Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

• Le rôle du Conseil des ministres, qui réunit les ministres des Affaires étrangères des Six ou des ministres spécialisés, dont les travaux sont préparés par le Comité des représentants et qui ne délibère jamais sans la présence de la Commission, est d’entériner les propositions de la Commission, qu’il ne peut modifier qu’à l’unanimité : pendant le second semestre de 1967, la Commission a transmis au Conseil 102 propositions et 66 projets et autres communications, et le Conseil a adopté 74 règlements, 4 directives, 4 décisions et une recommandation, plus 2 avis conformes et une consultation au titre de la C. E. C. A.

Le dialogue entre la Commission et le Conseil des ministres a donc une importance primordiale. Il a d’ailleurs une dynamique propre ; sur une proposition de la Commission, quand joue la règle de la majorité, on peut aboutir à trois situations : l’adoption, une décision différente si une unanimité s’est dégagée, ou le désaccord, et en ce cas seule la Commission peut modifier sa proposition. La perspective d’un tel désaccord au cours de cette procédure majoritaire incite en fait les deux institutions et les pays membres à abandonner toute position extrême et à faire les efforts nécessaires pour trouver une politique commune ; paradoxalement, cette procédure conduit assez rapidement à l’unanimité du vote ; elle est beaucoup plus employée d’ailleurs depuis 1966. Elle empêche les majorités changeantes au gré des coalitions d’intérêts ou des luttes d’influence, et les décisions contradictoires selon les sujets. Malgré les dispositions des textes, qui tendent à donner au moins autant d’importance, sinon davantage, à la Commission qu’au Conseil, c’est cependant de celui-ci que dépend essentiellement, en définitive, l’élaboration réelle de la politique économique de l’Europe.

Les actes qui émanent du Conseil prennent des noms différents selon qu’on se réfère aux traités de Paris (C. E. C. A.) ou de Rome (les deux autres Communautés). Pour ces dernières, le Conseil prend : des règlements de portée générale, obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables aux pays membres ; des directives, qui lient tout pays membre destinataire quant au résultat à atteindre ; des décisions, obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires désignés (gouvernement, entreprise, particulier) ; des recommandations ou avis, enfin, qui ne lient pas. En application du traité de Paris, le Conseil peut prendre : des décisions, obligatoires dans tous leurs éléments ; des recommandations, qui obligent quant aux buts assignés ; des avis, qui ne lient pas.

• Le Parlement européen garantit l’indépendance de la Commission, qui est responsable devant lui et lui seul. Ses 142 membres du début sont devenus 198 depuis l’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni (10 Danois et 10 Irlandais, 14 Belges et 14 Néerlandais, 6 Luxembourgeois, 36 pour chacun des autres États). Ils se réunissent environ six fois par an en session d’une semaine, à Strasbourg, et se regroupent non par nationalité mais par appartenance politique. Le Parlement européen est consulté sur les principales propositions de la Commission avant que le Conseil ne se prononce ; il peut, par une motion de censure, entraîner la démission de la Commission. Il fonctionne comme un Parlement national (questions écrites, questions orales, débats, commissions spécialisées se réunissant à huis clos). La désignation des membres de l’Assemblée, jusqu’alors effectuée par les parlements nationaux, se fera ultérieurement au suffrage universel direct, comme en a décidé le Conseil de la Communauté le 20 septembre 1976, recommandant aux États membres l’adoption de cette décision.

• La Cour de justice européenne permet de régler des cas d’espèce et de donner l’interprétation authentique des textes, dont elle précise et oriente les modalités d’application. Sept juges, nommés pour 6 ans d’un commun accord par les gouvernements, et deux avocats généraux servent de recours aux entreprises, à la Commission, aux gouvernements et même à des particuliers dans certains cas. La Cour de justice européenne n’intervient qu’après l’épuisement des recours nationaux. Elle a rendu 266 arrêts communautaires en 15 ans et relevé 9 manquements des États membres. Elle a pris une importance nouvelle avec les renvois à titre préjudiciel que prononcent les tribunaux nationaux, renvois lui demandant d’interpréter ou d’apprécier la validité des dispositions du droit communautaire, qui pénètre de plus en plus le droit intérieur de chaque pays membre, sur lequel il a priorité. Il se forme ainsi une jurisprudence européenne cohérente. On en est arrivé à qualifier la Cour de « troisième pouvoir européen » en raisonnant ainsi : pas de communauté de marché sans loi commune ; pas de loi commune sans interprétation uniforme ; pas d’interprétation uniforme sans primauté d’un droit européen.

• Les traités d’association de pays non-membres à la C. E. E. ont institué des organes qui leur sont propres : conseil d’association, doté en général d’un pouvoir de décision pour tout ce qui concerne le fonctionnement de l’application des accords, et parfois commission mixte parlementaire.


La politique intérieure à la Communauté

Le traité de Rome prévoyait une période transitoire qui a duré 12 ans, soit 3 étapes de 4 ans. Les politiques sectorielles (agriculture, industrie, transport, énergie...) ou spécifiques (recherche scientifique, politiques sociale et régionale) et, bien plus encore, la politique d’ensemble sont de pleine actualité, l’union douanière relevant, elle, davantage du passé.

• L’union douanière du Marché commun.

• Les trois libertés de l’union douanière. Le 1er juillet 1968, l’union douanière était totalement réalisée : la circulation des marchandises, des personnes et des capitaux était libre. En fait, la Commission s’efforce encore d’éliminer des obstacles subtils. Ainsi, pour que la liberté de circulation et d’établissement des travailleurs salariés sur tout le territoire de la Communauté soit réelle, la Communauté s’efforce de faire que les diplômes et certificats obtenus dans un pays soient valables dans un autre. La liberté de circulation des capitaux comporte des restrictions : seuls les capitaux nécessaires à l’exercice de la circulation des marchandises et des personnes ainsi qu’au droit d’établissement sont autorisés à circuler.