien que l’armée française ne pût atteindre Jérusalem, l’influence européenne ne tarda pas à se manifester par la création d’écoles, d’hôpitaux et d’instituts de recherches archéologiques. La présence des Latins s’accrut alors fortement à Jérusalem.

Vers 1850, une nouvelle puissance, la Russie, vers laquelle se tournaient naturellement les orthodoxes, fit son entrée en scène. C’est alors que le Sultan publia un firman fixant le statu quo des Lieux saints (1852). Malgré une tentative de Napoléon III pour dissocier le problème des Lieux saints de celui des détroits, principal objet des convoitises russes, l’affaire déclencha néanmoins la guerre de Crimée. D’autres intérêts, aussi politiques que religieux, conduisirent à la fondation d’un évêché anglican (1841), d’une église luthérienne (1898) et de nombreux instituts scientifiques.

Dans la seconde moitié du xixe s., la situation de plus en plus précaire des communautés juives dans l’empire tsariste amena un réveil national et la formation de divers mouvements, Amants de Sion, groupe « Bilou », etc., d’inspiration sioniste (v. Palestine et sionisme). Des colonies de juifs originaires d’Europe orientale commencèrent à s’installer sur la côte dans la région de Jaffa, puis en Galilée. À ce moment, les haloutsim juifs s’unirent aux éléments avancés de la population arabe pour obtenir le départ des Turcs. Quand, en 1917, le général anglais Allenby fit son entrée dans Jérusalem, une légion juive se trouva parmi ses troupes aux côtés de contingents arabes. Au même moment, la Grande-Bretagne, par la déclaration Balfour (2 nov. 1917), prit la décision de favoriser la reconstitution d’un Foyer national juif en Palestine. La Société des Nations, en confiant en 1922 à la Grande-Bretagne le mandat sur la Palestine, ratifia implicitement ce projet.


La période du mandat britannique (1922-1947)

À partir de 1918, des quartiers modernes — Talpiyot, Rehavia, Beit-Hakerem — virent le jour à l’ouest et au sud de la vieille ville, contrastant avec le centre de Mea Shearim et avec celui des Boukhariens, au nord. Cette implantation juive accrue provoqua des réactions arabes, qui éclatèrent à Jérusalem en 1920 et 1928. Le haut-commissaire anglais Herbert Samuel freina l’immigration juive et nomma au poste de grand muftī de Jérusalem l’intransigeant Ḥādjdj Amīn al-Ḥusaynī. La montée du nazisme (1933) et la multiplication des réfugiés juifs d’Europe centrale n’infléchirent pas la politique britannique, qui, faute de mieux, commença à s’orienter vers un partage du pays, Jérusalem devant se trouver sur la ligne frontière, à titre de ville ouverte.

Au lendemain du conflit mondial, la Grande-Bretagne voulant limiter l’entrée en Palestine des nombreux rescapés juifs des camps hitlériens (affaire de l’Exodus), et les revendications arabes devenant plus vives, la tension contre le gouvernement anglais monta rapidement des deux côtés. Le 22 juillet 1946, l’Irgoun, organisation juive clandestine, fit sauter une aile de l’hôtel du roi David, siège de l’administration britannique. Ce fut le signal du conflit.

Les Nations unies, appelées par les Anglais à intervenir, nommèrent une commission qui préconisa le partage de la Palestine et l’internationalisation de Jérusalem. L’Assemblée des Nations unies vota le projet (29 nov. 1947). La résolution fut acceptée par les Juifs et rejetée par les États arabes, qui s’y opposèrent aussitôt par la force. La ville fut le centre de durs combats.

Le 14 mai 1948, la Grande-Bretagne mit fin à son mandat. L’État d’Israël*, proclamé le jour même, 5 iyyar 5708 (14 mai 1948), et reconnu au cours des semaines suivantes par les grandes puissances, garda la nouvelle ville, tandis que la Transjordanie annexait le reste de la Palestine avec la vieille ville de Jérusalem (28 mai 1948). Sous le gouvernement jordanien, l’entrée de celle-ci fut interdite aux Juifs, qui n’eurent plus accès à leurs Lieux saints. Dans la zone israélienne, l’implantation juive fut aussitôt intensifiée, et le gouvernement ne tarda pas à transférer à Jérusalem plusieurs ministères de l’État d’Israël.

Le 5 janvier 1964 eut lieu à Jérusalem la rencontre historique du pape Paul VI et du patriarche de Constantinople Athênagoras Ier. Celle du pape et du président Zalman Shazar, président de l’État d’Israël, eut lieu à Meggido.

Lors de la « guerre des six jours » (5-10 juin 1967), la vieille ville de Jérusalem tomba, presque intacte, aux mains des troupes israéliennes. La ville fut aussitôt réunifiée et déclarée capitale de l’État, mais cette annexion de la partie jordanienne de la ville fut condamnée par l’O. N. U. Le gouvernement israélien rétablit le libre accès aux Lieux saints pour les trois religions (loi sur la protection des Lieux saints, du 27 juin 1967) et élargit l’accès au mur occidental ainsi qu’aux Lieux saints juifs. Le 9 janvier 1968, il réinstalla la célèbre Hourva. Le statut des Lieux saints ne pouvant être réglé d’une façon qui suscite l’accord des trois communautés religieuses qu’avec l’établissement de la paix, le gouvernement d’Israël s’est efforcé, en attendant, de maintenir les droits existants et de créer les conditions de liberté d’accès les meilleures possible. D’autre part, un plan d’urbanisme, constitué après consultation d’un Comité international et prévoyant un développement accéléré de la ville en veillant à maintenir dans sa population, dans la mesure du possible, la proportion actuelle de Juifs, d’Arabes et de représentants des diverses minorités, a commencé d’être mis en œuvre (1971).

B.-D. D.

➙ Hébreux / Israël / Juifs / Palestine / Sionisme.