Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

houille (suite)

La révolution industrielle trouve dans le charbon un de ses instruments essentiels. C’est pour assurer l’exhaure dans les mines, celles de charbon en particulier, que Thomas Newcomen (1663-1729) imagine les premières machines à vapeur ; c’est pour transporter le minerai extrait que l’on apprend à poser des rails qui facilitent la traction des wagonnets. L’opiniâtreté d’Abraham Darby (1711-1763) permet de fabriquer la fonte en utilisant le coke. La machine de James Watt (1736-1819) est à l’origine de l’essor des arts mécaniques et des moyens de transport modernes. Mais, au cours des débuts de la révolution industrielle, les besoins demeurent relativement modérés : on préfère les gisements superficiels, faciles d’accès, même si leurs réserves sont médiocres. En Angleterre, ce sont ceux des Midlands, en France ceux du Massif central qui correspondent le mieux aux moyens de l’époque. Comme les machines sont primitives, la quantité de charbon qu’elles consomment est très forte, cependant que les coûts de transport n’ont pas eu le temps de baisser : l’industrie de transformation se loge sur le carreau des mines, ou presque, et l’on voit se créer les paysages de « pays noirs » tristement célèbres.

En 1850, la production mondiale, malgré des progrès spectaculaires, n’atteint pas encore 100 Mt. La croissance s’accélère alors : on dépasse les 800 Mt un demi-siècle plus tard, les 1 200 Mt à la veille de la Première Guerre mondiale. Les producteurs européens sont toujours en tête, mais les gisements les plus importants sont désormais ceux dont les réserves sont fortes : Yorkshire, pays de Galles, Northumberland, Écosse en Grande-Bretagne ; Nord et Pas-de-Calais en France ; Ruhr et Silésie en Allemagne. Les États-Unis constituent le seul producteur important hors d’Europe, mais la Russie, le Japon, l’Inde et l’Australie commencent à s’équiper.

Cette période d’expansion rapide n’est pas marquée par des progrès techniques importants : la structure de l’exploitation* reste inchangée du milieu du xixe s. à l’entre-deux-guerres. L’abattage se fait à la main, de même que le chargement. Les améliorations enregistrées concernent la structure des galeries, leur ventilation ; on note la mise en place de moyens de transport efficaces au fond et d’engins capables de remonter rapidement personnel et charbon abattu. Pour l’essentiel, l’industrie houillère demeure une industrie de main-d’œuvre. Les économies d’échelle y sont médiocres. Tant que la concurrence de nouvelles sources d’énergie ne se manifeste pas, le prix du charbon sert de base à celui de l’énergie : on n’a pas de raison impérieuse d’augmenter la productivité. Les compagnies charbonnières s’en trouvent marquées : elles sont souvent peu importantes par suite du morcellement des concessions ; dans les pays où le sous-sol appartient au propriétaire du sol en particulier, les structures traditionnelles se trouvent figées : c’est le cas de l’Angleterre.

La période de l’entre-deux-guerres marque le début d’une crise profonde pour les industries charbonnières. La croissance de l’industrie mondiale se ralentit, et les nouvelles sources d’énergie se révèlent plus économiques et plus souples, plus aptes aussi à être acheminées sur de longues distances. La production charbonnière piétine : elle dépasse les 1 500 Mt à la veille de la crise, pour retomber ensuite à ses niveaux d’avant 1914. L’augmentation générale des salaires dans les pays de vieille industrie se traduit par une hausse générale des prix de revient, contre laquelle on ne réagit encore en Europe que de manière timide : l’abattage au marteau-piqueur se généralise, mais il ne permet pas d’augmentation très sensible de la productivité.

En Amérique du Nord, la conjoncture économique n’est pas plus favorable au charbon, mais, dans un système où les structures d’exploitation sont moins rigides et les conditions naturelles plus favorables, on mécanise plus vite (dans les exploitations à ciel ouvert en particulier). En U. R. S. S., les possibilités sont telles dans certains gisements, celui du Kouzbass en particulier, que l’abattage mécanique fait des progrès précoces.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les réajustements ont été profonds. Dans les vieux pays miniers, les entreprises privées qui s’étaient créées au siècle dernier n’avaient pas toujours la dimension nécessaire à la modernisation. La nationalisation ou l’aide de l’État ont permis la concentration des activités, la fermeture de nombreux sièges. La mécanisation a fait des progrès rapides : les haveuses se sont multipliées, les effectifs au fond ont baissé. Malgré ces efforts spectaculaires, le prix du charbon est demeuré élevé, car les gisements sont difficiles, profonds et se prêtent mal à la mise en place des techniques les plus modernes : la production a diminué devant la concurrence des importations de pétrole ou de l’extraction du gaz naturel.

Dans les pays mieux doués naturellement, comme les États-Unis, l’Australie ou l’Afrique du Sud, l’ère des difficultés a duré jusqu’aux environs de 1960 : depuis, et grâce à une mécanisation poussée à l’extrême, les prix sont redevenus compétitifs pour la fourniture de l’énergie primaire, cependant qu’il est possible de fournir les nouveaux consommateurs de coke. En Europe de l’Est, en U. R. S. S., en Chine enfin, l’essor a été particulièrement vigoureux. Cela tient d’abord aux modèles d’industrialisation qu’ont choisis ces pays : ils ont essayé de se créer une industrie lourde sur le type de celle de l’Europe occidentale à la fin du siècle dernier. À l’heure actuelle, leur orientation change, mais la part de la houille dans leur bilan énergétique demeure exceptionnellement élevée. Il faut y voir le poids des investissements déjà réalisés, le souci de conserver une forte indépendance en matière d’approvisionnement énergétique et les conditions souvent favorables à la mécanisation.