Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grande-Bretagne (suite)

La Chambre des communes n’exerçant pratiquement plus de contrôle politique sur le Cabinet, le droit de dissolution — pratiquement passé des mains du souverain à celles du Premier ministre — ne constitue plus un moyen de pression du ministère pour s’assurer une certaine stabilité ; il reste néanmoins très utilisé, car il permet au chef du parti majoritaire de fixer la date des élections au moment qui lui convient le mieux. En fait, tout se passe comme si le peuple exerçait lui-même (au minimum tous les cinq ans) le véritable contrôle politique du pouvoir ; on comprend que, dans l’esprit de nombreux publicistes britanniques, l’état actuel des institutions publiques de la Grande-Bretagne évoque davantage un régime présidentiel que le régime parlementaire traditionnel.

Il n’est pas douteux que le peuple britannique délègue périodiquement l’exercice de sa souveraineté au leader d’un des deux grands partis, mais certains observateurs estiment que la démocratisation politique du pays n’a pas empêché le maintien au pouvoir des élites traditionnelles : près des trois quarts des parlementaires et des hauts fonctionnaires sont issus de la bourgeoisie. La notion d’establishment, lancée en 1955 par le journal Spectator, est aujourd’hui fréquemment employée, notamment dans les milieux intellectuels gauchisants, pour dénoncer cet état de fait. Une première tentative a été faite par les derniers gouvernements travaillistes pour recruter une fraction de l’administrative class (v. fonction publique) dans les milieux populaires.


Les institutions judiciaires

Le droit britannique est avant tout un droit coutumier, fondé essentiellement sur les arrêts rendus par les juges (common law). Les juges de paix sont des notabilités locales ; pour le reste, la justice est centralisée à Londres, d’où une centaine de juges professionnels parcourent le pays. La Chambre des lords constitue l’échelon d’appel le plus élevé. En matière pénale, la liberté individuelle est garantie par la procédure l’habeas* corpus ; la détention préventive est l’exception, la liberté sous caution, la règle.

R. M.

 A. Mathiot, le Régime politique britannique (A. Colin, 1955). / P. Pactet, les Institutions politiques de la Grande-Bretagne (la Documentation française, 1960, 2e éd., 1969). / Y. Herisset, la Monarchie britannique au xxe siècle (A. Colin, 1962). / R. T. McKenzie, British Political Parties (Londres, 1962). / W. Bagehot, The English Constitution (Londres, 1963). / J. Blondel, la Société politique britannique (A. Colin, 1964). / R. E. C. Jewell, Central and Local Government (Londres, 1966). / H. Kerst, British Political Institutions (Soc. d’éd. d’enseignement sup., 1966). / H. Berkeley, The Power of the Prime Minister (Londres, 1968). / M. Chariot, la Vie politique dans l’Angleterre d’aujourd’hui (A. Colin, coll. « U 2 », 1968). / C. Guillot, les Institutions britanniques (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970). / D. Loschak, la Fonction publique en Grande-Bretagne (P. U. F., 1972). / F. Marx, l’Administration locale en Grande-Bretagne (P. U. F., 1972).


La politique de défense de la Grande-Bretagne

État insulaire, dont le territoire n’a jamais subi d’invasion depuis le xie s., la Grande-Bretagne a longtemps fondé sa puissance sur son commerce extérieur et la possession d’un vaste empire outre-mer. Mais, rivée au continent par la géographie et l’histoire, elle ne pouvait se désintéresser de ce qui se passait en Europe. Aussi, sa politique de défense, oscillant sans cesse entre le « grand large » et l’Europe, a-t-elle eu pour objectif prioritaire de conserver la maîtrise des routes maritimes indispensables à son commerce et d’assurer la sécurité de ses possessions d’outre-mer. Simultanément, elle s’efforçait, par une politique d’équilibre, d’empêcher l’ascension en Europe d’une puissance rivale susceptible de menacer son territoire et surtout de la concurrencer sur les mers et outre-mer.

Cette stratégie l’a conduite à constituer une force navale, qui fut du xviiie au xxe s. la première du monde, et à mettre la main sur des bases échelonnées le long des routes maritimes, notamment de la « route des Indes ». Ses anciennes colonies d’Amérique du Nord lui ayant arraché leur indépendance (1783), la Grande-Bretagne a néanmoins conservé avec elles des affinités qui justifient la persistance de liens spéciaux avec les États-Unis.


Les deux conflits mondiaux (1914-1945)

C’est sa politique d’équilibre qui pousse la Grande-Bretagne, en 1914, à s’engager aux côtés de la France contre une Allemagne qui vient d’envahir la Belgique. Les forces britanniques, considérablement renforcées grâce à la conscription et à la contribution de l’Empire, combattent sur tous les fronts et prennent une part importante à la victoire de 1918. Aux ordres des maréchaux French (1852-1925), puis Haig*, elles s’illustrent en France, dans les Flandres et en Artois. Sur mer, la Royal Navy neutralise la flotte de surface allemande par la victoire de Jellicoe* au Jutland (1916) et, menant une lutte anti-sous-marine acharnée, permet le ravitaillement de l’Europe et surtout le transport de l’armée américaine (v. Guerre mondiale [Première]).

Victorieuse en 1918, la Grande-Bretagne n’en est pas moins affaiblie : elle a perdu 780 000 hommes, et ses dominions, qui ont puissamment contribué à l’effort de guerre, aspirent à devenir maîtres de leur destin et revendiquent leur autonomie dans le cadre d’un Commonwealth constitué à partir de 1917. Ayant ainsi sauvegardé l’unité de l’Empire, la Grande-Bretagne ne peut préserver sa primauté maritime : le traité de Washington (1922) place sur un pied d’égalité la Royal Navy et la marine américaine. En Europe, fidèle à sa politique d’équilibre, la Grande-Bretagne favorise l’Allemagne face à une France qu’elle estime trop puissante ; elle permet le réarmement allemand, concédant même à Hitler, le 18 juin 1935, le droit de reconstituer une marine et de construire des sous-marins. S’obstinant dans une politique d’apaisement qui conduit Chamberlain* à Munich (1938), elle se retrouve diplomatiquement et militairement mal préparée au conflit qui va s’ouvrir.