Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alsace (suite)

À partir de 1657, la France entreprend l’investissement politique de la contrée. Louis XIV crée un Conseil souverain itinérant ; en 1670, les Français occupent la Lorraine. En 1673, le roi de France préside lui-même au démantèlement de Colmar ; profitant de la guerre de Hollande, il accentue sa domination, jusque-là toute nominale, sur la Décapole. Turenne refoule les Impériaux à Turckheim (1675) au cours d’une campagne victorieuse qui assure à la France la possession définitive de l’Alsace, possession qui est confirmée par le traité de Nimègue (1678).

Louis XIV renforce une acquisition qui n’est pas encore totale — vu le morcellement de l’Alsace — en faisant appliquer par la Cour souveraine de Brisach une politique de réunions. Celle-ci aboutit, en 1681, à l’annexion de la ville libre de Strasbourg. Vauban fortifie la ligne du Rhin.

Dès 1674, le roi de France est représenté en Alsace par un intendant, qui va s’installer à Strasbourg, tandis qu’un Conseil souverain, établi à Colmar, organise ce qu’on appelle désormais la « province d’Alsace ». Les multiples privilèges locaux sont d’ailleurs respectés. Malgré la protection officielle accordée au catholicisme, la tolérance religieuse est largement appliquée par les évêques de Strasbourg (les cardinaux de Rohan) au xviiie s. L’université de Strasbourg reste une université luthérienne à rayonnement international. La révocation de l’édit de Nantes n’est pas appliquée à l’Alsace. Si la langue française n’est en fait adoptée que par l’aristocratie et la bourgeoisie intellectuelle, l’art français pénètre largement en Alsace.

L’Alsace française connaît la paix, et donc la prospérité. La population triple en un siècle ; de nouvelles cultures (tabac, chanvre, pommes de terre) y sont implantées ; un beau réseau routier double l’activité commerciale du Rhin. En 1746, une industrie textile, qui connaît tout de suite un bel essor, s’installe à Mulhouse. À la veille de la Révolution française, l’Alsace apparaît comme l’une des provinces les plus riches et les plus individualisées du royaume de France.


De la Révolution française à l’annexion allemande (1789-1871)

La révolution de 1789 achève l’intégration de l’Alsace à la France. L’été de 1789 est marqué, en Alsace comme ailleurs, par la Grande Peur et par les jacqueries qui lui sont liées ; un élément local : l’antisémitisme paysan. Bientôt, à la province d’Alsace se substituent les deux départements du Haut-Rhin, au sud, et du Bas-Rhin, au nord.

La fête de la Fédération, le 13 juin 1790, rassemble à Strasbourg 50 000 citoyens de l’Est. L’Alsace, qui, depuis le Moyen Âge, lutte contre tous les despotismes, s’attache aux libertés démocratiques du régime révolutionnaire, d’autant plus que l’abolition des droits féodaux (4 août 1789) provoque, de la part des princes possessionnés d’Empire en Alsace, des menées contre-révolutionnaires, favorisées par la présence en Allemagne de nombreux émigrés français.

À Strasbourg, particulièrement, le sentiment national s’exalte devant la menace d’invasion prussienne. C’est là, dans les salons du maire Dietrich, que Rouget de Lisle exécute pour la première fois le Chant de guerre de l’armée du Rhin, qui va devenir célèbre sous le nom de Marseillaise, futur hymne national. L’Alsace fournira aux armées de la Révolution et de l’Empire nombre de chefs prestigieux : Kléber, Kellermann, Lefebvre, Rapp, etc.

Cependant, l’ensemble du pays semble être resté attaché à la royauté. Les jacobins ne sont nombreux qu’à Strasbourg. Les commissaires Saint-Just et Lebas, et l’accusateur public Eulogius Schneider font régner la Terreur (1793-1794) : celle-ci est marquée, comme partout, par des excès, antireligieux notamment. En 1798, la dernière ville libre, Mulhouse, associée jusqu’alors aux cantons suisses, est réunie à la France.

Le Consulat et l’Empire sont, pour l’Alsace, une période de prospérité. Le Blocus continental favorise la culture de la betterave à sucre et l’essor de l’industrie textile, débarrassée de la concurrence anglaise. Les grands travaux sont poussés sur le Rhin ; le réseau routier est amélioré ; à la fin de l’Empire, le gros œuvre du canal du Rhône au Rhin sera terminé. Désormais, la grande bourgeoisie alsacienne est aux postes clés.

Envahie en 1814, l’Alsace résiste : Strasbourg, Kehl, Landau, Neuf-Brisach, Huningue ne se rendent qu’à la dernière extrémité. Le retour de Napoléon de l’île d’Elbe (1815) provoque un grand sursaut de patriotisme, mais l’Alsace est occupée, de 1815 à 1818, par 40 000 alliés, qui se heurtent à l’hostilité de la population. Cependant, le second traité de Paris donne à la Bavière la partie de l’Alsace située au nord de Wissembourg.

De 1815 à 1870, l’Alsace ne s’intéresse guère à la politique, ou plutôt cautionne en général la politique conservatrice des régimes qui se succèdent. Elle se tourne vers la grande industrie : en 1836, elle possède 44 filatures mécaniques ; Mulhouse compte près de 10 000 ouvriers et devient le modèle des villes industrielles françaises sur le plan social.

Le canal de la Marne au Rhin est creusé. L’Alsace doit beaucoup alors à des fabricants comme Dollfus, à des hommes d’affaires comme Kœchlin, fondateur de la Société industrielle de Mulhouse et créateur de plusieurs voies ferrées, et Humann, ministre des Finances de Louis-Philippe : c’est lui qui assure l’achèvement (1833) du canal du Rhône au Rhin.

Louis Napoléon Bonaparte, qui en 1836 se présente à Strasbourg pour rétablir l’empire, échoue. Après la flambée républicaine de 1848-1850, l’Alsace vote pour l’ordre ; le second Empire ne compte ici qu’une opposition réduite.


L’Alsace allemande (1871-1918)

La guerre franco-allemande de 1870 met brusquement fin à cette euphorie. L’Alsace se transforme en champ de bataille ; Strasbourg, dont le siège commence le 9 août, résiste, avec le général Uhrich, jusqu’au 28 septembre. Belfort tient, avec Denfert-Rochereau, du 2 novembre 1870 au 18 février 1871 : résistance qui lui vaudra de rester française.