Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

• L’Assemblée nationale dispose d’une procédure plus radicale de contrôle : la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement. En effet, pour exercer ses fonctions, le gouvernement a besoin, suivant la formule employée par G. Pompidou (alors Premier ministre), « d’un double circuit de confiance émanant des deux dépositaires de la souveraineté : le président de la République et le Parlement ». M. Couve de Murville, exerçant les mêmes fonctions, précisait de son côté : « Le rôle du gouvernement est de gouverner aussi longtemps que l’Assemblée nationale ne le censure pas et qu’il garde la confiance du président de la République. » Sollicitant l’approbation de l’Assemblée nationale en juin 1972, Jacques Chaban-Delmas affirmait que cette approbation, même massive, ne l’empêcherait pas de se retirer si le président de la République le lui demandait, ce qu’il fit d’ailleurs quelques semaines plus tard.

a) Aux termes de l’article 49 (al. 2) de la Constitution, l’Assemblée peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure ; cette motion doit être signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée. Dans tous les cas où il y a motion de censure, le vote ne peut intervenir que quarante-huit heures plus tard, et seules sont alors décomptées les voix en faveur de la motion ; cette dernière est considérée comme adoptée si ce nombre de voix est au moins égal à la majorité des membres composant l’Assemblée.

Ce système a un double objectif : réduire les crises ministérielles et obliger les députés à prendre leurs responsabilités devant l’opinion, toute absence et toute abstention équivalant à un vote en faveur du gouvernement. De 1959 à 1972, une seule motion de censure a été adoptée (oct. 1962) ; elle fut suivie de la dissolution de l’Assemblée. Le procédé, institué pour assurer une meilleure stabilité gouvernementale, est inspiré des dispositions qui étaient théoriquement en vigueur sous la IVe République ; le peu d’effet qu’elles avaient eu a parfois fait préconiser l’introduction en France de la procédure adoptée par la République fédérale d’Allemagne, où, durant une législature, le gouvernement ne peut être renversé que si le Bundestag élit à la majorité absolue de ses membres un nouveau chancelier (« censure constructive »).

b) Par ailleurs, le Premier ministre peut — après délibération du gouvernement — engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou, éventuellement sur une déclaration de politique générale (art. 49, al. 1) ; en pareil cas, il y a vote sur la « confiance » sans modalité particulière de décompte des voix et sans autre exigence que la majorité des votants ; s’il est mis en minorité, le Premier ministre doit, tout comme après l’adoption d’une motion de censure, remettre au président de la République la démission du gouvernement.

c) Enfin (art. 49, al. 3), le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte particulier. Le texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure est votée : c’est un risque de censure, mais aussi une procédure permettant de faire passer des textes dans des conditions expéditives.

Le Président peut, dans les trois cas où l’Assemblée censure le gouvernement, soit désigner un nouveau Premier ministre, soit procéder à la dissolution de l’Assemblée nationale (sauf dans les douze mois suivant des élections générales provoquées par une précédente dissolution), ou encore désigner un nouveau Premier ministre et dissoudre l’Assemblée (même réserve que ci-dessus).

La Constitution autorise (art. 49, al. 4) le Premier ministre à demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale, mais un vote positif du Sénat ne peut avoir pour effet d’annuler les effets d’une motion de censure de l’Assemblée nationale, tout comme un vote négatif ne peut entraîner l’obligation pour le gouvernement de se retirer.

Le Premier ministre, nommé par le président de la République, n’est tenu ni par les textes constitutionnels ni par la coutume de la Ve République de solliciter la confiance de l’Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale. C’est ainsi que le gouvernement de Pierre Messmer fut formé en juillet 1972, après la clôture de la session parlementaire. (En 1962, après les élections provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale, qui l’avait renversé, G. Pompidou, promu de nouveau Premier ministre, avait sollicité un tel vote de la nouvelle Assemblée [13 décembre].)

Cette stricte réglementation des rapports entre le gouvernement et le Parlement a permis un retour certain à une stabilité gouvernementale, bien que certains portefeuilles (Éducation nationale notamment) aient fait l’objet, en réalité, de mutations nombreuses comme sous les IIIe et IVe Républiques. Les critiques visant un usage estimé excessif — surtout depuis le règlement du problème algérien et l’élection du président de la République au suffrage universel — des dispositions constitutionnelles prévues pour renforcer la position du gouvernement en face du Parlement n’émanent pas toutes de l’opposition au régime ; elles sont souvent formulées par des publicistes et des hommes politiques de la majorité. Un système constitutionnel ne peut durer que s’il permet d’assurer une étroite collaboration entre un gouvernement stable et dynamique et un Parlement dont les membres ne confondent pas l’intérêt de la nation qu’ils représentent avec les intérêts de la fraction des électeurs qui les a mandatés ; cette collaboration, dans la mesure où elle est possible, paraît plus efficace qu’une alternance de périodes pendant lesquelles le gouvernement jouit de la stabilité et de l’autorité et de périodes pendant lesquelles l’anarchie des débats parlementaires interdit de donner une solution quelconque aux problèmes les plus graves et les plus urgents.