Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

étrangers (condition des) (suite)

Les cartes de séjour

Il en existe trois sortes :

• la carte de résident ordinaire, qui est accordée pour trois ans, sans distinction entre salariés et non-salariés, et qui est renouvelée automatiquement si l’étranger continue à remplir les conditions de son octroi ;

• la carte de résident temporaire, qui est accordée pour un délai maximal d’un an aux étrangers s’installant en France pour une durée très limitée (étudiants, travailleurs saisonniers) ;

• la carte de résident privilégié, qui est accordée aux étrangers justifiant en France d’une résidence non interrompue d’au moins trois années et qui étaient âgés de moins de trente-cinq ans lors de leur entrée en France. Elle est valable dix ans et renouvelable de plein droit.

L’étranger qui ne demande pas la délivrance d’une carte de séjour dans les délais réglementaires ou qui séjourne sur le territoire après le refus de cette carte encourt des peines correctionnelles et le refoulement.


Participation à la vie politique et aux services publics

La solution traditionnelle en France et communément admise en droit comparé est de ne jamais accorder aux étrangers la jouissance des droits politiques. Elle découle de l’idée que les institutions d’un État doivent être confiées à ceux pour lesquels elles sont créées, c’est-à-dire aux nationaux, et que les étrangers ne porteraient pas assez d’intérêt à la chose publique.

L’étranger est donc exclu de l’électorat et de l’éligibilité aux assemblées législatives ou administratives, aux tribunaux et aux chambres de commerce, aux conseils de prud’hommes, etc. Il ne peut exercer de fonctions publiques.

Par contre, il est soumis d’une manière générale aux mêmes charges que le national : il est notamment assujetti aux impôts, dont il est redevable à raison de son domicile, de ses propriétés ou de ses actes passés sur le territoire d’établissement. Les dégrèvements pour charges de famille ne lui profitent pas, sauf traités ou cas spéciaux (au regard du système français, étrangers originaires des territoires ayant accédé à l’indépendance). L’étranger, cependant, n’est pas soumis à l’obligation du service militaire, pratique constante en droit comparé, mais qui tend à être modifiée dans certains pays.

La France fait bénéficier l’étranger, avec quelques exceptions, de l’ensemble des services publics nationaux. Les services publics répondent en effet à des besoins trop vitaux pour qu’ils puissent être refusés à quiconque ; il en est ainsi des services de sécurité, de communications, d’enseignement et d’assistance (sauf dérogation expresse dans ce dernier cas).


Condition des étrangers au regard du droit privé

Au cours de l’histoire, la condition de l’étranger s’est peu à peu rapprochée de celle du national au regard de l’application du droit privé, considéré comme indispensable. À la fin de l’Ancien Régime déjà, l’étranger se trouvait presque assimilé au national français pour les droits civils. Une régression apparut avec le Code civil, qui stipulait (article 11) que « l’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra ». C’était admettre que les étrangers non bénéficiaires d’un traité de ce type ne jouiraient en France d’aucun droit civil. Cette solution, qui déniait toute personnalité civile à certains étrangers, ne put subsister, et, grâce à l’évolution progressive de la doctrine et de la jurisprudence, la jouissance de l’ensemble des droits civils fut reconnue aux étrangers, à l’exception de ceux qui leur étaient refusés par une disposition expresse.

Ces exclusions existaient dans le Code civil, telle l’incapacité de recueillir une succession ab intestat et de recevoir à titre gratuit entre vifs ou à cause de mort, abrogée d’ailleurs en 1919. D’autres ont été établies par la jurisprudence, comme l’impossibilité pour l’étranger d’avoir en droit un domicile sur le territoire français, impossibilité qui ne put être maintenue, car elle conduisait en pratique à des absurdités. Il est également des lois dont le fondement repose sur une certaine solidarité entre les nationaux. Ainsi, les étrangers sont exclus des dispositions de faveur des législations sur les baux d’habitation (à l’exception du droit au maintien dans les lieux) et sur les baux commerciaux. Le statut du fermage est également refusé aux locataires étrangers, à moins que leurs enfants ne soient français. Par contre, le bénéfice des lois sur les accidents de travail, les prestations d’assurances sociales et même, depuis la Seconde Guerre mondiale, des lois tendant à améliorer le sort des familles a été étendu aux étrangers résidant en France.

En outre, de nombreux traités permettent aux étrangers de bénéficier d’une situation privilégiée par l’application de clauses telles que les clauses d’assimilation aux nationaux, les clauses de réciprocité et la clause dite « de la nation la plus favorisée », par laquelle l’État signataire s’engage à accorder aux ressortissants de son cocontractant le traitement le plus favorable qu’il ait accordé ou accorderait à des étrangers d’un autre État.


Condition des personnes morales de droit privé étrangères

Bien que la réalité de leur existence juridique ne soit généralement plus contestée, la condition des personnes morales de droit privé étrangères pose des problèmes très particuliers, car leur puissance économique peut menacer l’autorité de l’État et leur influence échappe facilement à tout contrôle (sociétés multinationales).

La nationalité des sociétés dépend, au regard de la France, du lieu de leur siège social réel, en tant que centre de direction ; mais l’idée de contrôle (origine des capitaux, nationalité des dirigeants) se superpose au critère du siège social pour les séquestres de guerre.