Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

étrangers (condition des) (suite)

La personnalité juridique des sociétés étrangères est pleinement reconnue, à l’exception des sociétés anonymes, pour lesquelles l’existence d’un traité ou d’un décret accordant la personnalité à l’ensemble des sociétés de leur nationalité est exigée. Cette exigence devrait d’ailleurs disparaître très prochainement avec l’entrée en vigueur de la convention sur la reconnaissance des personnes morales étrangères.

Les sociétés étrangères sont traitées comme les personnes physiques étrangères et bénéficient des traités conclus en faveur des nationaux de leur pays. En France, elles sont assimilées aux sociétés françaises, sauf texte contraire, mais à condition que la loi sous l’empire de laquelle elles sont créées ne les en déclare pas incapables.

Les associations, pour lesquelles la loi montre toujours davantage de méfiance, sont, elles, soumises à un régime plus strict. Elles sont réputées étrangères lorsqu’elles ont leur siège à l’étranger ou si, ayant leur siège en France, elles sont dirigées en fait par des étrangers. Elles ne peuvent alors se former ni exercer leur activité en France sans l’autorisation préalable du ministre de l’Intérieur.

M. B.

➙ Convention internationale / Nationalité.

Étrusques

Peuple de l’Italie ancienne, qui prospéra à partir du viie s. av. J.-C., puis qui fut soumis par les Romains. Eux-mêmes s’appelaient Rasena, Rasna ; les Romains les nommaient Tusci ou Etrusci, et les Grecs Tyrrhéniens ou Tyrsènes.



Origine

Hérodote raconte que les Étrusques étaient venus d’Asie Mineure. Son point de vue était partagé par divers auteurs de l’Antiquité, et beaucoup de modernes s’y sont ralliés, en accumulant de nombreux arguments positifs, car il s’est révélé facile de trouver des ressemblances entre la civilisation étrusque et les civilisations de l’Orient : divination par l’examen du foie comme en Babylonie, chambres funéraires souterraines et tumulus à la mode du monde mycénien, points communs apparents entre la langue étrusque et certaines langues anciennes d’Asie Mineure et de Lemnos, aspect oriental de beaucoup d’œuvres d’art du viie s. av. J.-C., liberté et autorité accordées à la femme dans la société, comme dans l’ancienne Lydie... Malgré tout cela, l’hypothèse de l’origine orientale, qui conserve aujourd’hui ses partisans, a beaucoup reculé : tout ce qui s’apparente à l’Orient peut s’expliquer par la coïncidence, l’influence ou l’importation.

C’est l’archéologie qui a porté le plus grand coup à la thèse de l’immigration, en niant la brusque mutation qu’aurait provoquée le débarquement d’un peuple. L’orientalisation de l’art du viie s. s’explique par les influences extérieures, le commerce actif, la présence de modèles orientaux d’importation, telle la bibeloterie d’origine égyptienne, phénicienne et chypriote qui apparaît dans les sites archéologiques étrusques. Les partisans de l’autochtonie trouvent même un Ancien pour partager leur opinion, Denys d’Halicarnasse. Reste une troisième hypothèse : celle de l’origine septentrionale des Étrusques, descendus des Alpes ; née au xviiie s., elle n’a plus qu’un intérêt de curiosité.


De l’étruscomanie à l’étruscologie

Le xviiie s. avait été en effet, en Toscane, une époque de grande passion pour l’étruscologie, qui avait séduit par son exotisme trompeur et l’étrangeté de ses ruines. À l’époque où naquit (1726) l’Académie étrusque de Cortona, on découvrait ainsi à la Toscane une primauté passée insoupçonnée jusqu’alors, qui faisait des Étrusques les dignes émules des Grecs. À cette phase d’étruscomanie succédèrent les explorations (George Denis [1814-1898], The Cities and Cemeteries of Etruria [1848]) et les fouilles, inaugurées par Lucien Bonaparte à Vulci en 1828. Le milieu du xixe s. fut le moment des plus belles découvertes : les tombeaux abandonnés au milieu d’un pays presque sauvage recelaient quantité de vases grecs et de pièces d’orfèvrerie. À la fin du siècle, l’archéologie devint scientifique : à la chasse aux œuvres d’art succédèrent les fouilles méthodiques. De leur côté, les linguistes ont alors entrepris l’étude de la langue, dont plus d’un crut saisir incessamment la clé. De plus en plus méticuleuses, les fouilles ont permis de réviser les questions que l’on se posait, de leur faire perdre leur aspect polémique et passionné, et d’enlever aussi aux Étrusques une bonne part de leur réputation mystérieuse.


Esquisse historique

La découverte du site de Villanova, près de Bologne, a montré quelle civilisation régnait à l’âge du fer dans les pays occupés ensuite par les Étrusques. Au viiie s. av. J.-C., ceux-ci se manifestent en Toscane, sans qu’on y puisse déceler l’hiatus que produirait une immigration. Dans la vallée du Pô, par contre, leur civilisation apparaît seulement au vie s., et, cette fois, ce peut être le résultat d’un mouvement colonisateur parti d’Étrurie. À partir de là, la chronologie tend à se clarifier, et l’on accède à la période proprement historique.

Bien qu’ils n’aient pas bénéficié d’une cohésion politique caractérisée, les Étrusques ont une histoire commune, et les repères chronologiques des faits politiques, de l’économie et de l’art se rejoignent pour mieux souligner les mutations qu’ils ont subies d’un siècle à l’autre. Au viie s., les nécropoles témoignent d’un soudain enrichissement. Celles des villes proches du littoral tyrrhénien regorgent d’objets d’art, d’orfèvrerie. Les Étrusques viennent de mettre en valeur leurs richesses minières : cuivre, puis fer de l’île d’Elbe ; cuivre de la péninsule. Les Grecs achètent cette matière première, et les Étrusques, devenus de gros marchands, se procurent les œuvres d’art des Grecs et les font copier par leurs propres artistes. Marins, ils sont les rivaux des Grecs, qui les considèrent comme des pirates. Au vie s., ils sont alliés des Carthaginois, autre peuple navigateur et commerçant. Vers 535, ils participent à la bataille navale qui les oppose aux Grecs au large d’Alalia (la latine Aleria), en Corse. Il n’est pas sûr que ce conflit ait concerné tous les Étrusques, car l’archéologie témoigne de relations commerciales suivies de certaines villes avec les Grecs. Mais Caere (auj. Cerveteri), du moins, témoigne de rapports étroits avec Cartilage : une inscription bilingue, punique et étrusque, sur tablettes d’or dédie, en son port de Pyrgi, un temple à la punique Ishtar. En 474, au large de Cumes, des Étrusques sont battus par des Syracusains. Faut-il en conclure qu’ils sont des ennemis irréductibles des Grecs ?