Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grégoire de Nysse (saint) (suite)

Sa famille le destine à l’Église, mais Grégoire fait choix d’une autre carrière. Il devient professeur de rhétorique, à l’indignation de l’ami de la famille, Grégoire* de Nazianze, qui lui fera grief d’avoir « préféré le nom de rhéteur à celui de chrétien ». Dans le même temps, il se marie avec une jeune fille qu’il aimera profondément, Théosébie. Mais ni la rhétorique ni le mariage ne devaient entraver son évolution religieuse. L’influence de sa sœur Macrine, supérieure d’un monastère de femmes, l’ascendant de son frère Basile et de Grégoire de Nazianze l’amènent à changer de voie ou, plus exactement, à retrouver sa vocation première.

Basile, conscient de la valeur de son frère cadet, lui fait accepter en 371 l’évêché de Nysse, petite ville au sud-ouest de Césarée. Selon la coutume du temps, Grégoire garde sa femme avec lui. Devenu évêque, un peu à son corps défendant, il se jette avec une ardeur de néophyte dans la lutte contre l’arianisme, qui bénéficie alors de la protection de l’empereur Valens. Basile aurait souhaité sinon moins de zèle, du moins un peu plus de discernement. Toujours est-il qu’on 376, à la suite des manœuvres ariennes, Grégoire est déposé et remplacé par un évêque arianisant. Il est aussi permis de supposer que le cadet paie pour son aîné, dont les réactions sont redoutées. L’avènement de Théodose* en 378, qui marque un tournant de la politique impériale à l’égard de l’orthodoxie, permet à Grégoire de reprendre possession de son siège de Nysse.

Le 1er janvier 379 meurt le grand Basile. Grégoire va s’appliquer de son mieux à continuer son œuvre. En 381, il joue un rôle important au concile de Constantinople, qui met fin à la crise arienne, et il devient un des personnages marquants de l’Église d’Orient. Homme de confiance de l’empereur pour les affaires ecclésiastiques de la province du Pont, il est, en outre, chargé de diverses missions en Arabie et en Palestine. Devenu le prédicateur à la mode, en 385 il prononce devant la Cour les oraisons funèbres de l’impératrice Flacilla et de la princesse Pulchérie. Mais les renseignements que nous possédons sur cette dernière partie de sa vie sont rares et fragmentaires. On pense qu’il meurt en 394.

Théologien hardi, très influencé par Origène*, Grégoire laisse une œuvre riche de pensée malgré d’incontestables outrances et de difficiles obscurités. À côté de la lutte persévérante qu’il mène contre l’arianisme, il élabore une doctrine de la vie mystique qui le rattache au grand courant monastique du ive s.

I. T.

➙ Chrétiennes (littératures) / Église catholique / Patrologie.

 H. U. von Balthasar, Présence et pensée. Essai sur la philosophie religieuse de Grégoire de Nysse (Beauchesne, 1943), / J. Daniélou, Platonisme et théologie mystique (Aubier, 1944 ; nouv. éd., 1954). / T. A. Goggin, The Times of Saint Gregory of Nyssa (Washington, 1947). / H. F. von Campenhausen, Griechische Kirchenväter (Stuttgart, 1955 ; trad. fr. les Pères grecs, Éd. de l’Orante, 1963). / V. Tatakis, la Contribution de la Cappadoce à la pensée chrétienne (Institut français, Athènes, 1960).

Grégoire Ier le Grand (saint)

(Rome v. 540 - id. 604), pape de 590 à 604.


Grégoire était issu d’une vieille famille patricienne. Il était le fils d’un sénateur et l’arrière-petit-fils du pape Félix III. Il avait participé à l’administration de Rome en tant que préfet de la ville (v. 573), mais, attiré par la vie monastique, il transforma en couvent son palais du mont Caelius et s’y retira : il n’y resta pas longtemps, car le pape Pelage II (579-590) le nomma administrateur pontifical, puis nonce à Constantinople de 579 à 585 ou 586.

À la cour des empereurs Tibère II (578-582) et Maurice (582-602), Grégoire prit conscience de l’incapacité de l’Empire byzantin à juguler l’avance barbare en Occident. En effet, à cette époque, les forces armées impériales étaient engagées dans la lutte contre la Perse. La guerre, qui dura de 572 à 591, se termina par la victoire des Byzantins, mais ceux-ci ne purent en même temps assurer la garde de l’Occident contre les hordes lombardes, gépides et avars qui le menaçaient de plus en plus violemment.

Les Lombards parvinrent ainsi à conquérir une partie de l’Italie. En 579, ils commençaient à attaquer Rome, qui dépêcha Grégoire à Constantinople pour demander des secours. L’empereur Tibère II ne put qu’envoyer des fonds et susciter l’entrée en guerre des Francs d’Austrasie. Ces mesures furent inefficaces, et Grégoire en tira les conséquences : il envisagea dès lors de séparer Rome du destin de Byzance pour l’orienter définitivement vers l’entente avec les Barbares et leur christianisation.

Élu pape en janvier 590, Grégoire signa en 592 un accord avec le roi des Lombards, l’arien Agilulf, pour épargner à la ville les horreurs d’une guerre perdue d’avance. Il s’opposait ainsi à Maurice et à son représentant en Italie, l’exarque de Ravenne, Romain. Il les amena à ses vues, et Maurice se résolut à signer une trêve avec le roi des Lombards en 598. Grâce à l’aide de l’épouse d’Agilulf, une princesse bavaroise catholique, Théodelinde, Grégoire obtenait bientôt la conversion au catholicisme du roi et d’une partie de son peuple (602).

Un autre royaume arien, celui d’Espagne, se convertit au moment où Grégoire montait sur le trône de Pierre. Après le règne de Léovigild (567 ou 568-586), qui persécuta les catholiques et fit mettre à mort pour cette raison son fils Herménégild (585), Reccared Ier (586-601), son autre fils, vengea son frère ; au concile de Tolède, en 589, il abjura l’arianisme, et toute l’Espagne passa avec lui au catholicisme. Cette conversion était l’œuvre de l’archevêque de Séville, Léandre, grand ami de Grégoire.

Envers les princes chrétiens, le pape adopta une attitude de fermeté qui fit de nouveau respecter en Europe la volonté pontificale. Grégoire revendiqua sur toutes les Églises, y compris sur celles qui relevaient des patriarcats d’Orient et de Constantinople, l’autorité en matière spirituelle et même disciplinaire. Ainsi, il s’opposa à ce que l’évêque de Constantinople Jean le Jeûneur prenne le titre de patriarche œcuménique et, lorsqu’en 592 l’empereur Maurice interdit à tout fonctionnaire et à tout militaire d’embrasser la vie religieuse, il protesta et obtint un compromis. Ce qui était nouveau, c’était l’affirmation par le pape de son rôle de gardien suprême de la discipline chrétienne, fût-ce contre l’Empereur lui-même.