Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guerre mondiale (Première) ou Grande Guerre de 1914-1918 (suite)

Offensives françaises en Artois et en Champagne

La volonté offensive du commandement français, tendue vers la percée du front et la libération du territoire, donne lieu à deux types d’opérations différents. Un peu partout, et notamment dans les Vosges, aux Eparges, en Argonne et dans les Flandres (où les Allemands inaugurent l’emploi des gaz en avril), se déroule une série de combats locaux d’infanterie aussi meurtriers que stériles. En même temps, de grandes opérations sont conduites par Joffre, d’abord séparément en Champagne (févr.) et en Artois (mai), puis simultanément sur ces deux secteurs du front lors de la grande offensive du 25 septembre. Le seul résultat tangible de ces actions fut de soulager le front russe en obligeant Falkenhayn à rameuter ses réserves sur le front occidental, où Haig*, qui remplace French en décembre, dispose, grâce aux « volontaires » suscités par Kitchener, d’une trentaine de divisions britanniques.

La coopération entre les alliés a nettement progressé, et la conférence réunie par Joffre en décembre à Chantilly organise la convergence des actions à entreprendre vers l’été de 1916 par les Franco-Anglais sur le front de la Somme et par les Russes sur celui de Pologne. Elle décide en outre la liquidation des colonies allemandes d’Afrique, où seul le territoire de l’Est-Africain (Afrique-Orientale allemande) résistera grâce à l’énergie de son chef, le colonel Paul von Lettow-Vorbeck (1870-1964), jusqu’en novembre 1918.

Occupation allemande et résistance dans les territoires envahis

C’est en 1915 que s’installe l’occupation allemande dans les territoires occupés de Belgique et de France. Pour Falkenhayn, ceux-ci doivent être exploités au maximum pour procurer au Reich de l’argent, du ravitaillement et de la main-d’œuvre. Aussi l’administration allemande se fait-elle chaque jour plus tracassière : contrôles incessants, transferts de main-d’œuvre, déportation des suspects, contributions de guerre, confiscation des objets rares (or, cuir, laine), mise en régie des entreprises (mines du Nord, textiles de Roubaix, etc.).

La population supporte mal ce régime d’exception, admirant la « résistance » de ses notables : le cardinal Mercier, archevêque de Malines ; le préfet Trépont et le maire Delesalle à Lille ; le bourgmestre Max à Bruxelles. De nombreux patriotes mènent la lutte contre l’occupant, tels Eugène Jacquet et Léon Trulin, fusillés à Lille, Edith Cavell, dont l’exécution, le 11 octobre 1915, souleva l’indignation du monde, Louise de Bettignies, Léonie Vanhoutte, Louise Thuliez et la princesse de Croÿ, qui rivalisèrent d’héroïsme au service de leur pays.


1916, l’année de Verdun

À peine conclus, les accords de Chantilly sont soumis à rude épreuve. Refusant en effet de s’engager plus loin dans le problème russe, Falkenhayn se décide, pour atteindre l’ennemi numéro un qu’est pour lui la Grande-Bretagne, à détruire l’armée française — son « épée » sur le continent — par épuisement de ses effectifs. Dans ce dessein, il déclenchera avec le maximum de violence et aussi longtemps que nécessaire une offensive sur un point, en l’occurrence Verdun, que les Français seront psychologiquement obligés de défendre. Cette stratégie inédite sera complétée par une relance de la guerre sous-marine sans restriction, expérimentée avec succès en 1915. L’amirauté estime maintenant possible de couler en 6 mois le tiers du tonnage marchand indispensable au ravitaillement de la Grande-Bretagne. Guillaume II et Bethmann-Hollweg hésitent pourtant à se lancer dans cette aventure, ce qui provoquera le 6 mars la démission tapageuse de l’amiral Tirpitz*, chef de l’amirauté de Berlin.


Verdun, la Somme et l’offensive Broussilov

Le 21 février éclate, comme un coup de tonnerre, l’offensive allemande sur Verdun. Après avoir bousculé les défenses françaises de la rive droite puis de la rive gauche de la Meuse, la marée allemande est bloquée en juillet sur les pentes de Souville avant d’être refoulée par les soldats de Pétain*, de Nivelle* et de Mangin* au cours des deux batailles du 24 octobre et du 15 décembre. Toutefois, si l’armée française s’y use considérablement (v. Verdun), l’échec de la stratégie allemande est patent puisque, « malgré Verdun », Joffre et Haig déclenchent, le 1er juillet, l’offensive prévue sur la Somme. Menée par 26 divisions anglaises et 14 françaises, l’attaque alliée, entretenue durant quatre mois, portera un coup très rude au front allemand dans la région de Péronne et obligera l’adversaire à diminuer la pression sur Verdun.

En outre, depuis le 4 juin, le front oriental s’est remis en mouvement : quatre armées russes, conduites par Broussilov*, ont enfoncé les lignes autrichiennes en Volhynie et capturé 500 000 hommes. Les Russes menacent maintenant la frontière hongroise, et les Allemands sont contraints de l’étayer pour prévenir l’effondrement du front austro-hongrois.


Intervention roumaine et crise allemande

Au moment où le général F. Conrad von Hötzendorf, chef de l’état-major autrichien, appelle l’Allemagne à son secours, le Reich subit un terrible coup par la déclaration de guerre de la Roumanie (28 août 1916), dont l’intervention aux côtés des Alliés compromet le ravitaillement de l’Allemagne en blé et en pétrole. Cette fois, l’opinion publique, déjà durement touchée par les restrictions consécutives au blocus, s’émeut, et le Kaiser, constatant la faillite de la stratégie d’épuisement de Falkenhayn, le remplace au commandement suprême par la populaire équipe des vainqueurs de l’Est, Hindenburg et Ludendorff (29 août).

Ceux-ci font preuve aussitôt d’une étonnante activité et arrêtent les mesures qu’exige la gravité de la situation militaire. Après avoir imposé à Conrad von Hötzendorf le commandement unique à leur profit des forces de la « Quadruplice » (Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Bulgarie), ils décident de passer aussitôt sur la défensive sur le front français ; bien plus, ils en prévoient le raccourcissement par un repli à opérer entre Arras et Soissons qui économisera une quinzaine de divisions. Pour parer au danger venant de Bucarest, ils chargent Falkenhayn, qui n’a pas su conserver le blé roumain, d’aller le reconquérir à la tête d’une nouvelle armée (la IXe), créée le 9 septembre. En trois mois, ses forces, appuyées par celles de Mackensen, débouchant de Bulgarie, conquièrent la Roumanie jusqu’au Siret, et, le 6 décembre, les Allemands font leur entrée à Bucarest.