Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Organisation de la défense

Aux termes de la Constitution du 27 décembre 1947, le président de la République assume le commandement des forces armées. Le ministre de la Défense, assisté de sous-secrétaires d’État, applique la politique militaire arrêtée par le gouvernement. Il dispose d’un comité consultatif, le Conseil supérieur des forces armées, et d’un chef d’état-major de la défense, chargé de coordonner l’organisation, la préparation et l’emploi des forces, et secondé par les chefs d’état-major des trois armes. Le territoire italien est divisé en régions ou départements militaires, dont le nombre varie suivant les armées.


Les forces terrestres

L’armée de terre (esercito) se montait en 1973 à 306 000 hommes. On y distinguait :

• un corps de bataille, à la disposition de l’O. T. A. N., stationné dans le nord du pays et comprenant 5 divisions d’infanterie semi-mécanisées, 2 divisions blindées, 5 brigades alpines remarquablement entraînées, 1 brigade parachutiste, 1 brigade de cavalerie, 1 brigade de lance-missiles (« Honest John »), 1 régiment amphibie (« stationné » dans les lagunes de Vénétie), et des unités de réserve générale ;

• les forces du territoire, soit 4 brigades stationnées dans les quatre régions militaires du sud de la péninsule.

À ces forces de l’esercito, il faut ajouter 86 000 carabiniers, 40 000 gardes des finances (douaniers) et 78 000 gardes de la sécurité publique (créés en 1852). Le corps des carabiniers, créé en 1814 et qui est assez semblable à la gendarmerie française, constitue à lui seul une force non négligeable sur les plans politique et militaire. Il dispose d’une forte brigade blindée et d’unités parachutistes. Le matériel est d’origine très diverse, souvent fabriqué sous licence. Les véhicules à roues sont italiens. Les chars américains sont en cours de remplacement par 800 chars Leopard allemands.


Les forces aériennes

Les traditions de l’aviation italienne remontent à la guerre contre la Turquie en 1911, où furent engagés 28 appareils de fabrication française. Spécialisée dans les raids à longue portée pendant la Première Guerre mondiale (raid de Gabriele D’Annunzio sur Vienne en 1918), elle fut illustrée entre les deux guerres par des hommes comme le général Giulio Douhet (1869-1930), son véritable fondateur, théoricien des bombardements massifs (v. aviation, histoire de l’aviation militaire), et le maréchal Italo Balbo (1896-1940), sous-secrétaire puis ministre de l’Air de 1926 à 1933, célèbre pour ses raids en Méditerranée et en Amérique latine. Fortement développée sous le régime fasciste, elle comprenait en 1939 environ 3 000 appareils dont 1 500 en réserve. Reconstituée après la guerre et l’adhésion de l’Italie à l’O. T. A. N., elle fut d’abord équipée de matériels américains, maintenant vétustés et dépassés. Aussi l’Italie a-t-elle entrepris de rénover son parc aérien en utilisant au maximum les possibilités de l’industrie nationale. En 1973, l’aviation italienne comprenait notamment 6 escadrons de chasseurs tout temps, 5 de chasseurs bombardiers, 4 d’avions d’assaut, 3 de reconnaissance, 3 de transport et 12 groupes de missiles antiaériens Nike-Hercules, soit au total environ 320 appareils de combat et 76 000 aviateurs.


La marine italienne

C’est à la fin du xixe s. que, pour appuyer son ambition de grande puissance méditerranéenne, l’Italie entreprend la construction d’une flotte moderne qui, en 1914, sera supérieure d’un tiers à la flotte autrichienne. En 1922, le traité de Washington sur la limitation des armements navals lui accordera la parité en bâtiments de ligne avec la flotte française (175 000 t), et Mussolini rêvera d’en faire un instrument efficace de sa politique expansionniste. Forte de 615 000 t (dont 160 000 en construction) en 1939, elle joue de 1940 à 1945, malgré ses insuffisances dans le domaine logistique, un rôle obscur, mais essentiel, en assurant le ravitaillement des forces engagées en Grèce et en Afrique. Ses pertes, très lourdes, atteignent 661 unités en 1945 (soit 663 000 t), dont 249 sabordées après l’armistice du 8 septembre 1943.

Le traité de Paris de 1947 ne lui laisse qu’une trentaine de bâtiments, mais l’entrée de l’Italie dans le pacte de l’Atlantique en 1949 lui permet de reconstituer progressivement une force navale efficace qui, en 1973, tient une place importante en Méditerranée, après la flotte soviétique et la VIe flotte américaine. D’un tonnage de 217 000 t, armée par 44 000 marins (dont 4 300 officiers), elle comprend notamment 3 croiseurs lance-missiles et porte-hélicoptères (Vittorio Veneto, de 7 500 t ; Andrea Doria et Caio Duilio, de 6 000 t), 6 destroyers de 2 000 à 4 000 t, 9 sous-marins et une vingtaine d’escorteurs. La modicité des crédits qui lui sont alloués (15 p. 100 du budget militaire) l’ont contrainte à désarmer certaines unités et à se contenter d’un programme de constructions insuffisant pour assurer les relèves nécessaires. On notera cependant la construction, décidée en 1970, d’un bâtiment logistique de 18 000 t, l’Enrico Fermi, à propulsion nucléaire, pour lequel l’uranium enrichi sera fourni par la France. Dépourvue de porte-avions, l’Italie ne dispose pas de forces aéronavales, mais seulement d’hélicoptères et de 3 escadrons de patrouille en mer détachés par l’armée de l’air et qui doivent être équipés en 1973 de Breguet « Atlantic ».

B. de B.


La littérature italienne


Les origines

Si l’Italie n’a réalisé son unité politique qu’à la fin du xixe s., son unification linguistique est encore en cours. Il en résulte d’une part que parmi les littératures romanes la littérature italienne est la plus riche en œuvres dialectales de premier plan, et d’autre part que les problèmes poétiques, rhétoriques et esthétiques y ont toujours été subordonnés au débat sur la norme linguistique. Débat certes tranché dans les faits, moins d’un siècle après la naissance de la littérature italienne en langue vulgaire, par les chefs-d’œuvre de Dante et de Pétrarque, mais tranché antithétiqument. Au-delà en effet de la prééminence du toscan que consacrent durablement ces deux œuvres, deux postulations linguistiques contradictoires s’y affirment et s’opposent : l’une, sélective, de raréfaction lexicale et de rigoureuse codification morphologico-syntaxique (Pétrarque), l’autre, proprement démiurgique, de plurilinguisme et de contamination stylistique à l’intérieur même des structures historiques du toscan littéraire (la Comédie dantesque). Dans l’un et l’autre cas, cependant, c’est à la poésie qu’est assignée une fonction hégémonique dans la genèse de la langue littéraire italienne. D’où le caractère aristocratique que celle-ci gardera pendant des siècles, koinê utopique d’une idéale societas littéraire, tandis qu’à de rares exceptions près, du reste largement tributaires de modèles latins (cf. Boccace), la prose de langue vulgaire connaîtra un procès d’unification beaucoup plus lent, témoignant du morcellement, des contradictions et des vicissitudes historiques des multiples sociétés (dialectales) italiennes.