Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fleuve (suite)

• Sur les façades occidentales des continents, soumises au climat méditerranéen, les fleuves sont alimentés par des pluies de saison fraîche dont le caractère torrentiel se manifeste par la brutalité de certaines crues. Particulièrement spectaculaires (et dévastateurs) sont à cet égard les torrents cévenols (Eyrieux, Doux, Ardèche), qui roulèrent, le 10 septembre 1857, environ 14 000 m3/s, soit le module de la Lena sibérienne. À la suite de pluies copieuses (avant son aménagement), le débit de la Durance pouvait passer de quelques mètres cubes à 9 000. Les régimes des fleuves sont donc à la merci de quelques très grosses averses qui peuvent affecter indifféremment toute la saison d’octobre à avril, selon les oscillations des trajectoires cycloniques polaires. La canicule et l’aridité estivales, l’intensité de l’évaporation ont pour effet de réduire les réserves et de creuser et d’allonger les étiages jusqu’à assèchement quasi total des lits comme dans les régions arides. Selon la période la plus probable d’apparition des hautes eaux, on peut cependant distinguer plusieurs catégories. Sur certains cours d’eau, la période de plus grande abondance est l’automne (le río Quipar, dans le Levant espagnol) ; sur d’autres, c’est la fin de la saison des pluies, comme en Californie, en Andalousie occidentale (le Guadalquivir inférieur) ; ce peut être aussi les deux (l’Ardèche).

Régionalement, ces caractères sont atténués grâce à des apports différés sous la double intervention de la rétention karstique (la Nera en Italie centrale) et de la rétention nivo-glaciaire (les cours d’eau nés en montagne [Oum er-Rebia] ou passant à leur proximité [Ebre] ont des étiages moins creusés et plus tardifs).

• Sur les façades orientales des continents, plus arrosées, les fleuves présentent une plus grande abondance. Selon la période des hautes eaux, il convient d’opposer :
a) les fleuves à hautes eaux d’hiver, comme ceux du sud-est des États-Unis, du sud du Brésil, de l’Uruguay. Si les pluies sont constantes tout au long de l’année, c’est l’évaporation qui est responsable de l’apparition de basses eaux estivales, par ailleurs peu marquées (exemple : le Taquari au Brésil, dans l’hémisphère austral). Par contre, ces fleuves connaissent une grande irrégularité interannuelle ;
b) les fleuves à hautes eaux d’été, influencés par les pluies de mousson, comme le Yangzijiang (Yang-tseu-kiang) à Yichang (Yi-tch’ang), qui écoule ses plus forts débits de juin à octobre comme certains fleuves tropicaux.


Les régions tempérées

Le comportement des fleuves de ces régions reflète l’action antagoniste de deux facteurs : le ruissellement pluvial remarquablement irrégulier ; la fusion glaciaire et surtout nivale. Plus qu’en toute autre zone climatique, la montagne (Alpes, Rocheuses, Andes méridionales) joue un rôle hydrologique essentiel. Dans les étages de plus de 3 000 m (en moyenne), on trouve des régimes simples de type glaciaire (le Rhône à Aletsch) avec des basses eaux de saison froide (d’octobre à avril dans notre hémisphère) et les plus forts débits en été (coefficient mensuel supérieur à 3 en juillet et août). Plus bas, les régimes se diversifient avec l’extension d’un manteau neigeux dont la fusion plus précoce fait avancer la période des hautes eaux : on trouve alors des régimes du type nivo-glaciaire, puis nival. C’est le cas de la Reuss à Andermatt, qui a des hautes eaux dès mai et un régime moins excessif (coefficient maximal toujours inférieur à 3). Sur les montagnes moyennes, les hautes eaux estivales perdent peu à peu de leur prépondérance au profit du ruissellement pluvial de saison froide. Dans le régime nival de transition (l’Ariège à Esquiroulet) apparaissent une pénurie estivale causée par l’évaporation et une esquisse de hautes eaux d’automne. Cette tendance s’affirme en régime nivo-pluvial (le Fier à Val-de-Fier), où les deux maximums de printemps et d’automne s’équilibrent, et en régime pluvio-nival (l’Orbe aux Granges), où les basses eaux de juin à septembre sont plus creusées que celles d’hiver.

En plaine, le jeu complexe des apports montagnards, l’influence des précipitations, solides ou liquides, permettent de délimiter trois régions hydrologiques.

• Un domaine océanique, où l’enneigement est rare : plaines et montagnes basses de l’ouest de l’Europe, de l’ouest du Canada et du nord-ouest des États-Unis. Lee contrastes de température au cours de l’année sont plus grands que ceux des précipitations. En raison du fort prélèvement atmosphérique, les précipitations de saison chaude se révèlent peu efficaces : la courbe des débits est l’inverse de celle des pluies (la Tamise à Teddington). Les hautes eaux ont lieu en hiver, et les basses eaux entre mai et octobre. Les cours d’eau moyennement abondants ont des régimes pondérés, mais irréguliers puisque l’évaporation agit sur des apports pluviaux variant sensiblement selon les années. Sur les plus grands cours d’eau, le voisinage des montagnes, l’importance des terrains imperméables viennent apporter quelques complications de détail et réduire la pondération. Sur les fleuves descendant des montagnes de l’ouest de l’Europe (Garonne, Rhin, Loire par exemple), on constate que vers l’aval s’aggrave la relative pénurie estivale et que s’affirme la prépondérance finale de l’écoulement d’hiver. Dans tous les cas, les crues demeurent dangereuses.

• Un domaine continental, où la part de la neige est plus importante. On le constate d’abord sur les grands fleuves qui drainent les bassins périalpins comme le Danube. Son cours alpin (Vienne) a un régime nivo-glaciaire et des crues de saison chaude ; le Danube pannonien (Pančevo) a évolué vers un régime pluvio-nival avec des hautes eaux commençant dès mars ; enfin, le Danube valaque, pénétrant en des régions plus sèches, voit son débit fortement atteint par l’évaporation et connaît de ce fait un minimum accentué entre septembre et novembre.