Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

L’emprise sur le milieu


L’agriculture

Le contraste que feint les villes japonaises, en constant réaménagement, et les calmes étendues de rizières, en apparence inchangées depuis des siècles, atteste ici comme en tout pays la pérennité de l’effort paysan. Non sa routine cependant : depuis la guerre surtout, à la gamme des cultures traditionnelles sont venues s’ajouter bien des nouveautés : élevage de rapport, cultures maraîchères et fruitières, tandis que la campagne s’anime du bruit des motoculteurs et que l’agriculteur japonais paraît aujourd’hui l’un des plus urbanisés du monde.


Les productions

Le riz demeure la principale production et couvre 60 p. 100 des 5 Mha cultivés ; ses rendements sont élevés et atteignent 4,6 t à l’hectare en moyenne et 6 t à l’hectare en plaine. Les autres céréales sont surtout le blé et l’orge, mais leur production décroît rapidement. Également ancienne est la culture des pois et haricots, dont les Japonais sont les plus gros consommateurs du monde, des navets et des choux, qu’ils consomment soit frais, soit sous forme de condiments. La patate et la pomme de terre (4 Mt chacune) ainsi que tous les légumes tempérés font encore partie du paysage rural, de même que certaines plantes arbustives : thé (90 000 t sur 45 000 ha) et mûrier (190 000 ha) notamment. D’apparition plus récente sont les fruits, surtout la mandarine et la pomme (1,6 Mt chacune), la betterave à sucre ou fourragère et le mais, cultivés surtout, comme la pomme de terre, dans le nord du pays (Tōhoku, Hokkaidō). Enfin, dans ce pays où la tradition n’enseignait guère que l’élevage du cheval, le xxe s. a vu se multiplier les entreprises : en 1970, le Japon comptait près de 2 millions de vaches laitières et autant de bêtes à viande, 6 millions de porcs, de la volaille produite industriellement. Cette évolution date surtout de l’après-guerre : si on affecte l’indice 100 à la production de 1950, en 1961 le riz était à 125,2, les autres céréales à 106,2 et les patates à 120,4. Mais les légumes atteignaient 130,1, les fruits 233,6, l’élevage des porcs 400,1, la volaille et les œufs 351,2 et les produits laitiers 449,8.


Les régions agricoles

Ces productions se distribuent inégalement à la surface du pays ; on peut distinguer à cet égard trois groupes de régions rurales. La zone centrale est la plus anciennement occupée ; au riz alternant avec le blé ou une autre culture d’hiver s’adjoignent le thé, le mûrier, le kaki et le mandarinier sur les collines ; la vigne s’y est développée depuis un demi-siècle (Kōfu). Le climat local y conditionne grandement le paysage rural : aux uniformes rizières de l’« envers » s’opposent les cultures fruitières et maraîchères de l’« endroit ». Partout cependant la culture du riz constitue le pivot de la vie rurale et, pour elle, ces plaines ont été au cours des siècles nivelées, irriguées, quadrillées de digues. Ce sont les plus vieilles campagnes du pays. La zone périphérique embrasse les marges de la précédente. Les excès du climat conditionnent ici d’importantes modifications du schéma précédent. Dans le Sud-Ouest, pénétropical, une récolte de riz est localement possible, et c’était l’ancienne zone du coton ; les patates, certaines plantes tinctoriales couvrent d’importantes surfaces. L’agriculture moderne y a fait son apparition sous la forme de grands élevages de bovins, ainsi dans les plateaux volcaniques de la région de Kagoshima (Kyūshū). Au nord de la zone centrale au contraire, le froid et la neige réduisent la période végétative, et aucune culture d’hiver n’est possible. L’élevage spéculatif et les cultures fruitières ont aussi régénéré ici et là ces vieilles campagnes. Hokkaidō représente à tous égards une zone originale qu’on pouvait jusqu’à ces derniers temps qualifier encore de pionnière. Aujourd’hui toutefois, un système de culture s’y est solidement implanté. Bien que largement exotique aux yeux des Japonais, le riz en demeure la culture de base dans l’Ouest, quoique la brièveté de la période végétative pousse à le repiquer sous serre. Ailleurs cependant, l’alternance blé - betterave à sucre ou fourragère, le maïs, les pommes de terre, les chevaux tirant partout charrettes en été, traîneaux en hiver, les grandes fermes en parpaings flanquées de leur silo à fourrage et de vastes étables abritant de beaux troupeaux de vaches laitières, tout ici atteste un genre de vie original et, à tout le moins, exceptionnel dans l’Extrême-Orient rizicole, à la possible exception du Nord-Est chinois.


Pratiques agricoles traditionnelles

Le Japon manque de terre arable : 16 p. 100 seulement (soit 6 Mha) du territoire national sont cultivables. Les versants, parfois taillés en terrasses, portent 300 000 ha de rizières et 600 000 ha de champs. L’usage généralisé de la double récolte annuelle, dès que le permet le climat, fait que cette terre est utilisée en moyenne à 133 p. 100, chiffre qui varie de 180 dans le sud de Shikoku à 99 à Hokkaidō ; 95 p. 100 des rizières sont irriguées ; l’essentiel des canaux et des étangs date du xviiie s., mais les grands barrages construits depuis 1930 dans tout le pays ont permis d’en améliorer considérablement le réseau. Comme en Chine, on utilise une grande variété d’engrais (déjections, composts, eaux usées, déchets de poisson...), auxquels s’ajoutent aujourd’hui les produits de l’industrie, organiques (soja, farine de poisson, os) ou minéraux. Ils sont consommés à l’hectare à un taux que seule dépasse l’agriculture néerlandaise.

Le travail humain, troisième élément de l’aménagement du sol avec l’irrigation et la fertilisation, s’est longtemps fait à l’aide de la seule force humaine, aidée d’outils dont la forme n’a guère changé depuis le Moyen Âge. La mécanisation récente s’est effectuée selon les exigences propres de la structure foncière ; chaque famille ne cultive en effet qu’un hectare en moyenne, et les petits motoculteurs sont la règle, tandis que le pétrole, puis l’électricité sont venus remplacer l’homme pour le battage et le vannage. Le repiquage se fait encore à la main. Le problème de la terre a en effet longtemps freiné la modernisation des pratiques culturales. En 1946, 68 p. 100 des exploitants, tenanciers totaux ou partiels, travaillaient 45,8 p. 100 du sol pour des baux souvent exorbitants (jusqu’à 60 p. 100 de la récolte). Cette année-là, une grande réforme d’inspiration américaine améliora cette situation : 1,7 Mha furent recédés à 4,8 millions de fermiers, ce qui réduisit à 13 p. 100 la superficie totale cultivée par les non-propriétaires, cependant que les baux étaient abaissés, ne dépassant plus 9 p. 100 de la récolte.