Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

George (Stefan) (suite)

C’est vers le même moment que George, à Munich, vécut au milieu d’un groupe de penseurs quelquefois appelés « cosmiques ». Tous plus ou moins nietzschéens, d’orientations différentes pourtant, ils communiaient dans le culte de l’irrationnel et des révélations secrètes, associé à un grand mépris du monde contemporain ; ainsi Ludwig Klages (1872-1956), le « mage » Alfred Schuler (1865-1923) et le poète messianique Karl Wolfskehl (1869-1948).

C’est aussi à Munich que George rencontra « Maximin », le jeune homme qui devint à ses yeux un symbole de la beauté et de la jeunesse ; il fit de lui l’objet d’une vénération dont on entend l’écho dans ses poèmes. Dans sa dévotion à l’éphèbe surhumain, le poète se soucie moins du pouvoir immédiat qu’il peut exercer et se fait plus volontiers prophète : ainsi dans le recueil « septiforme » de 1907, le Septième Anneau (Der siebente Ring) et plus encore dans l’Étoile de l’alliance (Der Stern des Bundes), qui est de 1914.

George se sépare d’une société adonnée au profit, déplore que le peuple n’ait plus accès aux trésors de la langue nationale et maudit une époque de confusion et de doute. Mais il rêve aussi d’une autre humanité, d’une autre société qui aurait retrouvé le sens du divin, d’une communauté régénérée.

La Première Guerre mondiale lui apparut comme une confirmation de ses craintes et de ses refus. Après 1918, plus encore qu’avant 1914, il réunit autour de lui, leur chef reconnu, les disciples qui formaient le cercle des adeptes et des jeunes gens qui devaient y être progressivement initiés. Il a exercé une influence certaine sur la jeunesse d’après 1918, sur ceux qui réfléchissaient aux causes de leur défaite et regardaient vers l’avenir. Lui avait dénoncé les tares d’une société sans dieux ni héros. À la défaite devait succéder un réveil et une renaissance, car « un peuple meurt quand ses dieux sont morts ».

Mais le poète est là pour faire que la grandeur redevienne possible, pour que les hommes de langue allemande continuent d’habiter et surtout de croire en « un pays qui demeure le pays des promesses, un pays qui ne sombrera pas ».

Ainsi parlait Stefan George dans son dernier recueil de vers : Das neue Reich (le Nouvel Empire), qui est de 1928.

Quand Hitler prit le pouvoir, en janvier 1933, pour, lui aussi, réveiller l’Allemagne, on aurait pu croire que le rêve du poète se réalisait. Mais il y avait loin du poète altier et aristocratique au tacticien démagogue. George sentit que le faux prophète usurpait ses mots ; il quitta l’Allemagne et partit pour la Suisse.

C’est aussi du cercle de Stefan George que sortait l’officier qui posa une bombe sous le bureau du Führer, le 20 juillet 1944, le colonel comte Claus Schenk von Stauffenberg.

P. G.

 K. Hildebrandt, Das Werk Stefan Georges (Hambourg, 1960). / M. Gerhard, Stefan George, Dichtung und Kündung (Berne, 1962).

Georges de Poděbrady

En tchèque Jiři z Poděbrad (Poděbrady 1420 - Prague 1471), roi de Bohême de 1458 à 1471.


Il est le fils de Viktorin de Kunštát, d’une famille noble de Moravie, installée à Poděbrady, en Bohême de l’Est. Son parrain aurait été le célèbre Jan Žižka, un des chefs du mouvement hussite. Son père, d’abord radical, rejoint le camp des utraquistes modérés.

La Bohême vit alors une période d’interrègne. À la mort de Sigismond, en 1437, son gendre le duc d’Autriche, Albert, est élu roi de Bohême, mais il ne peut imposer son autorité à la noblesse utraquiste, qui lui oppose le prince polonais Casimir. Il meurt en 1439, peu de temps avant la naissance de son fils Ladislav le Posthume. Nul candidat ne réclame en 1440 le trône de Bohême, et les deux camps, catholiques et utraquistes, s’accordent pour laisser le trône vacant.

Le titre de roi de Bohême est alors peu recherché, car l’autorité royale a été anéantie par les guerres hussites. Le domaine royal, base de tout pouvoir, a été illégalement occupé par la noblesse et par les villes. Le pays reste déchiré par des querelles religieuses. Les utraquistes modérés, que représente l’archevêque de Prague Jan Rokycana, ont conclu avec le pape les accords des Compactata (1433-1436), qui leur laissent le privilège de la communion sous les deux espèces, mais les désaccords subsistent avec la minorité catholique. Le pouvoir réel appartient à deux ligues de seigneurs. Le camp catholique, ou autrichien, que dirige Oldrich de Rožmberk, recrute dans la noblesse de Bohême du Sud et de l’Ouest ; le camp utraquiste, ou polonais, sous les ordres de Ptáček de Pirkštejn, domine la Bohême centrale et orientale.

Orphelin à quatorze ans, Georges devient dès l’âge de vingt ans un des chefs politiques du camp utraquiste. À la mort de Ptáček, en 1444, il est élu à vingt-quatre ans à la tête de la confédération (landfrid) chargée de maintenir la paix en Bohême de l’Est. Il s’empare par la force de Prague en 1448. Il cherche à restaurer en Bohême l’autorité d’un pouvoir central ; aussi réclame-t-il la venue du jeune Ladislav le Posthume, roi de Hongrie, à son tuteur, l’empereur Frédéric III. En 1452, l’empereur confie à Georges l’administration temporaire du royaume, tandis que, la même année, la diète de Prague le nomme lieutenant général de Bohême. Dès 1453, le jeune Ladislav, installé à Prague, règne sous son propre nom. Il a des relations confiantes avec Georges, mais il affirme de plus en plus ses sentiments catholiques et son hostilité aux utraquistes. Il meurt brusquement en 1457. C’est à tort que Georges sera accusé par ses ennemis de l’avoir empoisonné, car des témoignages récemment découverts permettent de prouver qu’il est mort de la peste.

Alors, en 1458, Georges est élu roi par la diète, même par les catholiques. Représentant de la noblesse, il n’a rien d’un « roi démocratique », mais il est populaire, car il est un souverain tchèque. Il a le sens du bien public et de la paix, il veut rétablir un pouvoir royal fort, mais son autorité reste contestée en Silésie, où il ne peut briser l’opposition du patriciat de Breslau. Il croit en l’habileté plus qu’en la force, désarmant l’hostilité de ses voisins par sa diplomatie et par une habile politique de mariages. Il a fait nommer en 1458 le jeune Mathias* Hunyadi roi de Hongrie et lui donne sa fille en mariage ; ses relations avec l’empereur et avec le duc de Saxe sont bonnes.

En 1462, Georges tente de faire admettre un plan d’organisation pacifique de la chrétienté qu’a inspiré son conseiller, l’ingénieur Antonio Marini, de Grenoble, qui fut au service de Venise et de l’empereur. Il propose même la présidence de la nouvelle organisation de paix au roi de France, Louis XI, qui refuse.