Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Les grands principes de la Ve République

• La Constitution de 1958 comporte un préambule ainsi rédigé : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. »

Le long préambule de la Constitution de 1946 énonçait des « principes politiques, économiques et sociaux » : égalité des sexes, égal accès aux fonctions publiques, jouissance des droits et libertés pour tous les hommes de l’Union française (la République ayant mission de « conduire les peuples » composant cette Union « à la liberté de s’administrer et de gérer démocratiquement leurs propres affaires »), droit d’asile, reconnaissance des règles du droit international, acceptation, sous réserve de réciprocité, des limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix, droit du travailleur à un emploi, droit de se syndiquer, droit de grève « dans le cadre des lois qui le réglementent », droit de participer à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises, nationalisation des biens ou des entreprises « dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait », devoir pour la nation d’assurer à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, ainsi que la santé, la sécurité, les repos, les loisirs, l’assistance, l’instruction, la formation professionnelle, la culture, la solidarité et l’égalité devant les charges résultant des calamités nationales.

Les juristes sont divisés quant à la valeur juridique des préambules des Constitutions de 1946 et de 1958. Les uns (Georges Ripert) leur nient toute valeur juridique ; les préambules ne peuvent « avoir valeur de loi positive, parce qu’ils donnent des règles de morale sociale qui ne sont ni déterminées, ni sanctionnées ». D’autres (Robert Pelloux, Marcel Prelot) leur attribuent une valeur législative, mais non constitutionnelle ; d’autres enfin (Jean Rivero, Georges Vedel) distinguent la nature des dispositions, les unes constituant de simples déclarations de principe, les autres — qui sont accompagnées de précisions leur permettant d’être appliquées — ayant une valeur constitutionnelle. Le Conseil d’État, après avoir déclaré le 23 avril 1947 : « Le préambule n’a pas de valeur légale positive », avait admis que le juge se doit, sans doute, d’en imposer le respect (au même titre que les principes généraux du droit) tout en conservant, dans le contrôle de son application, une plus grande liberté qu’à l’égard des textes législatifs. Cependant, le 7 janvier 1950, puis le 6 février 1953, la haute juridiction administrative reconnaît au préambule une véritable valeur constitutionnelle.

• Par ailleurs, les articles 2, 3 et 4 de la Constitution de 1958 précisent : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. L’emblème national est le drapeau tricolore : bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. [...] Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs, des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. »

• L’article 66 proclame : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. »

• Le titre XII était consacré à la Communauté, instituée par l’article premier de la Constitution : « La République et les peuples des territoires d’outre-mer qui, par un acte de libre disposition, adoptent la présente Constitution instituent une Communauté [...] fondée sur l’égalité et la solidarité des peuples qui la composent. » Bien que certains des États francophones, décolonisés depuis la Seconde Guerre mondiale, restent encore, sur le plan théorique, membres de la Communauté, créée en 1958, les institutions prévues pour cette dernière ne fonctionnent pas ou plus. Le titre XII est donc tombé pratiquement en désuétude.


L’introduction d’un système de contrôle de la constitutionnalité des lois

Selon une jurisprudence traditionnelle, les tribunaux français ne peuvent, en aucune mesure, apprécier la constitutionnalité des lois qu’ils ont pour mission de faire appliquer, bien que certains publicistes (Raymond Saleilles et Gaston Jèze notamment) aient parfois prétendu qu’un tribunal devait refuser d’appliquer toute loi contenant une violation flagrante de la Constitution. Les résultats de la pratique américaine ne paraissent guère convaincants : « On ne fait pas directement le procès à la loi, on ne le fait qu’indirectement à propos de la solution qu’il faut donner à un litige particulier » (Ferdinand Larnaude) ; l’opposition entre une Cour suprême conservatrice et un gouvernement réformateur — comme elle s’est produite en 1935-36 à propos du New Deal — n’a pas d’autre solution qu’un retrait volontaire des juges les plus conservateurs ou qu’une révision constitutionnelle permettant la nomination de nouveaux juges ; l’existence d’une Cour suprême se justifie davantage, à dire vrai, dans un État fédéral, au sein duquel il faut éviter que la législation d’un État particulier puisse être en opposition avec la législation fédérale.

En France, l’expérience, faite sous le Consulat, le premier et le second Empire, du contrôle de la constitutionnalité des lois par une assemblée d’aspect parlementaire avait discrédité le système par suite de la soumission au pouvoir du Sénat conservateur. C’est donc une tentative un peu différente qui a été faite en 1946, puis continuée et améliorée en 1958.