Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Alsace (suite)

 E. Juillard, la Vie rurale dans la plaine de Basse-Alsace (Éd. Le Roux, Strasbourg, 1953) ; l’Alsace, le sol, les hommes et la vie régionale (Éd. Dernières Nouvelles, Strasbourg, 1963). / M. Rochefort, l’Organisation urbaine de l’Alsace (Les Belles Lettres, 1960). / A. Blanc, E. Juillard, J. Ray et M. Rochefort, les Régions de l’Est (P. U. F., 1960 ; 2e éd., avec la collab. de R. Haby, 1970). / Les Zones d’attraction commerciale de la région d’Alsace (Gauthier-Villars, 1973).


Histoire


Les origines

La plaine d’Alsace, où l’Ill et le Rhin coulaient à l’aventure, fut longtemps inhospitalière. Des Celtes, partis de la région danubienne, y établissent une civilisation durable, constamment menacée par les invasions venues de l’est. Les principales tribus gauloises installées en Alsace sont : au nord, les Médiomatriques et les Triboques, autour de Brocomagus (Brumath) et d’Argentoratum (Strateburgum, Strasbourg) ; au sud, les Séquanais et les Rauraques.

Une invasion suève est à l’origine de l’intervention romaine. La victoire de César sur Arioviste (58 av. J.-C.) fait passer l’Alsace sous la domination de Rome, domination qui va durer jusqu’au ive s. de notre ère.

La civilisation gallo-romaine, brillante, participe de l’activité du pays rhénan. À la fois camps militaires et centres commerciaux, les villes prospèrent, telles Saverne (Tres Tabernae), Brisach (Mons Brisiacus) et surtout Strasbourg (Argentoratum), qui éclipse Brumath.

À partir de 352 apr. J.-C., les grandes invasions (Vandales, Alains, Alamans) submergent l’Alsace ; la victoire de Julien sur les Alamans devant Strasbourg (357) n’arrête pas leurs effets. Les Alamans, quoique battus à Tolbiac (près de Cologne) par les Francs (fin du ve s.), constitueront avec ces derniers le fond de la population germanique de cette plaine.


Le Moyen Âge

Portion du royaume mérovingien d’Austrasie, l’Alsace est christianisée par des missionnaires comme saint Amand — premier évêque de Strasbourg —, saint Arbogaste, saint Pirmin. Les moines défrichent les terres, répandent la culture de la vigne et des céréales, tandis que les édifices religieux s’élèvent un peu partout. Peu à peu, les Alsatii (Alsaciens) se distinguent des Alamani (Allemands), et la personnalité de l’Alsace se dégage.

En 842, le serment de Strasbourg — alliance de Charles le Chauve et de Louis le Germanique — atteste l’importance du carrefour alsacien. En 843, lors du traité de Verdun, l’Alsace fait partie du lot de Lothaire ; en 870, le traité de Meerssen donne l’Alsace au roi de Germanie.

Ce n’est que sous les Hohenstaufen (xiie-xiiie s.) que l’Alsace sort de l’obscurité pour connaître ce qu’on a appelé « l’âge d’or des villes ». L’artisanat et le négoce font la richesse des cités alsaciennes, qui reçoivent des privilèges des empereurs. Haguenau, Wissembourg, Colmar, Mulhouse, Sélestat, devenues villes impériales, s’agrandissent et prospèrent. Dix d’entre ces villes forment, en 1354, une ligue, la Décapole, qui durera trois siècles. Quant à Strasbourg, elle obtient le titre envié de « ville libre » ; la batellerie strasbourgeoise joue déjà un rôle essentiel dans la navigation rhénane.

Peu à peu, et surtout à partir du xive, le patriciat local est réduit à un rôle honorifique au profit des marchands et des artisans, qui jouent un rôle déterminant dans la vie politique des cités : celles-ci sont, en fait, indépendantes du pouvoir impérial. En 1439, Strasbourg échappe totalement à la tutelle de son évêque.

Le défaut d’unité du pays favorise les guerres féodales, mais les cataclysmes des xive et xve (guerre de Cent Ans, peste, etc.) ne bouleversent pas fondamentalement l’activité de l’Alsace. À noter que les juifs — qui, jusqu’à la Révolution, seront exclus des villes — sont les principales victimes de ces années troublées : ils sont liés nombreux en Alsace.

Le morcellement territorial de l’Alsace, le climat d’instabilité religieuse et sociale qui y règne, sa position comme voie internationale favorisent une effervescence intellectuelle et spirituelle qui fait d’elle un des principaux foyers d’humanisme.

C’est à Strasbourg, où il s’installe en 1434, que Gutenberg met au point l’imprimerie, formidable invention qui, tout de suite, est mise au service des idées nouvelles de l’humanisme et de la réforme religieuse.


De Gutenberg à la guerre de Trente Ans (1434-1618)

Dès 1519, plusieurs œuvres de Luther sont imprimées à Strasbourg. D’innombrables petites plaquettes sortent des presses strasbourgeoises : un intense colportage les diffuse tout le long de la vallée rhénane et sur la route de Paris, où se multiplient les communautés luthériennes. Bucer prêche la Réforme à Strasbourg et rédige, en son nom et en celui de trois autres villes de l’Allemagne du Sud, la Confessio tetrapolitana de 1530. En 1538, Calvin est nommé pasteur de l’Église française de Strasbourg.

Cependant, l’implantation de la Réforme provoque des troubles dans les campagnes alsaciennes, travaillées par l’espoir d’un renouveau social. L’Alsace est bouleversée aussi par la guerre des paysans, qui se termine par un massacre. La paix d’Augsbourg (1555) fixe la carte religieuse de l’Alsace, partagée entre catholiques et protestants.

Dans le même temps, Strasbourg devient l’un des foyers de l’humanisme. Érasme y est l’hôte de la société littéraire de Sebastian Brant ; Martin Bucer, Caspar Hedio, Johannes Sturm — professeur au gymnase fondé en 1538 — y séjournent longuement.

Les abus de la Contre-Réforme strasbourgeoise, auxquels répond l’intolérance de certains luthériens comme Marbach, affaiblissent le potentiel intellectuel et spirituel de l’Alsace, qui peu à peu passe sous l’influence française.


De la guerre de Trente Ans à la Révolution française (1618-1789)

La guerre de Trente Ans (1618-1648) est un cataclysme sans précédent pour l’Alsace, champ de bataille tout désigné. La population semble avoir alors diminué de moitié.

Dès 1646, Mazarin rend publiques les revendications françaises sur l’Alsace. Les traités de Westphalie (1648) — en des clauses d’ailleurs peu claires — transfèrent au roi de France les droits des Habsbourg en Alsace ; en fait, celle-ci reste terre impériale.