Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

L’Alliance atlantique et l’Europe

Depuis 1949, la défense de l’Europe occidentale est liée à l’Alliance atlantique, dont la stratégie, dominée par le fait atomique, reste soumise à la volonté américaine. Malgré le réarmement allemand, qui porte la défense à hauteur du rideau de fer, les conséquences de l’avènement en 1952 et 1953 des armes thermonucléaires vont entraîner de profondes modifications de la stratégie de l’O. T. A. N. Face à la menace soviétique, qui dispose depuis octobre 1957 (1er Spoutnik) de vecteurs capables d’atteindre le territoire américain, le recours à la riposte nucléaire ne paraît admissible que pour la défense d’intérêts absolument vitaux. La crédibilité de représailles massives américaines au profit de l’Europe se trouve aussi gravement atteinte. La Grande-Bretagne et la France, devenues puissances nucléaires en 1952 et 1960, se réservent l’emploi de leurs armes nucléaires pour la défense de leurs intérêts propres. Le président Kennedy, en 1961, ouvre la voie à une solution en proposant une réforme de l’Alliance fondée sur « deux piliers » (Europe et États-Unis), qui deviendraient deux partenaires égaux. En décembre 1962, il resserre à Nassau les liens qui unissent la Grande-Bretagne aux États-Unis. Il disparaîtra un an plus tard sans avoir réalisé cette réforme, mais après avoir lancé la notion de « réponse flexible », repoussée par les pays européens, notamment par la France. Ces pays estiment qu’une telle stratégie aboutirait à accroître leur contribution en forces classiques et, en cas de conflit, à faire de l’Europe la principale victime des échanges nucléaires. Le président Johnson poursuit la politique de son prédécesseur, mais les pays d’Europe occidentale sont de plus en plus conscients de leur dépendance de la protection américaine. En 1966, la France décide de dénoncer son adhésion à l’organisation militaire atlantique, mais reste membre de l’Alliance et, après accord avec Bonn, maintient des forces en territoire allemand sous commandement français. Après le départ de la France, l’O. T. A. N. s’efforce d’améliorer la participation de ses membres européens à la définition de sa stratégie nucléaire en créant des organismes spécialisés, puis, en décembre 1967, adopte le concept de « riposte graduée ».

La détente et l’Europe

L’équilibre nucléaire réalisé dans les années 60 entre les États-Unis et l’U. R. S. S. a profondément modifié les conditions de la défense de l’Europe. Une intervention atomique américaine, entraînant en riposte des dommages considérables aux États-Unis, devient moins vraisemblable. La politique de détente conduit à de multiples démarches visant à réduire la tension en Europe. Parallèlement aux conférences de Genève sur le désarmement, des pourparlers menés entre Soviétiques et Américains aboutissent aux accords de Moscou (1963), au traité de non-prolifération des armes nucléaires (1968), puis, à la suite des négociations SALT (1969), aux accords Brejnev-Nixon de 1972 et 1974. De son côté, l’Allemagne fédérale normalise ses relations avec les pays socialistes et signe en 1970 des traités avec l’U.R. S. S. et la Pologne. Si la question de Berlin aboutit le 3 septembre 1971 à un accord entre l’U. R. S. S. et ses anciens alliés, les rapports entre les deux Allemagnes demeurent difficiles. Depuis longtemps, les Soviétiques cherchent à obtenir une réduction des forces en Europe. Déjà en 1957, Adam Rapacki, ministre polonais des Affaires étrangères, avait proposé sans succès une dénucléarisation de l’Europe centrale. Le Conseil de l’Atlantique, en 1968, et les pays du pacte de Varsovie, en 1969, lancent l’idée d’une réduction des forces en Europe. Celle-ci fera l’objet des longues négociations qui aboutiront en 1973 à l’ouverture de deux conférences : l’une, à Helsinki, de 33 nations sur la sécurité européenne qui signeront le 1er août 1975 une déclaration commune (v. désarmement) ; l’autre, à Vienne, sur la réduction mutuelle des forces et armements en Europe centrale. Au même moment, l’Europe est gravement menacée dans son économie par la crise pétrolière qui éclate à l’occasion de la 4e guerre israélo-arabe. Ce dernier conflit consacre à la fois le poids des États-Unis et de l’U. R. S. S. comme l’effacement des pays européens tenus en dehors du conflit. Ces derniers ressentiront vivement de n’avoir pas été consultés par les États-Unis lors de la mise en alerte des forces nucléaires américaines pour prévenir toute intervention soviétique au Proche-Orient. Si la déclaration signée à Bruxelles en 1974 par les membres du Pacte atlantique tend à dissiper ce malaise, le problème de la défense de l’Europe se repose très vite, notamment pour la coopération en matière de construction d’armement aérien. La longue négociation, qui aboutit en 1975 à faire préférer par les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège et le Danemark l’avion de combat américain « YF-16 » à son concurrent français « Mirage F-1 », souligne la priorité que ces pays accordent, pour leur défense, à la garantie militaire des États-Unis. Au moment où l’Angleterre confirme par référendum son adhésion à l’Europe des Neuf, il semble que les efforts de ses membres doivent tendre à réaliser entre eux un minimum d’unité politique sans laquelle le problème de la mise en œuvre d’une défense de l’Europe « ne peut être utilement abordée » (Giscard d’Estaing, mai 1975).

B. de B.


L’intégration européenne ou la petite Europe

Cette « Europe des Six », qui, en 1973, compte neuf membres, regroupe au sein de trois communautés (charbon-acier ; Marché commun ; Euratom) l’Allemagne occidentale, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, ainsi que le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni. Trois traités différents ont été signés, mais, depuis 1967, des structures communes en assurent l’application ; c’est pourquoi on trouve indifféremment les expressions de « Communautés européennes » et de « Communauté européenne », marquées d’ailleurs par la prééminence du Marché commun, sorte de traité-cadre, sur les deux autres communautés, qui règlent des problèmes plus particuliers.

L’intégration se distingue ici très nettement de la coopération : les organes supérieurs des Communautés possèdent des pouvoirs propres (ressemblant à ceux d’un État) et prennent des décisions qui sont immédiatement contraignantes pour les États et peuvent entraîner la modification des ordres juridiques nationaux préexistants.