Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

La peinture du seicento, produit d’une activité intense, fait ressortir des courants divers, qui souvent interfèrent. On en voit l’effet à Rome, foyer le plus brillant et champ d’expériences de la peinture européenne. Au début du siècle, deux grands mouvements s’y affrontent — sans compter les survivances maniéristes : le caravagisme et l’académisme bolonais. La révolution violente du Caravage* a bouleversé la peinture en affirmant les droits d’un réalisme vigoureux, dont l’efficacité est accrue par l’opposition dramatique des ombres et des lumières. Ce langage inédit aura un immense retentissement à Rome, mais aussi dans le reste de l’Italie et dans plusieurs pays d’Europe. Parmi les nombreux disciples romains (de naissance ou d’adoption) du Caravage, Orazio Borgianni (v. 1578-1616) ou Bartolomeo Manfredi (v. 1580-1624) gardent du maître une certaine brutalité d’effet, le goût des ombres denses et souvent, comme chez le Valentin (1594-1632), originaire de Champagne, celui d’un pittoresque de taverne ; Gérard Van Honthorst (1590-1656), venu d’Utrecht, se livre à des recherches d’éclairage artificiel. D’autres caravagistes concilient le réalisme avec une lumière moins rare et des tons moins éteints : ainsi Orazio Gentileschi (v. 1562 - v. 1647), d’une finesse toscane, sa fille Artemisia (1597-1651), plus brutale, ou Carlo Saraceni (v. 1585-1620), qui n’oublie pas son atavisme vénitien. Quant au mouvement adverse, celui de l’académisme*, il est représenté par des peintres bolonais pour la plupart, qui ont pu d’ailleurs réserver à Bologne* une part de leur activité. L’initiative en revient à la famille des Carrache*, dont la doctrine éclectique assume, face au maniérisme, le retour à la nature et, face au caravagisme, la sauvegarde de l’idéal. Annibale Carracci, le plus doué des trois, donne avec le brillant décor de la galerie Farnèse l’exemple d’un classicisme rajeuni. Les autres Bolonais se livreront à des expériences diverses, qui n’excluent pas des contacts avec l’autre courant. Guido Reni (1575-1642) et le Dominiquin (1581-1641) incarnent deux aspects — l’un plus élégant, l’autre plus chaleureux — d’une tendance classique, à laquelle s’oppose généralement Giovanni Lanfranco (1582-1647), inventeur de la grande décoration baroque. Le Guerchin (1591-1666), touché par le caravagisme, enveloppe d’ombres moelleuses ses couleurs assourdies.

Puis vient à Rome, peu avant le milieu du siècle, un courant plus franchement baroque, qui s’exprime surtout dans la décoration des plafonds ou des voûtes de nombreux palais et églises, donnant un rôle essentiel à la couleur, au mouvement et à la suggestion de l’espace. L’initiateur en est Pierre de Cortone, dont la vaste composition peinte à la voûte du palais Barberini fera date. À l’église du Gesù, Giovan Battista Gaulli, dit il Baciccia (1639-1709), de Gênes, inaugure l’illusionnisme en ménageant au milieu de la voûte une percée fictive qui découvre un ciel de gloire. Ces procédés seront perfectionnés et associés aux ressources du trompe-l’œil architectural par le père Andrea Pozzo, de Trente, auteur de la vertigineuse Gloire de saint Ignace qui figure à la voûte de Sant’Ignazio. Cette peinture baroque a dû affronter la tendance classique d’Andrea Sacchi (1599-1661), de Poussin* et du Lorrain* comme l’éclectisme élégant de Carlo Maratta (1625-1713).

L’école de Naples, au seicento, est largement tributaire de Rome par la présence ou l’influence de nombreux peintres, dont le Caravage, que suivent plus ou moins fidèlement Massimo Stanzioni (1585-1656), Giovanni Battista Caracciolo (v. 1570-1637) et, venu d’Espagne, Ribera*. Les paysages de Salvator Rosa (1615-1673) sont traversés d’un souffle romantique. Mattia Preti (1613-1699) soumet l’inspiration caravagesque aux nécessités de la grande décoration, comme dans ses débuts Luca Giordano (1632-1705), qui évolue vers une peinture de plus en plus lumineuse et colorée. Les tons soutenus de Francesco Solimena (1657-1747) réchauffent des compositions typiquement baroques. À Florence, le style piquant d’un G. Mannozzi, dit Giovanni Da San Giovanni (1592-1636), peut faire oublier un effacement que compensent pourtant mieux les ouvrages décoratifs de Pierre de Cortone et de Luca Giordano. À Milan et en Lombardie, Pier Francesco di Cesave Mazzuchelli, dit il Morazzone (1573-1626), fait la synthèse du maniérisme et du caravagisme. Venise ne doit un certain éclat qu’à des étrangers tels que le Romain Domenico Fetti (v. 1589-1624). À Gênes, au contraire, on trouve une brillante école de réalistes (Bernardo Strozzi) et de décorateurs baroques (Domenico Piola [1628-1703]).

L’architecture du xviiie s. baroque doit encore à Rome beaucoup de son éclat. Le goût du mouvement et du faste inspire des ouvrages tels que la piazza Sant’Ignazio, l’escalier de la Trinità dei Monti, la fontaine de Trevi, alors que les Florentins Alessandro Galilei (1691-1736) et Fernandido Fuga (1719-1781) amorcent un retour au classicisme. Luigi Vanvitelli montre la même tendance dans la conception grandiose du palais royal de Caserte. Grâce à la dynastie des Bibiena, Bologne est le foyer principal de la scénographie, art brillant à l’heure où les théâtres se multiplient en Italie. L’activité du siècle précédent continue à Turin et à Gênes. La sculpture est présente dans ces divers centres ainsi qu’à Palerme grâce à Serpotta*.

La peinture du settecento connaît à Rome une éclipse que ne compense pas le fin talent de Pannini, poète des ruines et chroniqueur de la vie romaine. À Naples, c’est le « genre* » qui est vivace, alors que faiblit l’intérêt de la peinture d’histoire. Le réalisme familier s’introduit à Bologne avec Giuseppe Maria Crespi et renaît à Brescia avec Giacomo Ceruti, peintre des paysans. C’est cependant à Venise que la peinture de cette époque trouve sa splendeur. Le réveil de l’école vénitienne est le fait de Sebastiano Ricci (1659-1734), puis d’autres coloristes encore plus brillants, tels Giovanni Antonio Pellegrini (1675-1741), et Giovan Battista Pittoni (1687-1767), qui mettent de la gaieté dans la peinture d’histoire. La maîtrise de Giovan Battista Piazzetta (1682-1754) tire de grands effets d’une palette sourde. Mais l’apothéose de la grande décoration vénitienne vient avec Giambattista Tiepolo*, dont la touche légère et les tons lumineux restaurent la tradition de Véronèse dans un langage moderne, celui du rococo européen. La société vénitienne est dépeinte dans les petits tableaux de genre de Pietro Longhi, tandis que Canaletto*, Bellotto et Francesco Guardi* assurent le succès international de la vue urbaine.