Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grégoire VII (saint) (suite)

À peine élu, Grégoire dépose prélats simoniaques et clercs mariés. En février 1075, à un synode romain, il interdit à tout évêque et à tout clerc de recevoir d’un laïque l’investiture de son Église. « Quiconque à l’avenir recevra de la main d’un laïque un évêché ou une abbaye ne sera pas compté parmi les évêques et les abbés. De même si un empereur, duc, marquis, comte ose donner l’investiture d’un évêché ou de quelque autre dignité ecclésiastique, qu’il sache que nous lui interdisons la communion du bienheureux Pierre. »

Le moment semble favorable à une épreuve de force. La France, où règne un roi déconsidéré, Philippe Ier, est en proie à l’anarchie féodale ; en Angleterre, Guillaume Ier* le Conquérant établit une nouvelle dynastie ; dans l’Empire, Henri IV est en butte au soulèvement de la Saxe. La lutte va donc se circonscrire entre le pape et l’Empereur. Ce dernier est le prince le plus atteint par les mesures de Grégoire VII, car, pour faire pièce aux vassaux laïques indisciplinés, il doit pouvoir compter sur ses évêques, qui détiennent d’ailleurs les plus riches seigneuries.

Au début, Henri IV, qui a rétabli son autorité dans ses États, feint d’ignorer les décrets pontificaux et nomme des évêques de son choix, puis, en janvier 1076, au conciliabule de Worms, soutenu par une partie de son épiscopat, il fait déposer le pape. Grégoire riposte par l’excommunication et l’ordre à tous ses sujets de lui refuser l’obéissance. Le soulèvement de la Saxe et de l’Allemagne du Sud amène Henri IV à transiger, d’autant qu’à la diète de Tribur (oct. 1076) les princes allemands, laïques et ecclésiastiques, remettent le sort de l’Empereur entre les mains de Grégoire VII, qui, à leur demande, doit présider à Augsbourg, le 2 février de l’année suivante, un synode pour condamner Henri IV. Succès éclatant pour le pape, mais fragile et compromettant, puisqu’il lie en fait le sort de la réforme de l’Église aux fluctuations des ambitions politiques des rebelles allemands.

Henri IV, afin d’éviter une condamnation à Augsbourg, prend les devants et pénètre en Italie pour rencontrer le pape ; effrayé, Grégoire VII se retire dans un château appartenant à la comtesse Mathilde de Toscane, Canossa. C’est là qu’a lieu, à la fin de janvier 1077, la scène célèbre : en plein hiver, l’empereur, couvert d’un habit de pénitent, se présentant trois jours de suite devant les remparts de la forteresse ; puis, sur les instances de l’abbé Hugues de Cluny et de la comtesse Mathilde. Grégoire lui accordant son pardon. Les princes allemands partisans de Grégoire VII voient là une trahison et, sans plus se soucier de la cause pontificale, élisent un empereur rival, Rodolphe de Souabe (1077-1080).

Lorsqu’en mars 1080 le pape excommunie de nouveau Henri IV, ce dernier, vainqueur de Rodolphe, fait déposer Grégoire et élire un antipape. Il assiège Rome, qui tombe en son pouvoir en juin 1083, et, le 31 mars 1084, il y reçoit la couronne impériale des mains de l’antipape Guibert de Ravenne (Clément III). Enfermé derrière les murs du château Saint-Ange, Grégoire VII essaie de traiter avec l’Empereur, qui refuse ; à bout de ressources il fait appel à Robert Guiscard (v. 1015-1085) et à ses Normands, qui sont en train de terminer, avec la brutalité qu’on leur connaît, la conquête de l’Italie méridionale.

Malheureusement, si les Normands libèrent le pape, ils le font en mettant Rome à feu et à sang (27 mai 1084), et en pillant la ville avec une telle barbarie que les habitants de la cité se soulèvent contre le pape.

Grégoire VII est ainsi obligé de suivre ses compromettants alliés dans leur retraite vers le sud de la péninsule. Il séjourne au Mont-Cassin, à Bénévent, puis à Salerne. Il meurt le 25 mai 1085, en répétant les paroles du psaume : « J’ai toujours haï l’iniquité, c’est pourquoi je meurs en exil. » Il sera canonisé en 1606 par Paul V, qui le proposera en modèle aux pasteurs de la chrétienté.

Ce pontificat se terminait sur un échec retentissant, mais les idées réformistes de Grégoire VII se répandaient, et les princes allaient devoir, désormais, compter avec elles.

P. R.

➙ Église catholique / Investitures (querelle des).

 A. Fliche, Saint Grégoire VII (Gabalda, 1920) ; la Réforme grégorienne et la reconquête chrétienne, 1057-1123, t. VIII de l’Histoire de l’Église sous la dir. de A. Fliche et V. Martin (Bloud et Gay, 1937). / H. X. Arquillière, Saint Grégoire VII. Essai sur sa conception du pouvoir pontifical (Vrin, 1934). / R. Morghen, Il pontificato di Gregorio VII (Rome, 1960).

Grenade

En esp. Granada, v. d’Espagne, en Andalousie, ch.-l. de province, au pied de la sierra Nevada, au confluent du Darro et du Genil ; 159 000 hab.



L’histoire


Grenade sous les Zīrides

Vieille bourgade espagnole, Grenade entre dans l’histoire au début du xie s., lorsque des Zīrides* — Berbères Ṣanhādja —, offrant leur service au calife de Cordoue, débarquent en Andalousie. Les Zīrides s’installent à Elvira et font de Grenade (en ar. Rharnāṭa), alors peuplée essentiellement de juifs, la capitale de ce district.

Située sur une montagne, la ville est entourée de plaines fertiles sillonnées de cours d’eau et couvertes d’arbres. Cette situation favorise son développement. Aussi le calife al-Murṭaḍā tente-t-il de s’en emparer. Il en fait le siège, mais subit une défaite au cours de laquelle il est lui-même tué. Cette victoire consolide la dynastie zīride, qui, durant les règnes des émirs Ḥabūs et Bādīs, administre efficacement la ville de Grenade avec le concours des vizirs juifs.

Se heurtant à l’hostilité de leurs voisins musulmans et chrétiens, les Zīrides consacrent de grosses sommes pour les fortifications de leur ville sans, pour autant, venir à bout de leurs adversaires. Le dernier émir zīride, ‘Abd Allāh, petit-fils de Bādīs, ne tente même pas de résister au souverain almoravide Yūsuf ibn Tāchifīn, auquel il ouvre les portes de Grenade.