Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hobbes (Thomas) (suite)

L’originalité de Hobbes est de rompre avec l’idée de l’origine divine de la souveraineté, telle que Bodin* l’a affirmée, et d’introduire une conception du contrat social, où Dieu n’intervient pas, et de l’État, où l’élimination de Dieu entraîne une « déification » du rapport de force. Ce qui le conduit à une conception absolutiste de l’État que Hobbes définit comme le pouvoir de créer ou de casser la loi, avec pour objectif unique de donner aux sujets la sécurité.

La forme de l’État est peu importante aux yeux de Hobbes. « Quand le représentant est un homme, alors l’État est une monarchie. Quand c’est une assemblée de tous ceux qui s’unissent, alors c’est une démocratie » : le contenu de la souveraineté n’est pas affecté par la forme qu’elle revêt. Dans tous les cas, le pouvoir ne se divise pas : l’exécution est liée au pouvoir législatif sous peine de disparaître.

La logique du raisonnement a entraîné Hobbes à rejeter le pouvoir matériel de l’autorité religieuse : mais il n’a pas rejeté la religion elle-même.

D. C.

 R. Polin, Politique et philosophie chez Thomas Hobbes (P. U. F., 1952). / T. E. Jessop, Thomas Hobbes (Londres, 1960. / M. C. Goldsmith, Hobbe’s Science of Politics (New York, 1968). / F. S. MacNeilly, The Anatomy of Leviathan (Londres, 1968). / M. Cattaneo et coll., Hobbes Forschungen (Berlin, 1969).

Quelques repères biographiques

1588

Naissance de Thomas, deuxième fils de Thomas, vicaire de Westport et Charlton.

1603

Il entre à Oxford.

1608

Il en sort pour devenir précepteur du jeune William Cavendish (futur deuxième comte de Devonshire).

1634-1636

Au cours de ses voyages, il fait connaissance avec le P. Mersenne à Paris, avec Galilée à Florence.

1640

Son manuscrit The Elements of Law, Natural and Politic circule ; les idées qu’il contient annoncent déjà le Leviathan. La condamnation (puis l’exécution) du comte de Strafford, et de l’archevêque Land font craindre à Hobbes le séjour en Angleterre. Il part alors pour Paris et rejoint le cercle de Mersenne.

1642

Publication de De cive (traduction anglaise en 1651).

1651

Publication de Leviathan, or the Matter, Form and Power of a Commonwealth, Ecclesiastical and Civil. Suspecté par les autorités françaises, Hobbes juge préférable de regagner l’Angleterre, bien que peu aimé de la cour de Charles Ier, car son livre passait pour favoriser le pouvoir absolu, mais aussi l’ascension de Cromwell.

1655

Parution du De corpore.

1658

Parution du De homine.

1666-67

La méfiance de Charles II et un vote de défiance du Parlement contre le « hobbisme », assimilé à la libre pensée et l’athéisme, faisant frôler à Hobbes l’accusation d’hérésie passible des pires supplices, le rendent prudent. Il consacre le reste de ses jours à d’aimables versifications qu’il publie (The Travels of Ulysses, 1673), ou à des textes virulents, qu’il garde dans ses tiroirs, tel le Dialogue between a Philosopher and a Student of the Common Laws of England, publié en 1681.

Hô Chi Minh

Homme d’État vietnamien (1890? - Hanoi 1969).


Les exigences d’une vie clandestine et ensuite des opportunités politiques font que bien des aspects de la biographie d’Hô Chi Minh demeurent inconnus. Ce nom même de Hô Chi Minh lui appartint tardivement, et il usa longtemps de surnoms, parmi lesquels celui de Nguyên Ai Quôc (Nguyên le patriote).

Est-il né en 1890 ? La chose est seulement probable. Est-il né au village de Kiêm Lan, dans le Nord-Annam ? Ce n’est pas certain ; son père était, semble-t-il, un paysan relativement aisé, qui parvint à entrer dans l’administration impériale et qui fut licencié pour avoir manifesté des opinions nationalistes. Le fils reçut d’abord une bonne instruction au niveau de l’enseignement primaire, mais cet homme, qui finit par connaître plusieurs langues, fut essentiellement un autodidacte.

À une date antérieure à la Première Guerre mondiale, il s’expatrie. Cuisinier à bord d’un paquebot, il découvre les ports européens et africains, puis, durant la Première Guerre mondiale, il séjourne quelque temps à Londres. On le retrouve à Paris en 1919, où il exerce alors le métier de retoucheur de photographies. La fin des hostilités marque le début de sa carrière politique par une adhésion au parti socialiste. Au congrès de Tours de 1920, Hô Chi Minh se rallie d’emblée au communisme, qui met l’accent sur l’émancipation des peuples coloniaux.

De 1920 à 1940, son existence est heurtée et vagabonde. Il reçoit une formation politique à l’occasion des cinq séjours qu’il fait en U. R. S. S. Ensuite, à plusieurs reprises, il assume la mission de propagandiste et de chef révolutionnaire en Extrême-Orient. De la fin 1924 à 1927, il recrute et forme en territoire chinois les premiers cadres d’un parti communiste indochinois. Les incidents entre l’U. R. S. S. et la Chine le contraignent à quitter ce pays. En 1928-29, Hô Chi Minh reprend, dans la clandestinité, mais en Thaïlande, la même action. En janvier-février 1930, il préside à la création du parti communiste indochinois (congrès dit « de Hongkong »). Peu après, la rébellion de Yên Bay au Tonkin et celle du Centre-Annam provoquent l’arrestation de divers militants, dont Vô Nguyên Giap et Pham Van Dong. Hô Chi Minh, qui est resté à Hongkong, est dénoncé à la police anglaise et arrêté par celle-ci pour menées subversives. La justice française réclame en vain son extradition, et Hô Chi Minh est condamné à six mois de prison par les Britanniques.

Libéré, il vit dans la clandestinité jusqu’en 1934. À partir de 1938, il revient en Chine à la faveur de la guerre sino-japonaise ; il se trouve aux frontières du Tonkin en 1940.

La mainmise japonaise sur l’Indochine (v. Indochine [guerre d’]) lui fournit l’occasion de préparer un soulèvement et de constituer au congrès de Lianzhou (Lien-tcheou) [mars 1944] un gouvernement provisoire, où figurent des nationalistes non communistes. Hô Chi Minh n’en a pas moins rencontré des difficultés auprès des autorités chinoises de Chongqing (Tch’ong-k’ing), et il a même été pour un temps incarcéré. On peut d’ailleurs soupçonner que ces autorités souhaitent l’écarter d’un futur gouvernement indochinois, afin de tenir celui-ci à leur dévotion. En tout cas, Hô Chi Minh obtient l’appui des missions de liaison américaines, qui cherchent à recruter des partisans pour lutter contre les Japonais, mais qui songent aussi à s’attacher le maître probable d’une Indochine décolonisée.