Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

Sur le plan économique, la création d’un marché unique pour le charbon et l’acier devait poser la première pierre d’un édifice économique plus complet. Sur le plan politique, le « plan Schuman » entraîne une révolution des institutions communes. Tout cela conférera à la « Haute Autorité » un caractère supranational. Plus que dans la mise en commun des ressources de charbon et d’acier, l’intérêt politique réside dans l’énoncé des objectifs et de méthodes nouvelles et réalistes : la création des États unis d’Europe, la réconciliation franco-allemande, alors que la guerre n’est finie que depuis juste cinq ans.

L’initiative Schuman suscite un profond retentissement dans le monde. L’Allemagne (par la voix du chancelier Adenauer), l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg donnent aussitôt leur acceptation.

Jean Monnet

De 1952 à 1955, Jean Monnet (né à Cognac en 1888) est le premier président de la Haute Autorité. En 1919, il avait pris part aux préliminaires des traités de Versailles et avait été nommé ensuite secrétaire général adjoint de la S. D. N. Économiste international, il est le liquidateur de la Kreuger and Toll après le suicide du financier suédois (1932), le créateur d’une banque d’investissement chargée du placement des capitaux américains en Chine (1933), le fondateur de la « Monnet Murnane Limited » (New York, 1936), le conseiller financier (jusqu’en 1938) de divers pays comme la Pologne et la Roumanie.

Il négocie en 1939 un contrat de fourniture d’avions de guerre avec les États-Unis et préside le Comité d’effort de guerre franco-britannique de Londres en septembre 1939 ; il exerce même ses talents de diplomate au profit de l’Angleterre.

À partir de 1944, ce sont les affaires intérieures de la France qui l’occupent ; il est ministre du Commerce du gouvernement provisoire et, à la suite de sa proposition en 1945 du « plan de modernisation et d’équipement », dit « plan Monnet », il est nommé premier commissaire général au Plan.

Après 1950, où il prépare le discours de R. Schuman, les activités européennes prédominent dans la vie de J. Monnet : président de la Haute Autorité de la C. E. C. A., président (janv. 1956) du Comité d’action pour les États unis d’Europe, auquel ont adhéré (oct. 1968) les trois grands partis britanniques, il est le premier lauréat du prix Robert-Schuman décerné depuis 1966 par l’université de Bonn pour couronner les travaux d’Européens ayant contribué à l’unification européenne.

G. V. et M.-A. L.


Les institutions de coopération européenne ou la grande Europe


La coopération économique et technique

• L’O. E. C. E., actuelle O. C. D. E. C’est la première née de ces institutions européennes.
Nom : Organisation européenne de coopération économique (O. E. C. E.), puis Organisation de coopération et de développement économique (O. C. D. E.).
Création : 16 avril 1948, signature de la convention constitutive de l’O. E. C. E. ; 14 décembre 1960, signature de la convention constitutive de l’O. C. D. E. ; 30 septembre 1961, l’O. C. D. E. remplace effectivement l’O. E. C. E.
Pays membres : à l’origine, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie font partie de l’O. E. C. E. (la Finlande a un statut spécial d’observateur). Par la suite, l’Autriche, l’Allemagne occidentale et l’Espagne (1959) ont fait partie de l’O. E. C. E. En 1971, l’O. C. D. E. comprend l’Allemagne occidentale, l’Australie (depuis 1971), l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande (1969), la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Japon (1964), le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Turquie ; en observateurs, la Yougoslavie et la Nouvelle-Zélande ; soit plus de 420 millions d’habitants, dont des non-Européens.
Institutions. Elles se composent d’un Conseil des ministres, d’un Comité exécutif, dont dépendent le Comité du budget et de nombreux comités spécialisés, d’un secrétaire général, dont le secrétariat se divise en multiples départements.

Le but de l’organisation a changé depuis sa création. Destinée à l’origine à répartir l’aide américaine, à aider à la libération des échanges et à remédier à la convertibilité des monnaies — ce dont elle s’acquitta fort bien, suscitant l’Union européenne des paiements (19 sept. 1950, devenue à la fin de 1958 l’Accord monétaire européen) et d’autres organismes comme l’Agence de productivité (1953) et même une Agence européenne pour l’énergie nucléaire (A. E. E. N., 1957) —, elle s’oriente depuis 1960 vers une simple coopération économique des pays membres, qui y confrontent leur politique, et vers l’aide aux pays en voie de développement. Les pays membres de l’O. C. D. E. représentent en effet 20 p. 100 de la population mondiale, 61 p. 100 de la production industrielle mondiale, 65 p. 100 des échanges mondiaux et 90 p. 100 de l’aide au développement. Les trois objectifs principaux que s’est fixés la nouvelle organisation sont les suivants :
— assurer la plus forte expansion possible de l’économie et de l’emploi ainsi qu’une progression du niveau de vie dans les pays membres ;
— contribuer à une saine expansion économique dans les pays non-membres en voie de développement ;
— contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire, conformément aux obligations internationales.

Les structures de l’O. C. D. E., simples en apparence, sont en réalité assez complexes. L’organe suprême est le Conseil, qui se réunit de temps en temps au rang des ministres et régulièrement au niveau des représentants permanents. C’est l’autorité définitive dont émanent tous les actes : les décisions, qui engagent les pays membres après qu’ils ont satisfait aux conditions de leur procédure constitutionnelle ; les accords passés entre les membres et les pays non-membres ou les institutions internationales ; les recommandations soumises à l’approbation des membres, qui les appliquent éventuellement ; enfin, les résolutions, qui réglementent les travaux de l’organisation. La règle du vote est l’unanimité, mais il peut être décidé (à l’unanimité) d’un autre procédé, et le système de l’abstention permet toujours à un pays de ne pas appliquer une décision qui reste valable pour ceux qui l’ont votée (accords préférentiels).

Le Comité exécutif réunit une fois par semaine les représentants de douze membres pour régler les affaires courantes et préparer les réunions du Conseil, qui peut le charger de tâches particulières comme la coordination de certains travaux.

Le secrétaire général, qui préside le conseil quand il n’est pas ministériel, prépare les réunions du Conseil et du Comité exécutif, auxquels il peut soumettre des propositions, et veille à l’exécution des directives données.

Les méthodes de travail sont souples, et les consultations de nature officieuse ; l’une des plus efficaces est la confrontation, discussion directe des principes et plans appliqués par chaque pays membre : ainsi, le comité d’examen des situations économiques et des problèmes de développement procède annuellement à l’examen des situations économiques de chacun des membres.