Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Quant au spectaculaire déplacement du président Nixon en U. R. S. S. en mai 1972, il aboutit dans l’immédiat à un accord américano-soviétique sur la limitation des armements stratégiques. Au Moyen-Orient, les Américains soutiennent Israël, mais, à la suite du conflit de 1973, leur rôle est décisif pour obliger le gouvernement de Jérusalem à envisager une évacuation partielle du Sinaï. La défense du dollar est à l’ordre du jour puisque deux dévaluations doivent intervenir (déc. 1971 et févr. 1973). La guérilla en Amérique latine n’a pas cessé depuis plusieurs années. Bref, la « paix américaine » ne règne pas sur le monde. Les Américains se demandent si, à prendre leurs responsabilités dans les affaires internationales, ils n’ont pas renoncé à leur bonne conscience.


L’évolution économique

Au lendemain de la guerre mondiale, les États-Unis sont, avec 6 p. 100 de la population du globe, le pays le plus riche du monde. Bien avant les autres nations industrialisées, ils sont entrés dans la société d’abondance. Cette réussite sans précédent accentue leur confiance dans le système capitaliste.

Les statistiques reflètent ce prodigieux enrichissement. Le produit national brut, en dollars 1954, s’élève à 205 milliards en 1940, 314 milliards en 1945, 400 milliards en 1956, 440 milliards en 1960, 615 milliards en 1967 et 676 milliards en 1970, soit une augmentation annuelle de 4,5 p. 100 dans la dernière décennie. Les tendances inflationnistes sont latentes et, depuis 1967, contribuent à déséquilibrer l’économie : sur la base 100 en 1954, les prix sont passés à l’indice 68 en 1945, à l’indice 114 en 1960, à l’indice 130 en 1967 et à l’indice 145 en 1970. Mais, même après le conflit mondial, il n’y a pas eu de crise profonde — comme le prédisaient certains économistes. Tout au plus constate-t-on des récessions en 1948-49, en 1953-54, en 1957-58 et en 1960-61, dont les causes sont conjoncturelles et qui ne se prolongent pas au-delà d’une année ou deux. Il faut la guerre au Viêt-nam pour que le marasme s’installe dans quelques secteurs. D’ailleurs, le nombre des chômeurs se maintient dans des limites que les experts jugent raisonnables : 3 700 000 en 1949, 3 000 000 en 1950, 3 600 000 en 1954, 3 000 000 en 1957, 4 700 000 en 1958, 4 000 000 en 1960, mais près de 6 000 000 en 1970.

Victime d’une évolution qui remonte à la fin de la Grande Guerre, l’agriculture n’a pas profité de la prospérité. Depuis 1948, sa part dans le revenu national ne cesse de décliner. Le gouvernement fédéral a décidé de soutenir les prix agricoles et, dans une certaine mesure, de donner les surplus au programme intitulé « Vivres pour la paix ». Mais les coûts de production sont de plus en plus élevés ; le niveau de vie du fermier ne s’améliore pas.

Il en va différemment dans l’industrie et le secteur tertiaire. Le revenu disponible d’un ouvrier moyen de l’industrie dont la famille se compose de deux enfants a augmenté de 60 p. 100 entre 1939 et 1960, contre 26 p. 100 entre 1919 et 1929. La hausse des salaires a été largement compensée par celle de la productivité. Enfin, les dépenses de consommation des personnes en dollars courants étaient de 122 milliards en 1945 ; elles s’établissent à 576 milliards en 1969 : l’augmentation est nettement supérieure à celle des prix et dénote une indiscutable élévation du niveau de vie.

Mais la pauvreté n’a pas disparu parmi les Noirs, les personnes âgées et les minorités raciales dans les Appalaches, le Sud profond ou le centre des grandes villes. Encore aujourd’hui, un Américain sur quatre, si l’on en croit les statistiques, dispose d’un revenu annuel inférieur à 3 000 dollars — qui est défini comme le seuil de la pauvreté.

Les facteurs de la prospérité américaine sont multiples et complexes. Passons sur l’immensité du marché, sur la constante augmentation du niveau de vie — cause et conséquence de la prospérité —, sur les énormes ressources en matières premières. Ne retenons que ce qui est caractéristique des années 1945-1970. Ce qui étonne, en premier lieu, c’est la progression de la productivité. En prenant pour base 100 la moyenne des années 1957-1959, l’indice de production industrielle est passé de 75 en 1950 à 157 en 1967. De 1939 à 1960, la productivité agricole a fait un bond de 220 p. 100. Le règne de l’automatisme est définitivement établi.

Mais la croissance de la productivité résulte elle-même d’une nouvelle révolution technologique. De 1940 à 1967, la production d’électricité passe de 271 milliards à 1 313 milliards de kilowatts-heures, et celle du pétrole de 230 millions à 410 millions de tonnes. Alors qu’un Britannique dispose de 5,45 tonnes d’équivalent charbon et un citoyen de la Communauté économique européenne de 3,15 t, l’Américain a 9 t à sa disposition.

Les principes du management triomphent sans limites depuis trente ans. Grâce au Massachusetts Institute of Technology et à la Harvard Business School, l’économie américaine est devenue le royaume des managers.

Dans cet essor, quelques industries se placent en tête. Parmi elles figure l’industrie automobile avec son immense armée de sous-traitants : 3 558 178 véhicules fabriqués en 1947 ; 6 674 000 autos et un peu plus de camions mis en service en 1960. L’industrie chimique est encore plus dynamique : elle emploie plus d’un million de personnes, et son principal champ d’application concerne les articles synthétiques. L’appareillage électrique, l’électronique, la production d’aluminium, l’industrie aéronautique ont, de leur côté, connu de remarquables succès.

Autre facteur de prospérité : la concentration financière et industrielle de la production. L’exemple le plus frappant est, une fois encore, celui de l’automobile ; 95 p. 100 des automobiles sont fabriquées par les trois grands : General Motors, Ford et Chrysler. G. M. fait annuellement un chiffre d’affaires de 20 milliards et emploie directement 728 000 personnes. Ford, en troisième position sur ce tableau établi à l’échelle du monde, a un chiffre d’affaires de 10,5 milliards ; Chrysler, en cinquième position, un chiffre de plus de 6 milliards (pour trouver la première entreprise française, il faut descendre jusqu’à la quatre-vingtième place !).