Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce d’Asie (suite)

Grecs et Lydiens

Après la fin des royaumes hittites (vers le xiie s.), les Phrygiens furent les maîtres des plateaux anatoliens ; ils auraient été les alliés des Troyens (Hécube, femme de Priam, était une Phrygienne), mais leurs royaumes ne jouirent jamais d’un grand prestige politique ou culturel (le roi Midas de la légende est un fort triste sire, sa bêtise lui valut ses oreilles d’âne) puisqu’ils empruntèrent plus aux Grecs (ne serait-ce que l’alphabet) qu’ils ne leur donnèrent à apprendre.

Ce furent les rois lydiens qui recueillirent et firent fructifier leur héritage. Leur prospérité (ils n’étaient jusqu’alors que des Méoniens, vassaux des Phrygiens) date de l’avènement de Gygês (v. 687 av. J.-C.), qui fonda la dynastie des Mermades. Lui et ses successeurs réussirent à dominer toute l’Asie antérieure, après avoir mis au pas une aristocratie de barons qui n’aimaient pas qu’ils se voulussent souverains absolus.

La richesse du royaume était immense : en témoignent ses émissions monétaires (les Lydiens furent sans doute les premiers à frapper un métal, en l’occurrence l’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent que l’on trouvait dans le fleuve Pactole, pour qu’il servît de monnaie d’échange), les largesses que multipliait leur souverain (notamment Crésus). Les Grecs, éblouis, ne tardèrent pas à se laisser séduire et à entretenir avec eux des rapports féconds ; ils aimaient à servir (quoique citoyens) ces maîtres raffinés et ne savaient pas toujours devant eux garder leur dignité : les filles grecques peuplaient les palais royaux. À Sardes, il finit par se constituer une véritable colonie grecque, d’où est issu, au viie s., le poète Alcman (sa carrière se déroula pourtant à Sparte). Les rois lydiens encourageaient ces contacts, peut-être par souci politique, consultaient eux-mêmes l’oracle de Delphes, employaient Thalès de Milet comme ingénieur, reçurent les sages grecs, pensionnèrent le fabuliste Ésope.

L’Asie Mineure ainsi se préparait à devenir une terre de civilisation hellénique, et les Grecs d’Asie s’ouvraient à l’Orient, dépassaient un peu le cadre si étroit de la cité pour nourrir et enrichir leur culture.

J.-M. B.

➙ Achéménides / Anatolie / Grèce / Ionie / Médiques (guerres).

 T. J. Dunbabin, The Greeks and their Eastern Neighbours (Londres, 1957). / M. B. Sakellariou, la Migration grecque en Ionie (en grec, Athènes, 1958). / C. Roebuck, Ionian Trade and Colonization (New York, 1959). / J.-P. Vernant, les Origines de la pensée grecque (P. U. F., 1962 ; nouv. éd., 1969). / J. M. Cook, The Greeks in Ionia and The East (Londres, 1963). / J. Boardman, The Greeks Overseas (Londres, 1964). / H. Metzger, Anatolie II (Nagel, 1968). / C. Mossé, la Tyrannie dans la Grèce antique (P. U. F., 1969).

Grèce d’Occident

Ensemble des régions de l’Europe occidentale colonisées par les Grecs à partir du viiie s. av. J.-C.


Les Grecs s’installèrent en Occident dès le viiie s. av. J.-C. ; ils colonisèrent essentiellement la Sicile et le sud de l’Italie (Grande-Grèce), mais s’installèrent aussi beaucoup plus loin vers l’ouest (à Marseille et Ampurias notamment).


L’installation des Grecs

À partir du viiie s. av. J.-C., les Grecs se lancèrent sur la mer, partant fonder au loin des cités neuves : c’est le manque de terres qui poussait le plus souvent ces paysans sur les routes maritimes, ainsi sans doute que les troubles qui naissaient dans les cités, dont l’équilibre n’était pas encore assuré. Vers l’ouest, ils surent apprivoiser d’abord les riches terroirs de Sicile et d’Italie du Sud, qui servirent de relais pour l’établissement de comptoirs plus lointains, à Marseille, Emporion (auj. Ampurias), Alalia (auj. Aleria) : l’ensemble fut appelé Grande-Grèce, car tout y pouvait sembler plus beau et plus riche que dans les maigres champs de la Grèce égéenne. Vers 750 av. J.-C., ce fut la fondation de Cumes ; en 735, celle de Naxos ; en 734, celle de Syracuse et Zancle (auj. Messine) ; en 728, celle de Megara Hyblaia ; vers 720, celle de Rhegiôn (auj. Reggio).

C’est de l’Eubée accablée par la famine qu’étaient partis les premiers colons ; vinrent les rejoindre les Corinthiens, ouverts aux routes de l’Occident, puis les Péloponnésiens, qui, dans le dernier quart du viiie s. av. J.-C., fondèrent Sybaris et Crotone. Tarente aussi, peuplée des Parthéniens, enfants illégitimes qu’avaient conçus durant la guerre de Messénie les femmes Spartiates infidèles. Peu à peu, toutes les régions du monde grec (ainsi par exemple Phocée, Rhodes ou la Crète) eurent essaimé là-bas, et les colonies à leur tour fondaient des villes filles : Parthénope (auj. Naples) naissait de Cumes, Métaponte de Sybaris, Calaurie de Crotone.

Le monde occidental est très vite le monde de la violence. Les Grecs, qui veulent assurer leur domination, affrontent en des luttes difficiles les Barbares indigènes ou les Carthaginois. Tentant de s’installer à l’ouest de l’île, ils ont à faire face à la résistance des Carthaginois, qui, solidement implantés, empêchent Sélinonte et Himère de se développer à la mesure de leurs ambitions, quoique leur influence sur le milieu indigène soit certaine. En Italie, les Grecs se heurtent aux Étrusques, alliés aux peuples italiques ; vainqueurs à la bataille d’Alalia (en 548 av. J.-C.), ils n’en sont pas moins obligés d’évacuer la Corse, où de nombreux réfugiés d’Asie Mineure sont venus s’installer après la destruction de Phocée en 546. Dans la péninsule, ils réussissent à assurer leur sécurité grâce, en particulier, à l’énergie d’Aristodème de Cumes (qui, en 524 av. J.-C., remporte une victoire importante sur une coalition italo-étrusque), à des luttes où, peu à peu, s’épuise le Royaume étrusque : ainsi, en 474, une flotte étrusque est écrasée dans les eaux de Cumes par les vaisseaux de la cité aidés par ceux de Hiéron de Syracuse ; Pindare célébrera cette victoire de l’hellénisme.