Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hermaphrodisme (suite)

Un inventaire (1960) mentionne 98 cas d’hermaphrodisme humain signalés par divers auteurs. Ils se répartissaient ainsi : 30 cas possédaient un testicule d’un côté, un ovaire de l’autre, 22 cas avaient un testicule et un ovaire de chaque côté, et, dans 46 cas, un testicule et un ovaire se trouvaient d’un seul côté. Les tractus génitaux correspondants accompagnaient les gonades. L’ambivalence des caractères sexuels se manifeste avec prédominance tantôt du sexe masculin, tantôt du sexe féminin ; tous les intermédiaires sont possibles.

À côté de l’hermaphrodisme vrai accidentel, il existe aussi un pseudo-hermaphrodisme, caractérisé par la présence d’une gonade d’un sexe et du tractus génital et des organes génitaux externes de l’autre sexe ; il en résulte une ambiguïté sexuelle. Diverses modalités de pseudo-hermaphrodisme sont connues : pseudo-hermaphrodisme externe masculin (ovaires avec organes génitaux externes mâles), pseudo-hermaphrodisme externe féminin (testicules avec organes génitaux externes féminins), pseudo-hermaphrodisme interne mâle (testicules avec conduits génitaux femelles), pseudo-hermaphrodisme interne féminin (ovaires avec conduits génitaux des deux sexes), etc.

Le free-martin chez les Bovidés est encore un exemple bien connu d’hermaphrodisme accidentel. Dans les élevages, on sait bien que, lorsqu’une génisse met bas deux veaux jumeaux de sexes différents, la génisse est généralement stérile alors que le mâle est normal. Ces génisses portent le nom de free-martin ; elles rappellent des sujets castrés précocement, en raison de leur grande taille et de l’absence d’instinct sexuel. L’appareil génital femelle est atrophié ; la vulve et les mamelles sont réduites. Les organes génitaux externes sont femelles avec quelques anomalies. Les voies génitales présentent un aspect masculin plus ou moins abortif. Les dimensions de la gonade varient d’un petit pois à un poing ; ce ne sont jamais de véritables ovaires ; des tubes séminifères peuvent y apparaître.

F. R. Lillie a trouvé l’explication de cet hermaphrodisme accidentel (1916). Les Bovidés possèdent un placenta cotylédonaire ; on constate, les fœtus mesurant 10 mm, une fusion précoce de deux placentas, avec (au niveau des cotylédons) des anastomoses vasculaires au stade de 19 mm. Il en résulte un mélange des sangs chez les deux jumeaux, et, par suite, des substances sécrétées et véhiculées par le sang. La différenciation du fœtus mâle commence lorsqu’il mesure 25 mm ; celle du fœtus femelle est plus tardive. Le fœtus mâle élabore des substances embryonnaires qui passeront dans le fœtus femelle, inhiberont le développement ovarien et favoriseront les potentialités testiculaires. Sur 39 couples de veaux jumeaux de sexes différents, 33 génisses étaient des free-martins plus ou moins intersexuées, et 6 génisses étaient normales. Chez ces dernières, aucune anastomose vasculaire n’existait ş les systèmes circulatoires des deux fœtus ne communiquaient pas, et les substances sécrétées par le fœtus mâle n’exerçaient pas d’action sur le fœtus femelle.

Le gynandromorphisme représente encore un cas d’hermaphrodisme accidentel. Il correspond à des individus qui comportent une mosaïque de parties, les unes différenciées dans le sens mâle, les autres, dans le sens femelle. Il offre deux aspects : aspect bilatéral lorsque, de part et d’autre du plan de symétrie, l’une des moitiés de l’individu est mâle et l’autre moitié femelle (non seulement la morphologie est intéressée, mais aussi l’appareil génital) ; aspect en mosaïque lorsque les parties mâle et femelle sont disposées de façon quelconque. Le gynandromorphisme est particulièrement apparent chez les animaux ayant un dimorphisme sexuel accusé.

Il affecte des groupes variés : Crustacés (Homard, Langouste), Arachnides, Insectes (Papillons variés et notamment le Ver à soie, Orthoptères, Grillons, Drosophiles, Hyménoptères), Poissons (Raie), Oiseaux (Pinson, Bouvreuil, Faisan). Il se manifeste généralement par des cas sporadiques et disparates. Une seule exception, les Vers à soie, chez qui l’anomalie est héréditaire et se transmet selon les lois de Mendel ; ainsi, il est possible d’obtenir à volonté des Vers à soie gynandromorphes en réalisant des croisements corrects.


Les greffes de R. R. Humphrey

Peut-on fabriquer des hermaphrodites à partir d’un être unisexué ? R. R. Humphrey, un biologiste américain, a tenté depuis 1927 et réussi une expérience fort intéressante. Elle consiste à greffer sur un embryon hôte, une ébauche génitale provenant d’un embryon donneur.

Chez un embryon hôte d’Axolotl au stade du bourgeon caudal, Humphrey enlève l’ébauche gonadique à droite, par exemple. Puis il prélève chez un embryon donneur, au même stade de développement, un greffon correspondant à l’ébauche gonadique droite ; ce greffon est placé dans l’embryon hôte à la place de l’ébauche précédemment enlevée. Les deux embryons (hôte et donneur) sont ensuite élevés. L’élevage de l’embryon donneur permettra de connaître le sexe de la gonade qui se développera normalement et, partant, le sexe du greffon implanté.

Cette greffe est pratiquée sur de nombreux embryons. On constate alors que certains animaux possèdent deux gonades de sexe différent, d’un côté un ovaire, de l’autre un testicule. Par exemple, si un greffon mâle est implanté à la place de l’ébauche gonadique droite de l’embryon hôte femelle, ce dernier à l’état adulte possédera du côté droit un testicule et du côté gauche l’ovaire normal. Un hermaphrodite sera réalisé.

Cette expérience prouve que les cellules germinales primordiales sont indifférenciées ; elles peuvent évoluer différemment selon les conditions offertes par l’ébauche gonadique. Si l’ébauche gonadique est mâle, elles seront orientées vers une spermatogenèse ; si l’ébauche est femelle, elles le seront vers une ovogenèse.

Dans l’expérience décrite, sous l’influence de l’hormone mâle élaborée par l’ébauche gonadique droite, les cellules germinales primordiales émigrent dans la région médullaire et forment des tubes testiculaires. Parallèlement, sous l’influence de l’hormone femelle élaborée par l’ébauche gonadique gauche, les cellules germinales primordiales se rassemblent dans le cortex, où s’organisera l’ovogenèse.