Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Le signe du changement, on le trouve dans la politique grecque de Washington. Le 12 mars 1947, Truman demande au Congrès de voter une aide de 400 millions à la Grèce, en proie à la guerre civile, et à la Turquie. Il définit sa doctrine en ces termes : « Les peuples libres du monde se tournent vers nous pour obtenir de l’aide et conserver leurs libertés. Si nous n’assumons pas cette responsabilité, nous mettrons en péril la paix dans le monde — et certainement nous mettrons en péril le bien-être de notre nation. »

En juin, Marshall, devenu secrétaire d’État, propose à l’Europe « une aide supplémentaire, qui soit gratuite », afin d’éviter « une dislocation économique, sociale et politique très grave ». L’Union soviétique et ses satellites rejettent l’offre. La division de l’Europe en deux blocs est accomplie. Mais, en renonçant à leur collaboration avec l’U. R. S. S., les États-Unis ne se rallient pas à une politique de force. Suivant les conseils de William A. Harriman (né en 1891) et de George F. Kennan (né en 1904), le président Truman veut contenir l’expansion soviétique et ne plus faire une seule concession qui ne soit équilibrée par une autre concession du camp opposé.

En 1948, l’Union soviétique répond en fermant les voies d’accès à Berlin. Le blocus dure un an. S’il n’est pas efficace grâce à l’aviation américaine, il contribue, par contre, à accélérer l’élaboration d’une défense commune de l’Europe occidentale. Signé en avril, le traité de l’Atlantique Nord entre en vigueur le 24 août 1949.

La paix paraît de plus en plus précaire. Les Russes procèdent à leur première expérience nucléaire. Moins d’un an après la victoire des communistes en Chine, les Coréens du Nord déclenchent un nouveau conflit en Asie : qui ne croit alors que ce ne soit le prologue à la troisième guerre mondiale ? L’Occident rassemble toutes ses forces : en avril 1949, France, Grande-Bretagne et États-Unis décident de créer dans leurs zones d’occupation un gouvernement allemand ; en août et septembre, la République fédérale naît. Quant au contentieux franco-allemand (Sarre, Ruhr, charbon et acier), il est réglé par le plan Schuman, qui, en mai 1950, pose les fondements de la Communauté économique du charbon et de l’acier. L’année suivante, le projet de C. E. D., qui reçoit la caution des États-Unis, vise à résoudre la difficile question du réarmement allemand.

En Europe et en Asie, tensions et périls se succèdent. La guerre de Corée coûte à l’armée américaine 33 000 morts et 22 milliards de dollars. Truman a interdit à MacArthur de bombarder la Chine, mais, sur les champs de bataille de la Corée, les Américains combattent les volontaires chinois venus porter secours aux Coréens du Nord. De longs pourparlers de paix aboutissent, sous la présidence d’Eisenhower, à un armistice (1953). En Indochine, les Français s’enlisent malgré l’aide financière et matérielle des États-Unis : en 1954, Washington refuse d’envoyer ses bombardiers pour secourir les assiégés de Diên Biên Phu, mais participe à la conférence de Genève. Enfin, un pacte de sécurité collective, le SEATO (South-East Asia Treaty Organization), réunit les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande, la France et la Grande-Bretagne. Une organisation du même type sera mise sur pied au Moyen-Orient.

Après 1954, la politique « dure » de John Foster Dulles (1888-1959), le secrétaire d’État du président Eisenhower, s’assouplit. C’est que Staline est mort et que l’U. R. S. S. accomplit des progrès considérables dans ses recherches nucléaires et spatiales (en 1957, le premier « Spoutnik » est lancé). En 1956, Russes et Américains sont d’accord pour interrompre l’expédition franco-anglo-israélienne sur le canal de Suez ; mais Washington n’intervient pas en Hongrie quand les troupes soviétiques brisent l’insurrection. En 1958, les Russes freinent les ambitions des communistes chinois sur les territoires occupés par les forces de Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek). En 1955, les deux super-Grands sont parvenus à un accord sur l’indépendance de l’Autriche. En septembre 1959, Khrouchtchev visite les États-Unis. L’élection de Kennedy à la présidence va accentuer l’évolution vers la détente.

Certes, tous les problèmes ne sont pas résolus. Mais les conditions ont changé : l’équilibre de la terreur incite à la prudence ; un « téléphone rouge » relie Washington et Moscou. Malgré des péripéties spectaculaires, comme l’érection du mur de Berlin (août 1961), une collaboration tacite s’instaure entre l’U. R. S. S. et les États-Unis. Chacune des deux puissances sait jusqu’où elle peut aller : les Russes se réjouissent de l’échec américain dans la baie des Cochons (1961), mais, en 1962, se rendent compte qu’ils ne pourront pas installer à Cuba des rampes de lancement. Quant aux Américains, ils protesteront — sans plus — contre l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968. Les Russes aident les Vietnamiens du Nord sans que les Américains en prennent ombrage.

Les blocs s’effritent. Depuis son retour au pouvoir, le général de Gaulle revendique pour la France une complète liberté de mouvement et la fait sortir, sur le plan militaire, de l’O. T. A. N. La Chine et l’Albanie, de manière brutale, et la Roumanie, plus-discrètement, rejettent l’hégémonie soviétique.

Les deux Grands s’affrontent avec d’autres moyens. Pour combattre la pénétration soviétique en Amérique latine, les États-Unis fondent l’Alliance pour le progrès ; les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. Dans les pays sous-développés, les Volontaires de la paix sont chargés de montrer par l’exemple les avantages de la civilisation américaine.

Les problèmes européens cèdent le devant de la scène aux questions asiatiques. Dès la présidence de Kennedy et massivement à partir de 1964, les États-Unis interviennent en Indochine pour soutenir le gouvernement du Viêt-nam du Sud et consolider leur présence en Asie du Sud-Est. Dès 1968, la guerre au Viêt-nam est au centre des préoccupations américaines, qu’il s’agisse des préoccupations économiques, morales ou politiques. Pour la première fois depuis 1945, les Américains s’interrogent sur la valeur de leur politique extérieure. L’entrée à l’O. N. U. de la Chine populaire en 1971 et le spectaculaire voyage du président Nixon à Pékin en 1972, s’ils permettent aux États-Unis d’amorcer une nouvelle répartition des forces politiques dans le monde, n’apportent aucune solution immédiate au drame vietnamien qui, en mai 1972, prend au contraire des dimensions inquiétantes : celles-ci obligent les États-Unis à mener, avec les belligérants, de très difficiles négociations (nov.-déc. 1972), qui aboutissent au cessez-le-feu du 27 janvier 1973, prélude au dégagement américain au Viêt-nam.