Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anatomie (suite)

Histoire de l’anatomie


Jusqu’à Galien (iie s. apr. J.-C.).

L’anatomie serait née en Égypte, si l’on en croit l’Encyclopédie de d’Alembert, des travaux des embaumeurs. Il existe effectivement deux papyrus, du IIIe et du IIe millénaire, qui donnent quelques éléments d’anatomie. L’Égypte resta d’ailleurs pendant des siècles un centre fort célèbre de science médicale, et c’est à Alexandrie que viendra Galien, au iie s. de notre ère, pour y apprendre la médecine. La Grèce fut aussi un des berceaux de l’anatomie humaine. D’après Pausanias, en effet, c’est la fille d’Aristodème, roi messénien du viiie s. av. J.-C., qui fut l’objet de la première autopsie légale. Offerte en sacrifice aux dieux, elle fut proclamée enceinte par son prétendant, qui voulait ainsi la sauver. L’opération montra qu’il n’en était rien.

Au vie s. av. J.-C., Pythagore*, étudiant l’acoustique avec son école, découvrit le tympan et le limaçon de l’oreille. C’est un pareil souci de l’exactitude scientifique qui conduisit peu à peu, au viie et au vie s. av. J.-C., les grands prêtres du dieu Asclépios (l’Esculape des Romains), ou Asclépiades, à devenir de vrais médecins, remplaçant les incantations et les prières par des soins donnés en connaissance de cause. Ces médecins écrivirent cinquante-neuf ouvrages, dits « hippocratiques », rédigés au ive s. av. J.-C., et rassemblés au iiie s. av. J.-C. par des savants d’Alexandrie. C’est à Hippocrate* de Cos (460 - v. 377), appartenant à une famille d’Asclépiades, que l’on doit la plupart de ces ouvrages, mais d’autres écoles de médecins (celle de Sicile avec Empédocle, celle de Crotone avec Alcméon, celle de Cnide avec Démocrite) y participèrent. C’est un souci de généralisation — étudier la maladie plus que soigner le malade — qui est à l’origine de cette mise au point. De cette école hippocratique, la nomenclature anatomique a retenu bon nombre de termes, parfois latinisés ensuite, comme raphé, symphyse, arthrose, olécrane, cubitus. Un autre Grec à qui l’anatomie est également redevable fut Aristote*. Ce dernier est le véritable fondateur de l’anatomie comparée ; il fut le premier à donner des figures d’anatomie, portant sur des animaux à l’exclusion de l’Homme, comme c’était le cas déjà de la plupart des membres des écoles hippocratiques.

Les Ptolémées d’Alexandrie poursuivirent l’élan créé par Hippocrate et Aristote en Grèce : ils favorisèrent en Égypte la dissection humaine, tabou partout ailleurs dans le monde antique. C’est ainsi qu’Hérophile, Grec de Chalcédoine qui vécut en Égypte du temps des premiers Ptolémées, se livrait à des dissections publiques et en fit, aux dires de Tertullien, plus de six cents. Ennemi farouche des systèmes et partisan de la méthode expérimentale, il amena l’anatomie au niveau même où elle sera dix-huit siècles plus tard. Il a rédigé un ouvrage, De l’anatomie, qui n’a pas été retrouvé, mais on connaît quelques-unes de ses découvertes. Il vit dans le cerveau, qu’il disséqua, le siège de l’intelligence (que ses devanciers, Aristote compris, plaçaient dans le cœur) ; il distingua les nerfs des tendons musculaires (que la langue populaire continue de confondre), les artères des veines, décrivit les lymphatiques (qui ne seront redécouverts qu’en 1622 par Gaspare Aselli) et montra que les artères contiennent du sang et non de l’air, malgré leur nom, et qu’elles proviennent, comme les veines, du cœur et non du foie ; il décrivit et nomma le duodénum, et il fut le premier à utiliser le pouls comme moyen de diagnostic.

Érasistrate, un peu plus jeune qu’Hérophile, fut élève de celui-ci à Alexandrie avant de professer à Antioche, puis à Samos. Plus systématique que son illustre maître, il adapta les faits à ses théories et redonna aux artères le soin de distribuer dans tout le corps le « souffle vital ». Il vit toutefois les valvules cardiaques, qu’il nomma, et se montra plus doué dans l’étude des fonctions que dans celle des structures, au point qu’on peut le considérer comme le « père de la physiologie ».

En 30 de notre ère, un Romain, Aulus Cornelius Celsus, compila ses prédécesseurs et donna en latin des descriptions anatomiques qui, si elles n’étaient pas originales, n’en eurent pas moins un grand intérêt pour la nomenclature. C’est là qu’on trouve en effet des termes encore en usage aujourd’hui, comme abdomen, anus, cartilage, humérus, occiput, radius, scrotum, utérus, tibia.

L’école d’Alexandrie se maintint fort longtemps, et, au iie siècle de notre ère, Galien (v. 131 - v. 201), Grec de Pergame, y vint apprendre l’anatomie avec Marin, dont les œuvres ont été perdues, mais qui fut célèbre en son temps. Il fut longtemps médecin à Rome, auprès de Marc Aurèle, puis de Commode, et rédigea un très grand nombre d’ouvrages. Devant l’impossibilité, dans la Rome devenue chrétienne, de disséquer des cadavres, il expérimenta sur les animaux les plus proches de l’Homme, et notamment sur le Bœuf, le Porc et le Singe. Très imbu de lui-même, très polémique avec ses contradicteurs, plus soucieux de la perfection de ses théories que de l’exactitude de ses observations, il n’en fut pas moins célèbre en son temps, et son enseignement sera transmis, sans modification, pendant douze siècles. Ses connaissances du squelette et des muscles sont celles de son maître Marin. Ses théories du souffle cosmique, pénétrant le corps avec l’air inspiré, et des trois esprits, naturel (foie), vital (cœur) et animal (système nerveux), qui s’opposent aux découvertes qu’avait faites Hérophile, retarderont de plus d’un millénaire une découverte aussi fondamentale que celle de la circulation du sang, que les Grecs d’Alexandrie avaient soupçonnée, sinon démontrée. Galien se servit d’une nomenclature fort confuse et utilisa fréquemment des nombres. On lui doit toutefois des termes comme anastomose, carotide, épididyme, pancréas, uretère, glotte, péritoine, etc. Un contemporain de Galien, Julius Pollux, rédigea un Onomasticon (ou Lexique), glossaire d’anatomie où de nouveaux termes virent le jour, comme trochanter, atlas, axis, clitoris, amnios, gastrocnémien, etc.