Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guerre mondiale (Première) ou Grande Guerre de 1914-1918 (suite)

Guerre au Moyen-Orient et problème arabe

Animées par des états-majors allemands, les forces ottomanes s’opposent aux Britanniques en Mésopotamie et en Palestine et aux Russes sur le front du Caucase, où le grand-duc Nicolas a remporté deux brillants succès à Erzurum (janvier) et à Trébizonde (avr.). Pour les Anglais, au contraire, l’année 1916 a été difficile : le 28 avril, en Mésopotamie, la garnison de Kūt al-‘Amāra a dû capituler devant les assauts des Turcs, qui, en août, ont lancé un deuxième raid contre Suez. C’est alors que débute en milieu arabe l’action du jeune T. E. Lawrence*, qui, ayant gagné la confiance d’Abdullah et de Fayṣal, fils d’Ḥusayn, roi du Hedjaz, organise avec eux la libération de la « nation arabe » du joug ottoman. Et cela au moment même où, à Finsu de Lawrence, Paris et Londres concluent en mai un accord partageant l’Empire ottoman en deux zones d’influence politique et économique, l’une, française, incluant la Syrie et le Liban, l’autre, anglaise, comprenant la Palestine, l’Iraq et la Transjordanie (accords Sykes-Picot). Singulière équivoque, qui pèsera lourdement dans les rapports futurs de l’Occident avec l’islām.


La situation des belligérants à la fin de 1916

Dans les deux camps, l’année a été très rude, et l’usure des belligérants s’affirme en tous domaines. La Grande-Bretagne, qui entretient maintenant 70 divisions, se voit contrainte, pour la première fois dans son histoire, d’adopter progressivement la conscription. La situation économique y est encore aisée, et, en dépit de la déception que cause à Londres le demi-succès de la bataille navale du Jutland et la menace permanente de la guerre sous-marine, la maîtrise de la mer demeure aux Alliés. En décembre, le cabinet Asquith cède la place au gouvernement d’Union nationale de Lloyd George*.

En France, où toute l’année a été vécue sous le signe de Verdun, l’Union sacrée présente des failles, le Parlement s’agite, l’économie s’essouffle et le déficit budgétaire n’est comblé que par les emprunts anglais et américains. En décembre, Joffre est abandonné par Briand*, qui choisit Nivelle comme commandant en chef.

En dépit des succès éclatants de Broussilov, la Russie est au bord de la révolution : l’assassinat de Raspoutine (29 déc.) traduit la révolte de la classe nobiliaire et de la bourgeoisie libérale contre l’aveuglement du tsar.

À Vienne, la mort du vieil empereur François-Joseph* entraîne l’avènement du jeune Charles Ier, lucide et généreux. Marié à une Française, Zita de Bourbon-Parme, il voudrait prendre ses distances vis-à-vis de Berlin, mais se heurte à une situation politique rendue inextricable par le réveil des nationalités qui composent l’ensemble disparate et suranné de la double monarchie.

Quant aux Allemands, qui vivent depuis un an sous le régime de la carte d’alimentation, ils viennent avec Ludendorff de trouver un chef qui s’affirme peu à peu comme le dictateur du IIe Reich. Pour lui, qui juge lucidement la situation difficile de son pays, toute la politique doit désormais être subordonnée au seul impératif de gagner la guerre. C’est dans cet esprit que, au risque de provoquer l’intervention américaine, il se rallie en novembre à la thèse de la guerre sous-marine. Pour inciter l’adversaire à se dévoiler, Guillaume II, profitant de l’entrée de ses troupes à Bucarest, lance le 12 décembre une offre de paix spectaculaire. Rejetée par les Alliés, elle est relevée par Wilson*, qui vient d’être réélu président des États-Unis et qui, en réponse, demande à tous les belligérants de lui faire connaître leurs buts de guerre.

La guerre navale de 1914 à 1916

En 1914, la Grande-Bretagne est encore la reine des océans : sa flotte marchande représente 48 p. 100 du tonnage mondial, sa marine de guerre surclassera largement sa rivale allemande en tonnage (2,2 millions de tonnes contre 1,05) et en qualité (24 dreadnoughts contre 13). Aussi, sur les mers, dont les belligérants vont découvrir l’importance, l’intervention anglaise confère-t-elle au conflit une dimension mondiale.

Par les combats du cap Coronel et des îles Falkland (novembre-décembre 1914), l’amirauté de Londres, que dirige le vieux lord Fisher (1841-1920), élimine d’abord la marine allemande des mers lointaines. Dès octobre, elle applique en outre un rigoureux blocus de la mer du Nord, auquel l’amiral allemand Tirpitz* réplique en déclenchant la guerre sous-marine. Celle-ci se développe au début de 1915, mais est suspendue en septembre après la protestation américaine qui suit le torpillage du paquebot anglais Lusitania, où, le 7 mai, périssent 118 passagers américains. Avec les Dardanelles, la guerre navale s’est étendue à la Méditerranée, confiée depuis 1914 à la garde de l’armée navale française dont le chef est l’amiral Boue de Lapeyrère (1852-1924). Les sous-marins allemands et autrichiens qui dominent l’Adriatique y mènent la vie dure aux Alliés, dont les bases principales sont celles de Malte, de Moudros (Moúdhros) et de Corfou.

En dehors de leur rencontre fortuite du Dogger Bank (24 janv. 1915), les flottes de haute mer allemande et anglaise ne s’affronteront qu’en 1916, lors de la mémorable bataille du Jutland (31 mai 1916). Au cours d’une lutte d’artillerie de douze heures, 100 bâtiments allemands, conduits par les amiraux Reinhard Scheer (1863-1928) et Franz von Hipper (1863-1932), s’attaqueront aux 150 navires de la Grand Fleet britannique de l’amiral Jellicoe*, secondé par Beatty. Après avoir coulé 14 bâtiments anglais (112 000 t), Scheer, dont les pertes ne dépassent pas 60 000 t, utilise la nuit pour se dérober. Succès tactique des Allemands, le Jutland confirmait toutefois l’incapacité de leur flotte à dominer son homologue anglaise. Aussi Scheer en conclut-il que seul l’emploi massif des sous-marins pouvait être décisif pour amener la ruine de la Grande-Bretagne.


1917, guerre sous-marine intervention américaine révolution russe