Grèce d’Asie (suite)
Grecs et Lydiens
Après la fin des royaumes hittites (vers le xiie s.), les Phrygiens furent les maîtres des plateaux anatoliens ; ils auraient été les alliés des Troyens (Hécube, femme de Priam, était une Phrygienne), mais leurs royaumes ne jouirent jamais d’un grand prestige politique ou culturel (le roi Midas de la légende est un fort triste sire, sa bêtise lui valut ses oreilles d’âne) puisqu’ils empruntèrent plus aux Grecs (ne serait-ce que l’alphabet) qu’ils ne leur donnèrent à apprendre.
Ce furent les rois lydiens qui recueillirent et firent fructifier leur héritage. Leur prospérité (ils n’étaient jusqu’alors que des Méoniens, vassaux des Phrygiens) date de l’avènement de Gygês (v. 687 av. J.-C.), qui fonda la dynastie des Mermades. Lui et ses successeurs réussirent à dominer toute l’Asie antérieure, après avoir mis au pas une aristocratie de barons qui n’aimaient pas qu’ils se voulussent souverains absolus.
La richesse du royaume était immense : en témoignent ses émissions monétaires (les Lydiens furent sans doute les premiers à frapper un métal, en l’occurrence l’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent que l’on trouvait dans le fleuve Pactole, pour qu’il servît de monnaie d’échange), les largesses que multipliait leur souverain (notamment Crésus). Les Grecs, éblouis, ne tardèrent pas à se laisser séduire et à entretenir avec eux des rapports féconds ; ils aimaient à servir (quoique citoyens) ces maîtres raffinés et ne savaient pas toujours devant eux garder leur dignité : les filles grecques peuplaient les palais royaux. À Sardes, il finit par se constituer une véritable colonie grecque, d’où est issu, au viie s., le poète Alcman (sa carrière se déroula pourtant à Sparte). Les rois lydiens encourageaient ces contacts, peut-être par souci politique, consultaient eux-mêmes l’oracle de Delphes, employaient Thalès de Milet comme ingénieur, reçurent les sages grecs, pensionnèrent le fabuliste Ésope.
L’Asie Mineure ainsi se préparait à devenir une terre de civilisation hellénique, et les Grecs d’Asie s’ouvraient à l’Orient, dépassaient un peu le cadre si étroit de la cité pour nourrir et enrichir leur culture.
J.-M. B.
➙ Achéménides / Anatolie / Grèce / Ionie / Médiques (guerres).
T. J. Dunbabin, The Greeks and their Eastern Neighbours (Londres, 1957). / M. B. Sakellariou, la Migration grecque en Ionie (en grec, Athènes, 1958). / C. Roebuck, Ionian Trade and Colonization (New York, 1959). / J.-P. Vernant, les Origines de la pensée grecque (P. U. F., 1962 ; nouv. éd., 1969). / J. M. Cook, The Greeks in Ionia and The East (Londres, 1963). / J. Boardman, The Greeks Overseas (Londres, 1964). / H. Metzger, Anatolie II (Nagel, 1968). / C. Mossé, la Tyrannie dans la Grèce antique (P. U. F., 1969).