Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jacob (les)

Menuisiers et ébénistes français (xviiie-xixe s.).


Georges Jacob (Cheny, Yonne, 1739 - Paris 1814), qui fut vers 1755 apprenti de Louis Delanois (1731-1792), acquit la maîtrise en 1765. De ses débuts datent certains sièges d’un style pur, émondé des ornements floraux qui chargeaient les sièges « Louis XV ». L’administration royale, le distinguant, lui confia la restauration des médailliers de Boulle*, dont l’un (conservé au Louvre) porte en effet son estampille. Mais c’est à la menuiserie proprement dite que s’attacha le maître, inventant des formes inédites, tel le châssis de siège tournant sur des galets de gaïac, tels certains piétements galbés terminés sous la ceinture par une involution caractéristique. Les sièges que Georges Jacob a construits pour ses clients privés sont marqués d’une sobriété noble et d’un sentiment très sûr de l’équilibre des formes. Mais le garde-meuble royal paraît avoir constamment poussé le maître à couvrir d’ornements les sièges destinés aux palais de la couronne. Son talent, toutefois, en tira un habile parti, transformant en richesse l’hétéroclicité des motifs ornementaux : les ouvrages qu’il a fournis, particulièrement pour les appartements de la reine, demeurent les archétypes du style « à la grecque ».

Vers 1785, Jacob prit connaissance des modèles anglais. Utilisant comme Chippendale* l’acajou massif, il produisit des sièges qui dérivaient directement des compositions anglaises « à la chinoise », puis mit au point le modèle simple à dossier lyré que possède le garde-meuble national. À cette époque, David* lui fit exécuter les chaises à dossier « à grille » dont il voulait s’entourer pour élaborer dans une ambiance romaine son tableau des Horaces. En 1787, c’est pour le hameau de Rambouillet que, d’après les dessins d’Hubert Robert*, Jacob exécutait en acajou les beaux sièges aux dossiers simulant des sangles écartées par un palet, passés au Grand Trianon. La Convention lui commanda le mobilier de la salle des séances aux Tuileries.

En 1796, Jacob quitta l’établi, le laissant à ses deux fils Georges II (Paris 1768 - id. 1803) et François Honoré (Paris 1770 - id. 1841). Il avait été l’animateur du style dit « Louis XVI » dans la menuiserie de sièges. Ses fils ont été ceux du style dit « Directoire », en lequel se conjuguent les traditions « à la grecque », les formules inspirées par la campagne d’Égypte et l’anglomanie régnant sur les modes. Ils ont su en dégager un art élégant et original. Leur association fut brève, l’aîné mourant prématurément en 1803, mais elle avait couvert la période consulaire, qui fut marquée par l’indépendance et la recherche. Malmaison en conserve un témoin caractéristique, le petit secrétaire-bureau en forme d’arc de triomphe, cantonné de deux caryatides ailées à ses angles antérieurs. Les sièges créés par les frères Jacob ne sont pas moins nouveaux. On leur doit une forme, la gondole, au dossier plein concave, ainsi que le beau siège couronné d’une large traverse débordante dite « hémicycle », que la mode décorait d’une estampe ou d’une soie imprimée collées. Les fauteuils empruntent à l’Antiquité leurs jarrets terminés en mufle de fauve, leurs gaines supportant soit le sphinx aptère, égyptien, soit la sphinge grecque ailée, portant l’extrémité de l’accotoir. Les frères Jacob ont également signé certains spécimens d’un lit particulier à cette période : placé parallèlement au mur, ses deux montants postérieurs, élevés, portent un simulacre de vase antique ; les montants antérieurs, en gaine, se terminent par une tête de femme.

Demeuré seul, en 1803, à la tête de quinze ateliers employant trois cents praticiens, François Honoré Jacob fit appel au concours de son père, qui vint le seconder jusqu’à sa mort, en 1814, et prit le surnom de Jacob-Desmalter (d’une propriété familiale en Bourgogne). Déjà fournisseur du général Bonaparte, il eut la bonne fortune de conserver la clientèle de Napoléon. De concert avec les architectes Percier et Fontaine*, il allait assurer le réameublement des palais ci-devant royaux qu’avait dévastés la Révolution et, par une décantation des formules essayées sous le Consulat, devenir à son tour le créateur du style « Empire » pour le mobilier. Nombre de modèles inédits furent créés : le cabinet aux formes rectilignes, à volet abattant, la table de toilette aux supports en forme de lyre, munie d’un miroir oblong pivotant, le bureau « mécanique », dont le dessus recule d’une mesure égale à l’avancée de la table à écrire qu’il recouvre, des bibliothèques, des tables tripodes, des jardinières, des consoles de trumeau, des tables de milieu, comme celle du Grand Trianon, soutenue par quatre caryatides drapées de bronze. Le goût général en est caractérisé par la sobriété et le caractère monumental. Les sièges, même d’apparat, obéissent aux mêmes critères : ils sont de dossier carré, discrètement sommé d’un fronton sculpté ; leur piétement, aux postérieurs en sabre, présente de face soit deux jarrets surmontés d’un mufle léonin, soit deux gaines amorties en buste féminin, ou encore deux balustres plats à deux panses opposées. La production de Jacob-Desmalter est immense : sa fabrique occupa jusqu’à huit cents praticiens.

La chute de l’Empire compromit gravement la prospérité de l’entreprise. Le maître put surmonter la crise grâce, notamment, à la commande qui lui fut faite de l’ameublement de l’Élysée pour le duc de Berry. Mais, le 1er janvier 1829, il se retirait, laissant l’atelier à son fils Georges Alphonse Jacob-Desmalter (Paris 1799 - id. 1870), qui resta le fournisseur de Charles X et de Louis-Philippe, et se retira lui-même en 1847.

G. J.

➙ Louis XVI et Directoire (styles) / Empire (style).

 H. Lefuel, Georges Jacob, ébéniste français du xviiie siècle (Morancé, 1923) ; François Honoré Georges Jacob-Desmalter, ébéniste de Napoléon Ier et de Louis XVIII (Morancé, 1927).