Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

De la rizière et du champ au pâturage et au verger

L’essor d’une population urbaine de plus en plus nombreuse a tourné de bonne heure cette agriculture vers une commercialisation partielle et, depuis des siècles, le Tōhoku, le Hokuriku dirigeaient vers Tōkyō et Ōsaka ou Kyōto l’essentiel de leur riz. Depuis un demi-siècle, le développement rapide des métropoles a entraîné dans ce cycle commercial l’ensemble de la vie agricole. Cette mise en circulation de tous les produits du sol intéresse aussi bien ceux que la tradition a maintenus que ceux qu’exige l’évolution récente du régime alimentaire des villes : viande, lait, fruits et légumes frais. Selon les régions toutefois, cette transformation a plus ou moins modifié les paysages ruraux, et l’opposition des rizières et des champs secs continue d’y régner. Les premières, d’une parfaite horizontalité, s’étendent en vastes horizons sans arbres selon la trame des canaux ou escaladent les pentes en gradins. Les champs au contraire drapent celles-ci plus volontiers, tout en occupant aussi les parties peu irrigables des plaines, les hautes terrasses par exemple ; la gamme variée de leurs cultures y découpe de grandes pièces dont la couleur varie selon les saisons. Ailleurs, des files de mûriers et les longs bourrelets des théiers courent sur les digues ou aux flancs des collines.

Dans les intervalles de cet antique paysage, les cultures fruitières et l’élevage sont venus s’inscrire. Les plantations couvrent environ 16 p. 100 de la superficie en riz ; il s’agit surtout de mandariniers, dans la région de Shizuoka (Tōkai) notamment, et de pommiers, autour de Nagano (Tōsan) et à la pointe septentrionale du Tōhoku. Pêchers, poiriers sont également prospères dans la région d’Okayama (mer Intérieure) et dans le bassin de Kōfu (Tōsan). Celui-ci abrite surtout le vignoble japonais et produit la totalité du raisin destiné à la vinification (5 000 ha). Un peu partout, des serres de vinyle abritent fruits (fraises), légumes ou fleurs dont la demande (et les prix) ne cesse d’augmenter (de 1960 à 1970, la production des tomates est passée de 240 000 t à plus de 1 million).

L’élevage est une activité plus neuve encore dans le pays. Son essor exprime une certaine prospérité rurale, car il demande de gros investissements au départ. Le Japon manque de pâturages naturels, et bien des rizières ou des hautes terrasses ont été converties en cultures fourragères. En 1970, le cheptel atteignait 200 millions de volailles, 6 millions de porcs et près de 4 millions de bovins (lait et viande à égalité), donnant notamment 43 Mhl de lait. L’État a aidé les éleveurs par des prêts et en introduisant des reproducteurs de race. C’est surtout dans le nord du pays que cette activité se développe, à Hokkaidō notamment, où 25 p. 100 des agriculteurs élèvent des bovins. Elle se retrouve aussi dans le « vieux Japon », autour de Tōkyō, de Nagoya, de Kōbe, d’Okayama et de Kagoshima notamment. La consommation individuelle de viande n’est encore toutefois que de 10 kg par habitant et par an. C’est que le régime alimentaire évolue lentement et aussi que la consommation du poisson est ici beaucoup plus élevée que dans les pays occidentaux, atteignant 28 kg par an.


L’exploitation de la mer


Conditions générales

Le Japon vient au second rang dans le monde pour le tonnage annuel des prises en mer, après le Pérou, mais devant les États-Unis. C’est qu’elles fournissent une bonne partie de l’alimentation traditionnelle : poisson, consommé cru ou cuit, mais aussi coquillages, mollusques et algues. Les conditions sont bonnes, mais nullement exceptionnelles ; partout, les vents violents (typhons, moussons) rendent dérisoires les abris naturels et les grands fonds du Pacifique, comme les écueils de la mer Intérieure se prêtent peu au chalutage. En revanche, la rencontre au large de Tōkyō des courants chaud (Kuroshio) et froid (Oyashio) favorise la prolifération du plancton et attire des quantités énormes de poisson.

La localisation surtout au nord et à l’ouest des fonds favorables entraîne des complications internationales qui se réveillent chaque année quand commence la saison ; les heurts avec la Corée en mer du Japon, surtout avec l’U. R. S. S. dans les mers septentrionales, avec les États-Unis et le Canada au large de l’Alaska suscitent régulièrement des querelles. La Corée a établi une « ligne Rhee », qui s’étend localement jusqu’à 90 miles de ses côtes ; en 1955, la Chine a suivi le mouvement, et l’Australie réclame pour son seul usage la totalité de son plateau continental, domaine d’élection des éleveurs de perles japonais. Enfin, le Canada a fixé au 175e méridien la limite des navires nippons. Le Japon a cependant développé une activité extrêmement variée et prospère qui comprend d’une part l’exploitation des mers les plus lointaines du globe à l’aide de flottes puissantes, et de l’autre la culture des algues, l’élevage des mollusques et de certains poissons dans ses eaux côtières. L’exploitation marine occupe au total 1 p. 100 de la main-d’œuvre nationale.


Pêche traditionnelle et pêche moderne

La pêche traditionnelle demeure présente sur tous les rivages. Des 200 000 entreprises existantes, 80 p. 100 ont la taille d’une famille et utilisent des bateaux de 3 à 10 t, et ceux dont le tonnage excède 50 t ne forment que 1 p. 100 du total (en nombre). L’arsenal est varié (lignes simples ou ramifiées, palangres, chaluts, filets fixes de formes diverses) et se modernise aujourd’hui (filets de Nylon, senne tournante, chaluts plus complexes). Le rendement demeure faible cependant ; une organisation sociale stricte héritée du passé et rappelant largement celle du hameau rural règne dans ces communautés, dominées par les propriétaires de filet, qui embauchent les pêcheurs et les rétribuent au prorata de leurs prises.

Bien différentes sont les méthodes de la pêche industrielle : ici, de grandes sociétés, telle la Taiyō Gyogyō, possèdent des flottes de gros bateaux métalliques équipés de tout l’appareillage moderne (palans, filets de grandes dimensions, réfrigération) et vont pêcher sur toutes les mers du globe. Des 2 000 ports de pêche japonais, la plupart sont de petites dimensions, tapis au creux des dunes ou au pied des falaises tout au long du littoral. La mer du Japon n’est guère active toutefois, et l’essentiel de l’activité se concentre autour de Kyūshū, sur le Pacifique et dans la mer d’Okhotsk. Ici se trouvent les plus grands organismes : Shimonoseki ; Tobata, Nagasaki (Kyūshū) ; Yaizu, Misaki (Tōkai) ; Ishinomaki, Hachinohe (Tōhoku) ; Kushiro, Abashiri, Otaru, Hakodate (Hokkaidō). On prend surtout des poissons de mers froides (hareng, saumon) dans ces derniers secteurs, tandis que l’Ouest se spécialise davantage dans la sardine, l’anchois et le poisson de chalutage. On chasse la baleine dans l’Antarctique, et le thon est recueilli dans diverses mers du globe.