Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jackson (Andrew)

Homme d’État américain (Waxhaw, Caroline du Sud, 1767 - l’Hermitage 1845).


Né sur la frontière des deux Carolines, Andrew Jackson n’a participé que très brièvement à la guerre de l’Indépendance, mais il en a conservé une haine solide des Anglais. La paix revenue, il étudie le droit et devient avocat en 1787. L’année suivante, il accède aux fonctions de procureur général du district occidental de la Caroline du Nord et s’installe à Nashville. Aussi joue-t-il un rôle primordial lorsque le district se transforme en État du Tennessee : il siège à la Convention constituante, est élu représentant, puis sénateur en 1797, démissionne en 1798 pour occuper pendant six ans la fonction de juge à la Cour suprême du Tennessee. Rien, alors, ne laisse présager une brillante carrière politique. Sans doute Jackson est-il un notable, mais il est lié à Aaron Burr (1756-1836), que le président Jefferson* a fait juger en 1807 pour haute trahison, et ses qualités de duelliste paraissent l’emporter sur toutes les autres.

La guerre anglo-américaine, qui éclate en 1812, fait de lui un héros national. En effet, général de la milice de son État, puis de l’armée des États-Unis, Jackson mène une vigoureuse campagne contre les Creeks de l’Alabama — qui sont alliés aux Anglais — et leur inflige une sanglante défaite le 27 mars 1814. Puis il tente de s’emparer de la Floride espagnole, mais il doit, en toute hâte, se rendre en Louisiane, où les Anglais menacent de prendre La Nouvelle-Orléans ; il obtient la victoire le 8 janvier 1815.

En 1817-18, il commande une expédition contre les Indiens Séminoles de Floride, qui accueillent les esclaves fugitifs du Sud, possèdent de belles terres et font des raids en territoire américain. Toutefois, il outrepasse les ordres du président Monroe*. Avec 2 000 hommes, il franchit la frontière, fait pendre deux citoyens britanniques et finalement occupe toute la Floride. Les Américains applaudissent ; les diplomates acceptent le fait accompli. En 1821, Jackson devient le premier gouverneur militaire de la Floride.

En 1823, le général siège de nouveau au Sénat. Ses amis le poussent à se présenter aux élections présidentielles en 1824. Il obtient dans le collège électoral le plus grand nombre de mandats, mais non la majorité absolue ; la Chambre des représentants tranche le débat en faveur de John Quincy Adams (1767-1848). Déçu, mais décidé à prendre sa revanche, Jackson prépare immédiatement les élections suivantes, qu’il remporte brillamment en novembre 1828. Il est réélu en 1832.

Ses contemporains et quelques historiens ont fait de lui le porte-parole du Common man ; Jackson symboliserait, après la « dynastie » des présidents virginiens, le triomphe de la démocratie de l’Ouest.

Incontestablement, il ne manque pas de personnalité. Homme de l’Ouest, en effet, individualiste, d’un abord facile, il paraît très proche des pionniers de la Frontière. Au surplus, son sens de l’honneur ne le cède qu’à son patriotisme, volontiers ombrageux, mais Jackson possède dans le Tennessee une plantation de coton qu’il fait travailler par des esclaves ; il spécule sur les terres ; il appartient au groupe des créanciers qui veulent une monnaie solide et le remboursement des dettes, même en temps de crise. Certes, il est un adepte des pratiques démocratiques, mais il sait mettre à profit les circonstances. Martin Van Buren (1782-1862), sénateur du New York, lui a fait comprendre que la généralisation du suffrage donne aux partis une clientèle nouvelle et importante ; le vieux parti de Jefferson doit être modernisé et devenir le point de convergence de l’Ouest, du Sud et des intérêts financiers du New York.

Pour obtenir beaucoup de voix, il faut un héros : ce sera Jackson. Pour satisfaire les fidèles du parti, il faut des récompenses : le « système des dépouilles » attribue aux vainqueurs les fonctions publiques.

Pourtant, Jackson défend quelques idées simples. L’Union trouve en lui un vigoureux champion. En 1828, le Sud prend parti contre le protectionnisme et proteste contre les nouveaux droits de douane ; il compte sur le président pour obtenir satisfaction. Certes, Jackson voudrait un abaissement du tarif, mais, quand, en 1832, la Caroline du Sud menace de faire sécession, il prépare contre elle une intervention armée et évite ainsi la guerre civile. Dans ses relations avec l’étranger, il manifeste la même intransigeance nationaliste : il exige avec énergie et obtient que la France verse des indemnités de guerre dont l’origine remonte au premier Empire.

Mais le gouvernement fédéral n’a pas mission, selon lui, d’intervenir dans la vie économique ; le principe de la libre entreprise est sacré. Jackson refuse d’utiliser des fonds fédéraux pour subventionner des travaux publics à l’intérieur de tel ou tel État. En 1832, le principal thème de la campagne électorale porte sur le renouvellement de la charte de la deuxième Banque des États-Unis — fondée en 1816 — pour vingt ans. Le président se déclare hostile au « Monstre », qui contrôle les banques locales. Il lui reproche d’être un agent de corruption dans la vie politique et un instrument de l’aristocratie de l’argent, d’enserrer le peuple dans un carcan monétaire, d’accabler les travailleurs. Le vocabulaire rappelle Jefferson, mais les mobiles de cette politique correspondent aux besoins d’un pays qui s’engage dans la voie de la révolution industrielle. D’ailleurs, Jackson reçoit le soutien des banques de Wall Street, qui cherchent à se débarrasser de leurs concurrents de Philadelphie, des hommes d’affaires gênés par le contrôle de la Banque, des fermiers et des planteurs qui désirent obtenir du crédit. Les élections de 1832 sont pour Jackson un triomphe ; elles annoncent la prochaine disparition de la Banque.

Enfin, la politique indienne de Jackson satisfait les frontiersmen. Malgré les arrêts de la Cour suprême, le président donne son appui à la Géorgie, qui s’emploie à déloger les Cherokees ; il organise leur déportation à l’ouest du Mississippi dans des conditions épouvantables.

En 1837, « Old Hickory » laisse le pouvoir à son fidèle lieutenant, Van Buren. Il se retire dans sa propriété de l’Hermitage (près de Nashville, Tennessee). Entouré du respect de tous, il meurt le 8 juin 1845.

Le plus grand mérite de Jackson a sans doute été d’ouvrir la voie à l’expansion territoriale et économique des États-Unis.

A. K.

 M. James, Andrew Jackson, Portrait of a President (Indianapolis, 1937). / G. Van Deusen, The Jacksonian Era, 1828-1848 (New York, 1959). / R. V. Remini, Andrew Jackson (New York, 1966).