Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce d’Asie (suite)

Le joug perse

Les îles parurent un instant pouvoir échapper à la soumission aux Perses. En effet, Polycrate, tyran de type traditionnel, avait fait de Samos le centre d’un large empire maritime qui gardait les accès maritimes de l’Empire perse par des actions que les victimes qualifiaient du terme de piraterie ; le nouveau roi, Cambyse, sut le vaincre après avoir écrasé son allié Ahmosis d’Égypte. En 522 av. J.-C., Polycrate était dépecé, puis mis en croix par le satrape de Sardes. L’île, où l’on ne put instaurer une véritable démocratie, ne fut plus jamais la puissance et le centre de culture qu’en avait fait Polycrate. Son frère. Sylosôn, fut installé de force par les Perses : c’en était fini désormais de l’indépendance ionienne.

Les cités grecques ne semblaient plus capables de réagir ; prospères, elles paraissaient endormies dans leur nouveau statut. Pourtant, au début du ve s. av. J.-C., un certain mécontentement commençait de se manifester. Le commerce, où la concurrence des Phéniciens, favorisés par le pouvoir central, était très dure, périclitait ; la conquête de l’Égypte par Cambyse avait nui à la richesse de Naukratis, la ville grecque du Delta ; la destruction de Sybaris en 510, en Occident, avait provoqué à Milet, son principal fournisseur, un certain marasme. En 499 av. J.-C., l’Ionie se révolta sous la conduite du tyran de Milet Aristagoras ; en 498 av. J.-C., profitant de l’appui des hoplites athéniens, les Ioniens prirent Sardes. Devant ce succès, la révolte s’étendit ; Chypre ne fut vaincue par les Perses qu’après une année de combats, et les habitants de Carie ne déposèrent les armes qu’en 494 av. J.-C. L’Ionie restait le seul foyer de la lutte, mais si peu combative qu’en été 494, alors que devait se livrer sur mer, à Ladê, la bataille décisive, les marins trouvèrent que Dionysos de Phocée multipliait par trop les manœuvres et préférèrent se reposer que de se soumettre à un entraînement qu’ils jugeaient trop pénible. Au cours du combat même, les Samiens désertèrent. Il ne restait plus aux Perses qu’à prendre Milet : en ce même été, la ville fut attaquée et rasée, les hommes furent massacrés, les femmes et les enfants, réduits en esclavage, furent déportés.


Retour dans le giron grec

L’Ionie retombait sous le joug, ainsi que toutes les cités d’Asie et les îles. Mais les défaites que Darios* et Xerxès* allaient essuyer en essayant (durant les guerres médiques*, de 490 à 479 av. J.-C.) de se venger de l’appui porté par Athènes aux révoltés provoquèrent la libération des cités grecques. En 468, la victoire remportée par Cimon* sur l’Eurymédon chassa les Perses de l’Égée. La Grèce d’Asie entrait désormais dans l’Empire athénien, qui parut vite pesant aux anciens sujets du roi de Perse. La victoire de Sparte durant la guerre du Péloponnèse favorisa bientôt le retour des Perses, qui voyaient avec joie les Hellènes s’épuiser en des luttes fratricides, d’autant que les Lacédémoniens avaient montré déjà maintes fois qu’ils ne s’intéressaient pas à autre chose qu’à leur sécurité immédiate et à maintenir l’équilibre en Grèce propre. En 386 av. J.-C., par la « paix du Roi », Artaxerxès put imposer de nouveau son autorité en Grèce d’Asie avec la bénédiction de Sparte, dont il garantissait l’autorité en Grèce propre.

Certains politiques, indignés de cette « trahison envers l’hellénisme », comme Isocrate à Athènes, n’eurent de cesse qu’ils ne fissent se lever en Grèce les flambeaux de la vengeance : la croisade de libération dont ils voulaient se fit au prix de la soumission de la Vieille Grèce à la Macédoine, quand Philippe, puis Alexandre* prirent en compte leurs querelles.

Les Grecs d’Asie changèrent de maître ; leur libération fut leur entrée dans l’empire d’Alexandre, puis dans les royaumes hellénistiques. Prospères souvent, les anciennes cités de la côte égéenne de l’Anatolie n’étaient plus les seules à proclamer l’hellénisme en Asie, mais, riches de fortune et d’un passé embelli par la légende et la poésie, elles en étaient sans doute encore les plus beaux fleurons. La conquête de Rome, qui fit d’Éphèse une capitale politique, ne changea guère leur situation ; la Grèce d’Asie (devenue la province d’Asie) continuait de faire rêver, de séduire et d’attirer les hommes d’affaires, les amateurs d’art et de lettres, quand la Vieille Grèce semblait bien amoindrie, qu’Antioche ou Alexandrie paraissaient encore bien lointaines.

Au-delà de la Grèce d’Asie : les colonies grecques de la mer Noire

Le passage vers la mer Hospitalière (Pont-Euxin), ainsi nommée de ce que les Grecs auraient bien voulu qu’elle fût moins terrible, était difficile. Dès le viiie s. av. J.-C., pourtant, les Hellènes s’y hasardaient pour des voyages occasionnels ; ce n’est qu’après 700 av. J.-C. qu’ils y fondèrent des établissements permanents, des cités.

Les Milésiens, d’abord, colonisèrent la côte sud, soucieux, peut-être, de loger une population trop abondante pour la médiocrité de leur territoire. Avec l’appui du roi lydien Gygês, ils fondèrent Sinope et Trapézonte, Parion, Cyzique, Abydos ; puis Amyzon et Phasis, qui drainait les richesses des monts Caucase ; ensuite Aploonie, Odessa, Tomes, aux bouches du Danube, Olbia, Panticapée, qui gardait les bouches de la mer Noire. Les Ioniens (les gens de Chios notamment) participèrent à ces expéditions, mais ce n’est qu’avec répugnance que les Grecs d’Europe suivirent ces traces. Mégare fonda au ve s. Chersonèsos en Crimée, Athènes se contenta de contrôler l’Hellespont.

Que cherchait-on en ces terres peu engageantes ? Du blé, qui pût nourrir la Grèce égéenne, du bois pour la construction navale, du poisson, que l’on vendait séché ou mariné, du métal (fer ou or), fourni par les villes du Sud.

Si les rapports des Grecs avec les indigènes sont mal connus, ce n’est sans doute pas qu’ils aient été faciles. Mais l’hellénisme fut assez fort pour parler aux civilisations scythes et planter la vigne sur les côtes de Crimée.