Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

fleuve (suite)

Dans la nature, ces divisions ne se suivent que rarement en ordre aussi net, et il n’est pas rare de voir la pente, la largeur, les conditions écologiques varier plusieurs fois le long du cours moyen, voire du cours inférieur d’un fleuve. D’autre part, les dimensions respectives des différents types de milieux ci-dessus définis sont rarement égales. Le Niger présente ainsi un premier cours qui le mène au Mali, où il s’étale en un premier delta dans la région du lac Débo ; puis, après un deuxième cours moyen, il atteint le Nigeria, où il reprend de la force avant de former son second delta en arrivant à la mer. Le Zambèze également s’étale dans la plaine d’inondation du Barotsé avant d’atteindre le lac Kariba (lac artificiel) et de descendre vers la mer. Bien d’autres exemples pourraient être donnés de grands fleuves aux multiples zones se succédant ainsi (Congo, Amazone, Rhin, Danube, Amour, Mékong, etc.).

Ainsi, rien ne permet de caractériser spécifiquement un fleuve du point de vue biologique, puisque, dans sa partie amont, il s’identifie à un torrent, puis à une rivière de montagne, puis à une rivière de plaine, alors que son embouchure est généralement un estuaire.

Seule la continuité relative, tout au long de son cours, de certaines caractéristiques de milieu (qualité des eaux, débit) permet à un fleuve d’être considéré comme une unité biologiquement différenciable, car même les grands animaux s’y cantonnent dans certaines zones, sauf les migrateurs (Saumon, Anguille, Crabe chinois...), capables d’en remonter et d’en descendre le cours d’un bout à l’autre, ou presque.

B. D.


Les fleuves

Débits, régimes et bilans font apparaître l’extrême diversité des fleuves. Les facteurs qui les conditionnent sont si variés et si complexes que, en dernière analyse, il n’y a pas de fleuves identiques. Toutefois, en écartant les nuances secondaires, les caractères essentiels permettent de regrouper les fleuves en grandes familles correspondant aux principales zones climatiques.


Les régions tropicales

Pluies abondantes, températures élevées et déficit d’écoulement important sont les principaux facteurs de l’hydrologie fluviale tropicale. En dépit des pertes, l’alimentation pluviale est si abondante que les fleuves tropicaux ont les modules (absolus et relatifs) les plus élevés du monde. Les facteurs de pondération et de régularité, en relation avec le relief (largeur des plaines inondables, importance des lacs et des déversoirs latéraux) et la géologie (rétention dans les massifs calcaires ou basaltiques, dans les couvertures gréseuses), interviennent différemment selon les milieux bioclimatiques.

• Dans les régions tropicales humides (domaine de la forêt hygrophile), les fleuves, qui ont de l’eau toute l’année, présentent une pondération et une régularité notables ; les étiages sont modérés, et les crues, bien que volumineuses, diffèrent peu des hautes eaux normales. Deux rythmes saisonniers apparaissent : deux périodes de hautes eaux (correspondant aux deux périodes pluviales des régions équatoriales et subéquatoriales) séparées par des basses eaux (l’Ogooué au Gabon) ; une seule période de hautes eaux (c’est ce qui se passe dans les régions plus éloignées de l’équateur qui ne connaissent qu’une seule saison des pluies [le Paraíba do Sul au Brésil]). Dans les régions à deux saisons pluvieuses, on aboutit au même résultat lorsque les eaux de la première ont été totalement absorbées par le sol ou le sous-sol (la Sanaga à Édéa, au Cameroun).

Les grands fleuves comme le Congo et l’Amazone ont des bassins chevauchant les deux hémisphères et bénéficient d’une double alimentation complémentaire : ils reçoivent de l’hémisphère boréal des affluents grossis de mars à septembre, tandis que ceux qui viennent du sud drainent les pluies tombées d’octobre à janvier.

• Dans les régions tropicales sèches (domaine de la forêt sèche et de la savane), l’unique saison humide engendre une seule période de hautes eaux en fin d’été, de juillet à octobre dans notre hémisphère (le Sénégal à Bakel, le Nil supérieur à Khartoum). En raison de la longueur de la saison sèche, les régimes présentent de très forts contrastes saisonniers, sauf ceux des cours d’eau alimentés par des sources drainant les basaltes, les grès ou les altérites. Le Sénégal illustre ce caractère excessif, puisqu’il roule en hautes eaux un débit cent fois plus grand que celui de l’étiage hivernal, où il n’est plus qu’un mince filet cheminant entre les sables et les marigots. La concentration des forts débits sur quelques mois est encore renforcée dans les régions de l’Asie soumises aux pluies de mousson et de typhons : les crues peuvent alors être catastrophiques. Les cours supérieurs du fleuve Rouge, du Mékong ou du Brahmapoutre sont grossis en été par la fusion nivo-glaciaire. Au point de vue de la régularité, il convient également d’opposer l’Afrique, où les hautes eaux reviennent tous les ans à date fixe, et l’Asie du Sud-Est, où les régimes sont souvent rendus très instables en raison de la grande variabilité interannuelle des pluies.


Les régions subtropicales

Les influences climatiques tropicales (pluies de mousson, sécheresse lors de l’extension des anticyclones subtropicaux) et polaires (pluies frontales capricieusement réparties au cours de l’année) y interfèrent pour donner à l’hydrologie des caractères hybrides. De plus, l’apparition des basses températures se traduit par une plus grande participation des eaux de fusion à l’écoulement : aux régimes purement pluviaux vient s’ajouter la grande variété des régimes complexes allant du nivo-glaciaire jusqu’au pluvio-nival. L’instabilité des pluies apparaît dans le manque de pondération et de régularité de la plupart des cours d’eau, dans la violence des inondations et la longueur des étiages. La variabilité d’une année à l’autre est telle que les moyennes hydrologiques perdent de leur intérêt. Deux grands domaines doivent être distingués.