Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

Les Communautés ou la Communauté

• Les trois traités.

1. Le traité de la C. E. C. A. (Communauté économique du charbon et de l’acier), d’une durée de 50 ans, fut le premier signé, le 18 avril 1951, à Paris, et entra en vigueur le 25 juillet 1952 : il institua la première des communautés économiques européennes, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, qui affirme nettement ses intentions fédérales et supranationales. Pour cet instrument du rapprochement franco-allemand, on a choisi seulement deux secteurs d’activité, mais primordiaux pour l’économie d’après guerre ; l’évolution conjoncturelle, et surtout structurelle, de l’économie charbonnière, en particulier, a posé cependant des problèmes où l’étroitesse du champ d’action a été gravement ressentie.

Le traité organise la concurrence en partant des notions économiques de spécialisation et amplification des échanges, ainsi que de division internationale du travail. Mais les bienfaits d’une concurrence à l’échelle de 180 millions de consommateurs ne sont véritables que si le marché est « transparent » (publicité des prix de vente, qui donne au consommateur la possibilité réelle d’un choix), et que si la concurrence est réglementée (pas de concentration abusive, de discrimination entre les acheteurs, de guerre des prix).

• Une Haute Autorité est chargée de définir périodiquement les objectifs de production et de modernisation à moyen terme et peut garantir les emprunts des entreprises sidérurgiques et charbonnières qui suivent sa politique grâce à un fonds constitué par des prélèvements directs et annuels sur toutes les entreprises sidérurgiques et charbonnières.

• Selon les matières, les décisions appartiennent à cette Haute Autorité (collège de neuf personnalités indépendantes) ou au Conseil des ministres (ministres ou représentants des États), ou bien encore aux deux réunis statuant à la majorité qualifiée ou à l’unanimité.

• Le traité institue également une Cour de justice chargée de veiller à son application et à son interprétation et une Assemblée parlementaire réunissant les délégués des Parlements nationaux pour examiner périodiquement l’action de la Haute Autorité, qui lui soumet un rapport annuel et est responsable devant elle. (Ces deux derniers organes seront, en 1958, les premiers organes communs des Communautés.)

2. Les traités de la C. E. E. (Communauté économique européenne, ou Marché commun) et de la C. E. E. A. (Communauté européenne de l’énergie atomique, ou Euratom) furent signés en même temps, à Rome, le 25 mars 1957, suivis à Bruxelles (17 avr. 1957) de protocoles ; ils entrèrent en vigueur le 1er janvier 1958. Leur durée est illimitée. Ce 25 mars 1957 est une date capitale dans l’évolution de l’Europe de l’Ouest.
— Le traité de la C. E. E., relatif au Marché commun, reprend les principes de la transparence du marché et de la concurrence organisée, mais en les appliquant à tous les secteurs économiques où l’action publique est déjà déterminante et en prévoyant un calendrier précis pour la suppression des droits de douane et des contingentements ; il prévoit, en outre, que les pays membres se concerteront pour établir des politiques communes dans le plus grand nombre de domaines possible ; ce Marché commun, fondé sur une union douanière, est doublé d’un programme social et de développement économique.

Comme le traité de la C. E. C. A., le traité de Rome institue des organes ayant une personnalité propre et des pouvoirs réels : une Commission, un Conseil des ministres. Mais tandis que le traité-loi du charbon et de l’acier fixait d’une manière détaillée les pouvoirs d’application confiés à la Haute Autorité, il a fallu attendre l’élaboration de politiques communes pour savoir quels sont les pouvoirs d’application de la Commission de la C. E. E. : il s’est révélé que ces pouvoirs sont du même ordre, sauf en ce qui concerne l’autonomie financière, celle dont dispose la C. E. C. A. étant supérieure.
À la C. E. E. se sont associés la Grèce et la Turquie, les pays et territoires d’outre-mer et un certain nombre de pays africains ; d’autres traités se sont donc greffés sur celui de 1957.
— La tâche que le second traité de Rome a fixée à la C. E. E. A. est beaucoup plus restreinte : il s’agit d’organiser un double marché commun des matières fissiles, d’une part, et du matériel, des équipements spécialisés, des capitaux et des spécialistes, d’autre part, suivant des dispositions sommairement indiquées.

La C. E. E. A. était gérée par une Commission et un Conseil des ministres.

• Les institutions communes. En application de la convention du 8 avril 1965, les trois Conseils des ministres, ainsi que les deux Commissions et la Haute Autorité fusionnèrent le 1er juillet 1967 en un seul Conseil et en une Commission unique.

Désormais, tous les organes des trois Communautés sont communs ; c’est une première étape vers l’unification de la Communauté européenne, la seconde devant être la fusion des traités.

• La Commission unique (de 9 membres depuis juill. 1970) est la gardienne des traités : s’il y a manquement, elle peut engager une procédure devant la Cour de justice après avoir mené sa propre enquête.

C’est aussi l’organe d’exécution de la Communauté : elle établit les textes d’application de certaines dispositions des traités ou d’actes pris par le Conseil des ministres ; elle applique les règles des traités aux cas particuliers et assure la gestion des fonds communautaires (tâches qui se diversifient selon qu’il s’agit d’appliquer l’un ou l’autre des traités).

Les fonds communautaires consistent, au titre de la C. E. C. A., en un prélèvement sur la production du charbon et de l’acier. Ils ont permis de fournir de 1952 à 1968 plus de 720 millions de dollars de prêts. Au titre de la C. E. E. A. et de la C. E. E., les fonds consistent en participations des États membres, suivant une clef de répartition, et en ressources propres depuis 1963. Ils servent d’une part à la gestion du programme de recherche et d’enseignement et à la construction de quatre établissements de recherche nucléaire (Ispra en Italie ; Karlsruhe en Allemagne, Mol en Belgique et Petten aux Pays-Bas), où travaillent plus de 2 000 personnes. Ils alimentent d’autre part les fonds spéciaux de la C. E. E. : Fonds européen d’orientation et de garantie agricoles (2 millions et demi de dollars pour 1969) ; Fonds social européen (environ 30 millions de dollars par an) ; Fonds européen de développement (près de 1 milliard et demi de dollars depuis 1958, dont la moitié environ en dons).

Enfin, la Commission assure la gestion des clauses de sauvegarde du traité permettant des dérogations dans des circonstances exceptionnelles, à la demande des États membres. Surtout, la Commission est l’initiatrice de la politique communautaire ; elle exprime l’intérêt commun et maintient l’unité et la cohérence de cette politique.

La Commission est secondée pour des secteurs particuliers par des comités de gestion ou des comités de représentants des gouvernements ; elle consulte obligatoirement sur certaines questions le Comité économique et social (C. E. E. et C. E. E. A.) et le Comité consultatif (C. E. C. A.).