Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Fourmis (suite)

Les mâles ne survivent guère à l’accouplement ; aussi ne les rencontre-t-on dans les fourmilières que juste avant le vol nuptial. Ils sont généralement un peu plus petits que les femelles, et leur abdomen, allongé, laisse poindre à l’arrière les organes copulateurs ; ils conservent leurs ailes au cours de leur brève existence. Celles-ci sont semblables à celles des femelles : elles sont membraneuses, plus petites à l’arrière qu’à l’avant et munies de nervures peu nombreuses.


Le couvain

En même temps que les ouvrières et que la ou les reines, la fourmilière abrite les œufs, les larves et les nymphes, dont l’ensemble constitue le couvain. Les œufs sont allongés, blanchâtres et ont une longueur rarement supérieure à 1 mm ; leur nombre dépend de la fécondité de la reine, variable selon l’espèce ; on l’estime à quelques centaines par jour en moyenne, mais les femelles des Doryles peuvent pondre jusqu’à 20 000 œufs quotidiennement ; par contre, les nombreuses reines de Formica polyctena n’émettent qu’une vingtaine d’œufs par jour. La ponte n’est pas continue et s’interrompt pendant la mauvaise saison : saison froide sous les climats tempérés, saison sèche dans les régions arides. Comme chez l’Abeille, les œufs fécondés donnent des femelles, et les œufs parthénogénétiques des mâles.

En quelques semaines, l’œuf éclôt en une larve vermiforme, recourbée à l’avant. Le corps des larves, blanc, formé de douze segments, se couvre progressivement de poils ; il ne montre ni yeux, ni pattes ; la tête, réduite, porte deux mandibules fonctionnelles. Constamment nourries, nettoyées, léchées par les ouvrières, les larves subissent quatre ou cinq mues avant de se transformer en nymphes ; celles-ci sont nues chez les Dolichodéridés et les Myrmicidés, enfermées dans un cocon filé par la larve chez les autres familles. Ce sont ces cocons, qui ont une taille analogue à celle des ouvrières, qu’on appelle à tort œufs de fourmis et qu’on récolte pour nourrir les Faisans.


Vol nuptial et formation d’une nouvelle fourmilière

À un moment donné de l’année, à peu près fixe pour chaque espèce, une animation inhabituelle règne dans la société ; elle coïncide avec l’apparition d’une nouvelle génération d’adultes sexués, bien reconnaissables à leurs ailes. Quelque temps après, en été sous les climats tempérés, survient l’essaimage, c’est-à-dire la sortie simultanée de toutes ces « Fourmis ailées ». Notons ici que cet envol ne représente pas le même phénomène que l’essaimage de l’Abeille ; chez celle-ci, c’est la reine, fécondée depuis longtemps, qui s’échappe de la ruche avec une partie des ouvrières, alors que, chez les Fourmis, ce sont les mâles et les femelles récemment éclos qui se préparent à l’accouplement, tout en assurant la dispersion de l’espèce.

Au cours du vol, qui dure une heure au plus, les couples se forment ; l’accouplement proprement dit a lieu dans l’air chez un certain nombre d’espèces, où la femelle est plus grande que le mâle, et à terre dans beaucoup d’autres cas. Habituellement, une femelle se trouve fécondée par plusieurs mâles ; elle reçoit alors une quantité de spermatozoïdes suffisante pour toute son existence.

Quelques cas particuliers méritent d’être signalés. Les Cataglyphis méditerranéens n’effectuent pas de vol nuptial, mais les mâles poursuivent les femelles au sol, en une course très rapide. Chez certains Ponera, les ouvrières sont fécondes et s’accouplent avec les mâles aptères. Enfin, les mâles des Dorylidés restent auprès des femelles et les fécondent périodiquement.

Chaque femelle fécondée, à condition d’avoir échappé aux nombreux prédateurs qui tirent profit des rassemblements nuptiaux, peut être à l’origine d’une nouvelle société. Elle s’isole sous une pierre ou dans une petite cavité du sol et s’apprête à passer de longs mois dans des conditions précaires. Ses ailes tombent, souvent arrachées par elle-même ; les premiers œufs pondus, soigneusement léchés et protégés par la mère, donnent des larves qui se développent lentement — nous sommes en hiver —, et les premières ouvrières n’apparaissent qu’au printemps suivant. La reine survit en épuisant ses réserves et en digérant les muscles des ailes, devenus inutiles ; on l’a vu également consommer une partie de ses propres œufs ; c’est également avec ses œufs et ses jeunes larves écrasées qu’elle nourrit les plus âgées. Mais, dès leur éclosion, les nouvelles ouvrières aménagent le nid, surveillent le couvain, apportent la nourriture ; une nouvelle société viable est fondée, dans laquelle la femelle n’aura plus qu’à assurer la multiplication des individus. Il lui faudra au moins trois ans avant d’être le siège d’un nouvel essaimage.

Ainsi, dans la plupart des cas, c’est une femelle solitaire qui réalise la fondation indépendante d’une colonie. Cependant, on connaît quelques espèces où la femelle ne peut, seule, former une nouvelle société ; on parle alors de fondation dépendante. C’est le cas des Carebara d’Afrique, qui, pendant le vol nuptial, emmènent de minuscules ouvrières agrippées à leurs pattes et prêtes à jouer leur rôle dès la fécondation achevée. C’est celui, très curieux, des Fourmis parasites Anergates, chez lesquelles il n’existe pas d’ouvrières et où la femelle se fait adopter par une société de Tetramorium et remplace la reine, tuée par ses propres filles ! C’est encore celui, non moins étonnant, des Fourmis esclavagistes, comme Formica sanguinea, dont les jeunes reines capturent des cocons de Formica fusca et se font servir par les ouvrières qui en sortent.


Les nids des Fourmis

Dépourvus de la régularité géométrique qui frappe chez les nids des Abeilles et des Guêpes, les nids édifiés par les Fourmis sont habituellement constitués de cavités, ou chambres, disposées sans ordre apparent et reliées par d’innombrables galeries sinueuses. Souvent souterrains, et donc d’observation difficile, ils répondent à des déterminismes spécifiques et manifestent la souplesse d’adaptation de leurs constructeurs.