Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grande-Bretagne (suite)

En 1939, la Grande-Bretagne entre en guerre avec une armée de 320 000 engagés, une flotte de 1851 000 tonnes et une aviation de 2 600 appareils de combat. Dès le 3 septembre, le Parlement autorise l’appel des hommes de 18 à 41 ans. Dix divisions prennent part à la campagne de France* avant d’être rapatriées sur la métropole après la bataille de Dunkerque (juin 1940). Surprise par l’effondrement de la France, la Grande-Bretagne, sous l’impulsion de Churchill*, mobilise toutes ses ressources (constitution de la Home Guard) et, seule pendant près de deux ans, tient tête courageusement à la poussée allemande. Après l’entrée en guerre de l’U. R. S. S. et des États-Unis, elle prend part à la lutte sur tous les théâtres et, grâce à la personnalité de Churchill et à celle de ses grands chefs militaires, exerce une influence importante sur la stratégie alliée. L’effort de guerre britannique sera considérable et permettra même l’équipement de nombreuses unités alliées. De leur côté, les savants et techniciens anglais perfectionnent le radar et l’asdic, et surtout participent, en Amérique, avec leurs collègues américains et français, à la mise au point de la bombe atomique (v. Guerre mondiale [Seconde]).


Les conséquences de la Seconde Guerre mondiale

L’Angleterre sort du conflit avec le prestige d’une nation victorieuse, mais son économie a été très durement éprouvée par les destructions et les dépenses de la guerre. Avec Staline et Roosevelt, Churchill participe, à Téhéran (1943) et à Yalta (1945), à la définition d’un nouvel équilibre mondial. Préoccupé de l’avenir de l’Empire et inquiet du destin d’une Europe ruinée et coupée en deux par le « rideau de fer » du front soviétique, il s’efforce d’obtenir des deux Grands le rétablissement de la France à son rang et dénoncera au président Truman le danger de la domination de l’U. R. S. S. sur l’Europe orientale. La zone qu’elle occupe en Allemagne impose désormais à la Grande-Bretagne des responsabilités permanentes sur le continent. Membre fondateur de l’Organisation des Nations unies, elle occupe un siège permanent au Conseil de sécurité, confirmant ainsi son appartenance au club des « Cinq Grands ». Mais, en 1945, l’euphorie de la victoire est de courte durée, et la menace soviétique ne tarde pas à se manifester en Europe, au Moyen- et en Extrême-Orient. Pour maintenir l’équilibre et préserver son empire, la Grande-Bretagne est conduite à s’associer à de nombreuses organisations de sécurité collective. En Grèce, où elle a débarqué en 1944, elle apporte son aide au gouvernement contre les guérillas communistes, mais elle renonce à ce fardeau en mars 1947 en se faisant relayer par les États-Unis. Pour s’opposer à l’éventuelle renaissance d’un danger allemand, elle conclut avec la France en 1947 le traité de Dunkerque. C’est sur son initiative qu’est signé, en 1948, le traité de Bruxelles, qui, en 1954, donnera naissance à l’Union de l’Europe* occidentale (U. E. O.).

Elle prend une part prépondérante à l’organisation militaire de ce traité, à la tête de laquelle elle place le maréchal Montgomery*. Elle signe aussi, le 4 avril 1949, le pacte de l’Atlantique* Nord. Un Britannique, lord Ismay, sera secrétaire général de l’O. T. A. N. de 1952 à 1957, et des généraux anglais y recevront des commandements importants, notamment en Allemagne du Nord. Toutefois, le territoire du Royaume-Uni n’est inclus dans aucun des secteurs de défense de l’O. T. A. N., sauf en matière de défense aérienne. Au Moyen-Orient, où les intérêts pétroliers de la Grande-Bretagne sont considérables, c’est encore une initiative britannique qui est à l’origine du pacte de Bagdad (1955), qui deviendra le Central Treaty Organization (CENTO) après le retrait de l’Iraq en 1959. En Extrême-Orient, depuis 1954 la Grande-Bretagne est membre de l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (O. T. A. S. E.), en même temps que deux de ses dominions, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. L’Empire n’est pas épargné par le courant d’émancipation qui, après 1945, atteint toutes les possessions coloniales, notamment en Extrême-Orient, où les succès japonais ont ruiné le prestige britannique. Le gouvernement du Royaume-Uni comprend que, pour sauvegarder les intérêts britanniques, il est préférable de prendre l’initiative de la décolonisation, et, dès 1947, le sous-continent indien donne naissance, non sans difficultés, à deux États souverains membres du Commonwealth : l’Inde et le Pākistān. La Grande-Bretagne, toutefois, s’efforce de conserver l’usage de ses bases traditionnelles sur la route des Indes (Aden, Masirah, Bahreïn, Gan, Singapour, Hongkong...) et maintient une présence militaire importante « à l’est de Suez ». Les forces britanniques doivent cependant évacuer l’Égypte en 1955, abandonnant ainsi le contrôle du canal de Suez.

Ses responsabilités en Europe et la volonté de protéger ses intérêts dans un empire en pleine mutation contraignent la Grande-Bretagne à conserver un appareil militaire important et coûteux. La conscription est maintenue par le National Service Bill (1947), et la Home Guard rétablie (1952), tandis qu’un effort sérieux est consenti pour la modernisation de l’armement. En outre, pour assurer son indépendance, la Grande-Bretagne décide de se doter d’une force de frappe nucléaire. Sa première bombe A est expérimentée à Woomera (Australie) en 1952, et sa première bombe H en 1957. Une force nucléaire aérienne est mise sur pied à partir de 1957, équipée de bombardiers « Valiant », « Victor » et « Vulcan », en attendant la construction de sous-marins nucléaires. Mais les techniciens britanniques éprouvent des difficultés pour la mise au point du missile IRBM Blue Streak. Cependant, la Grande-Bretagne, hésitant toujours entre l’Europe et le « grand large », se tient à l’écart des négociations sur la Communauté européenne de défense (1952). Elle fonde essentiellement sa politique de défense sur l’Alliance atlantique et sur la solidarité anglo-saxonne qui l’unit aux États-Unis, dont elle soutient les positions dans toutes les instances internationales. Mais la protection américaine ne tarde pas à compromettre l’indépendance de la politique du Cabinet de Londres. En 1956, les États-Unis s’opposent à ce que l’opération franco-britannique destinée à reprendre le contrôle du canal de Suez soit menée à son terme. En décembre 1962, à la conférence de Nassau, le président Kennedy informe H. Macmillan, Premier ministre britannique, que la Grande-Bretagne ne doit plus compter sur la fusée américaine « Skybolt » pour équiper sa force de frappe. En échange, les États-Unis lui fourniront des missiles « Polaris » pour ses quatre sous-marins nucléaires en construction et des engins « Blue Steel » pour ses bombardiers « V ». Sous-marins et bombardiers seront placés à la disposition de l’O. T. A. N., la Grande-Bretagne se réservant cependant le droit d’utiliser ses moyens nucléaires si elle estime que « les intérêts suprêmes de la nation sont en jeu ».

En tout état de cause, la Grande-Bretagne accepte de participer à l’expérience de mise sur pied d’une force navale atlantique multinationale.