Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hô Chi Minh (suite)

Quoi qu’il en soit, la capitulation japonaise ouvre à Hô Chi Minh les portes d’Hanoi, et celui-ci peut y proclamer l’indépendance le 2 septembre 1945, après l’abdication de l’empereur Bao Dai. Le gouvernement provisoire, dont les membres non communistes furent éliminés, met à profit la fin de l’année 1945 et le début de 1946 pour implanter dans tout le pays une organisation politico-militaire.

Hô Chi Minh est-il disposé à conclure avec la France un compromis plus ou moins durable ? Estime-t-il, au contraire, qu’une guerre est inévitable et qu’il faut gagner le temps nécessaire à sa préparation ? La question sera seulement tranchée lorsque les archives du Viêt-minh seront accessibles aux historiens. En tout cas, la minutie avec laquelle est monté le coup de force du 19 décembre 1946 prouve que l’entrée en guerre a été décidée très certainement au cours de l’été 1946.

Dès cette époque, le problème du partage du pouvoir s’est vraisemblablement posé au sein du Viêt-minh. L’autorité d’Hô Chi Minh est-elle restée prépondérante ? S’est-il instauré, au contraire, une direction collégiale ? Il semble bien que les hommes comme Giap et Pham Van Dong ont peu à peu supplanté le leader vieillissant. De fait, le visage que les documents officiels donnent d’Hô Chi Minh dès 1953-54 est celui d’un personnage entrant dans la légende : un vieillard aux traits ascétiques, accueillant les enfants et dispensant des conseils de sagesse.

Il meurt le 3 septembre 1969 dans le palais présidentiel d’Hanoi ; son testament politique, rédigé le 10 mai de la même année, dénonce les coupables divisions entre les pays socialistes.

P. R.

➙ Indochine française / Viêt-nam.

 B. Fall, les Deux Viêt-nam (Payot, 1967). / J. Lacouture, Hô Chi Minh Éd. du Seuil, 1967). / D. Halberstam, Ho-Chi-Minh, President of the Democratic Republic of Vietnam (Londres, 1971 ; trad. fr. Hô Chi-Minh, Buchet-Chastel, 1972). / P. Mus, Hô Chi-Minh, le Vietnam, l’Asie (Éd. du Seuil, 1971).

Hodler (Ferdinand)

Peintre suisse (Berne 1853 - Genève 1918).


Il était le fils d’un artisan menuisier, père de cinq enfants et qui mourut en 1858, laissant sa famille dans la misère. La mère mourut en 1867, après s’être remariée avec le peintre d’enseignes Gottfried Schüpbach. Ce fut celui-ci qui confia Ferdinand Hodler à un paysagiste d’origine bavaroise, Ferdinand Sommer-Collier (1822-1901), spécialisé dans la décoration de coffrets destinés aux touristes.

Quittant ce premier maître qui lui avait appris à travailler sous l’influence du paysagiste François Diday (1802-1877), Hodler partit pour Genève en 1872. Il était occupé à copier, au musée Rath, un tableau de Diday quand il fut remarqué par Barthélemy Menn (1815-1893), ancien élève d’Ingres et ami de Corot. Professeur à l’école des beaux-arts, Menn le prit sous sa protection et l’engagea, notamment, à composer selon des rythmes mathématiquement contrôlés. Hodler dira plus tard : « Ce qu’il y a de plus complet dans la nature, c’est le corps humain, et, dans le corps humain, ce qu’il y a de plus beau, ce sont les rapports avec l’architecture. Plusieurs corps humains inspirés par une même pensée, une même émotion forment un ensemble monumental, d’où simplement doit se dégager une idée simple. C’est à exprimer architectoniquement, par ce moyen du corps humain, cette idée simple que je travaille, et voilà pourquoi je choisis des sujets qui puissent, directement et sans phrases, dire cette pensée. » Toute l’explication de l’art de Ferdinand Hodler tient dans ces lignes, comme en témoigne déjà, en 1875, son Écolier à l’attitude hiératique, énergiquement concis quant au dessin et traité avec une certaine froideur de coloris.

En 1878, Hodler fait un bref voyage en Espagne et, à Madrid, étudie spécialement Vélasquez. C’est par l’intermédiaire des Espagnols que lui viendra son admiration pour Édouard Manet*. Si le Lac de Thoune (1882) marque une tendance à l’impressionnisme, le peintre revient bientôt à ses thèmes de prédilection, par lesquels il se souvient de ses origines artisanales : c’est, par exemple, Ouvrier au travail (1883) et le Cordonnier (1884). Dans son Cortège de lutteurs (1884, musée de Zurich), il applique fortement le principe de la verticalité, de la répétition sur un même plan de motifs identiques ; il reconnaît ce principe dans l’art des Égyptiens, qu’il estime supérieur à celui des Grecs pour l’expression simultanée de la forme, du mouvement et de la pensée. Dans Las de vivre (1887, musée de Winterthur), son style, adouci, fait songer à celui de Puvis* de Chavannes. La Nuit (1890, musée de Berne) oppose, décorativement, les tourments et les joies du sommeil. Hodler s’apparente aux préraphaélites* anglais avec l’Élu (1894), et matérialise définitivement sa doctrine du « symbolisme plastique » dans Eurythmie (1895, musée de Berne).

Pour l’Exposition de Genève, en 1896, il exécute une peinture de vastes proportions représentant vingt-deux figures de lansquenets. La Retraite de Marignan (1896-1900, musée de Zurich) est son premier tableau d’histoire, qui sera suivi, en 1908, du Départ des volontaires d’Iéna (musée d’Ulm). La célébrité lui vient lors de l’exposition triomphale, à la Sécession de Vienne, en 1903, de la Vérité. Hodler sera désormais considéré par ses compatriotes comme un grand artiste national. En 1913, il remporte à Paris un vif succès en exposant au Salon d’automne son Unanimité, massant autour du Réformateur deux groupes symétriques de personnages qui lèvent identiquement le bras et donnent une saisissante impression de foule (musée de Hanovre). Dans l’intervalle de ces grands ouvrages, il faut citer des paysages de plus en plus synthétiques (la Jungfrau, 1911, musée de Berne) ainsi que des portraits énergiquement sculptés. Son Bûcheron (v. 1910, musée de Berne) confirme et amplifie les caractères de ses travailleurs de 1883 et de 1884.

M. G.

 R. Klein, Ferdinand Hodler et les Suisses (Libr. artistique internat., 1910). / W. Russ, Mes souvenirs sur Ferdinand Hodler (l’Arbalète, Lausanne, 1945).