Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

faim (suite)

Faim et diététique

En ce qui concerne la faim, les mesures diététiques les meilleures sont les mesures préventives et les seules vraiment efficaces se situent au plan économique prévisionnel. En effet, les maladies de la nutrition* qu’entraînent les manques de plusieurs aliments, manques partiels ou totaux, sont rapidement si graves qu’il est fort délicat, parfois impossible d’y remédier une fois le processus déclenché.

Les carences* en l’un quelconque des nutriments peuvent déséquilibrer entièrement l’état nutritionnel d’un individu, et chez les peuples soumis à des privations importantes et multiples on observe des polycarences.

Ce n’est pas de sa faim en tant que sensation que meurt l’homme (ou l’animal en général), c’est de l’effet pathologique des carences qu’il subit, et l’on peut mourir d’une carence alimentaire sans avoir senti la faim.

Manifestations et conséquences pathologiques de la faim

L’individu en état de privation ne sent d’ailleurs pas la faim proportionnellement à ses carences. La sensation de faim, d’abord très vive, s’atténuera un peu ; cette sensation, qui siège surtout à l’estomac, peut être calmée par l’absorption de substances non nutritives (on cite le cas de groupes humains d’Amérique du Sud qui mangent de la terre pour calmer leur faim [géophagie]). La faiblesse suit, privant souvent l’homme affamé de l’énergie nécessaire pour rechercher ou produire la nourriture qui lui fait défaut.

Assez rapidement, quoique à une vitesse variable, les maladies de carences s’installent. Ce qui apparaît le plus nettement est la baisse du poids. Elle correspond à une diminution des réserves de graisse dans tous les cas où le taux calorique nécessaire n’est pas atteint et aussi dans les cas où il existe un déséquilibre important entre les apports en divers nutriments. À la réalité économique correspond un tableau clinique, classique de la dénutrition ; presque partout où l’on meurt de faim (si ce n’est pas dans l’immédiat, de toute façon la survie des mal nourris est aléatoire), on meurt avant tout du manque de protéines en général et de protéines animales surtout. Le kwashiorkor chez l’enfant est une forme répandue de maladie nutritionnelle due à un déficit en protides, dans une ration hypocalorique.

Les déficits en lipides et glucides, bien qu’importants, ont des effets moins désastreux et ne s’observent encore (surtout en ce qui concerne les glucides) que dans les régimes les plus déficients, mais ils contribuent au déficit calorique global.

Les déficits en vitamines et sels minéraux donnent lieu à des syndromes connus parfois depuis longtemps (v. nutrition), qui aggravent encore l’état des affamés.

Diététique des dénutris

La réalimentation des personnes en état de sous-nutrition ou de dénutrition, lorsqu’il s’agit d’un phénomène qui atteint une région ou un pays, est différente des moyens mis en œuvre dans les pays nantis, où ces cas sont rares. Les grands principes sont cependant les mêmes :
— agir avec une grande prudence dans l’augmentation de la ration, en partant toujours du niveau précédent observé ;
— donner la priorité aux protéines, que l’on choisit de haute valeur biologique. Parmi les produits naturels, les laits peuvent être utilisés, de préférence écrémés. On peut les associer à des aliments riches en protéines végétales comme le soja ;
— si l’appétit revient, ne pas céder aux demandes du sujet, qui risque de se précipiter sur quantité d’aliments inassimilables dans l’état où il se trouve (ce qui provoquerait des troubles digestifs importants) ;
— la ration étant toujours déficiente pendant quelques jours, sinon quelques semaines, il faut souvent adjoindre des complexes vitaminiques et minéraux ;
— la ration sera peu salée au début, car les risques d’œdèmes, fréquemment associés aux autres manifestations des dénutritions, sont importants ;
— par la suite, même quand on aura atteint un taux calorique normal, il faudra maintenir longtemps un taux élevé de protides pour permettre au sujet de retrouver sinon un état de santé normal, du moins une amélioration sans risque important de rechute.

C. B.


Les limites de l’aide au développement

Il convient de ne pas s’exagérer l’efficacité de tels efforts et de telles campagnes. Nous avons déjà signalé le caractère au moins ambigu de ce qu’on nomme l’aide privée. Or, ce premier chapitre d’« aide privée » représente près de 40 p. 100 des chiffres publiés. En ce qui concerne l’aide publique, figurent dans les comptes les appointements des coopérants et la valeur des marchés ou des fournitures, dont en fait une partie est représentée par des bénéfices existant au départ ou comporte des sommes rapatriées lors de leur congé par les fonctionnaires détachés des pays aidants. Le tout représente un pourcentage atteignant parfois 50 p. 100 du chiffre porté dans les statistiques publiées par les organisations internationales. L’aide réelle est donc deux fois moindre qu’il ne paraît. Après moins de 10 années d’efforts, la notion d’aide au développement a subi un net recul, une fatigue dangereuse, car n’a pas été comprise la nécessité :
a) d’en faire une obligation internationale ;
b) d’enseigner aux pays riches le pourquoi de cette obligation et d’y créer la volonté de participation ;
c) de faire enseigner dans le tiers monde, avec des moyens suffisants, le pourquoi du nécessaire développement et l’obligation de le vouloir, sans se laisser aller à la revendication d’un dû. Le développement n’est pas uniquement une question de dons, il implique la volonté d’utiliser l’aide de façon correcte et profitable. Il est évidemment impossible d’en rester à l’actuelle évolution.

Dans l’An 2000, H. Kahn et A. Wiener font ressortir qu’au rythme actuel, avant que soit atteint le P. N. B. américain de 1965, il faudrait de 16 ans (pour l’Allemagne de l’Ouest) à 593 ans (pour l’Indonésie), avec, en intermédiaire, 18 ans pour la France, 19 ans pour le Royaume-Uni, 22 ans pour le Japon, 28 ans pour l’U. R. S. S., 101 ans pour la Chine, 117 ans pour l’Inde.

En conséquence, l’écart s’accroît entre pays développés et pays du tiers monde, et des affrontements de plus en plus violents ont lieu partout où l’inégalité économique s’est installée et s’amplifie.