Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

environnement (suite)

Les expositions surréalistes

Elles sont à retenir comme premiers exemples historiques d’environnement voulus comme tels. L’intervention de Marcel Duchamp* a été décisive pour celle de 1938 à Paris — où 1 200 sacs de charbon formaient le plafond, où un lit côtoyait une mare entourée de mousse et de roseaux — ainsi que pour celle de New York en 1942. Duchamp y modifiait l’espace, créé par l’architecte Frédéric Kiesler (né en Autriche en 1896) pour la galerie Guggenheim, au moyen d’innombrables fils tendus en diagonale. En 1947, à la galerie Maeght, un cheminement est imposé au public par une pluie artificielle tombant du plafond. En 1959, à la galerie Cordier, l’accent est mis sur l’érotisme, avec intervention de sons enregistrés.

Depuis ces précédents, galeries et salles d’exposition sont devenues le cadre d’un certain type d’environnement : le vide d’Yves Klein*, le plein d’Arman (né en France en 1928), la terre déversée et nivelée de Walter De Maria (né aux États-Unis en 1935), les chevaux vivants de Jannis Kounellis (né en Grèce en 1936), certaines présentations d’anti-form ou d’arte povera. À la limite, on peut même soutenir que musées et galeries sont créateurs d’environnements non expressément voulus par l’artiste sous cette forme. Les toiles accrochées au mur gardent leur autonomie : au contraire, des objets répartis dans l’espace sont perçus globalement par le spectateur qui parcourt la salle ; une exposition de Robert Morris (né aux États-Unis en 1931) ou de Pino Pascali (Italie, 1935-1970), de Tinguely ou de Jean-Pierre Raynaud (né en France en 1939), les néons de Dan Flavin (né aux États-Unis en 1933) ou de François Morellet (né en France en 1926) se présentent au premier abord comme un environnement : l’œil ne sépare les diverses pièces présentées que dans un second temps. Autre héritage des expositions surréalistes, les cheminements obligatoires : une série d’environnements est programmée en fonction du parcours que suit le spectateur. L’Argentine Marta Minujín (née en 1941) a donné un bon exemple de ce type d’œuvres avec son exposition labyrinthe, la Menesunda (Buenos Aires, 1965). Une synthèse exemplaire de ces tendances a été proposée en 1963 dans une manifestation du Stedelijk Museum d’Amsterdam, alors dirigé par Willem Sandberg. Sous le titre de Dilaby se trouvait réalisé un véritable cheminement à travers des expositions-environnements réalisées par chacun des artistes : Raysse, Rauschenberg*, Niki de Saint-Phalle, Tinguely, le Suédois Per Olof Ultvedt (né en 1927).


Les tendances nouvelles

Plus dégagés de ces précédents historiques, certains artistes font de l’environnement l’essentiel de leurs recherches (Jean-Michel Sanéjouand, né en France en 1934 ; Constant, né en Hollande en 1920). L’accent peut être mis sur des composantes inédites, telles les odeurs (Gérard Titus Carmel, né en France en 1942). Le son est très utilisé. Mais c’est la lumière qui s’est révélée, par son immatérialité, son ubiquité, ses modulations, le meilleur matériau (l’optophone de Raoul Hausmann, 1927 ; le modulator de Moholy-Nagy*, 1926-1929). Ses possibilités sont infinies, qui vont de la simple modification d’ambiance (lumière noire, projecteurs colorés) jusqu’à l’écriture dans l’espace au rayon laser (le Suédois Carl Fredrik Reuterswärd, né en 1934). Le Groupe* de recherche d’art visuel de Paris a beaucoup travaillé dans ce domaine (Julio Le Parc, né en Argentine en 1928). De même, le groupe Zéro à Düsseldorf (Otto Piene, né en 1928 ; Heinz Mack, né en 1931) et le groupe T à Milan (Davide Boriani, né en 1936 ; Gianni Colombo, né en 1937). Carlos Cruz-Diez (né au Venezuela en 1923) installe ses cabines de « chromosaturation ». L’œuvre la plus significative est cependant celle de Nicolas Schöffer* : sculptures animées et programmées qui diffusent des projections colorées jouant sur les murs ou répercutées par des miroirs, mais aussi tours géantes, sculptures-environnements qui sont les échos de leur propre environnement, car leur programme reflète la vie de la cité, les changements du climat et des rythmes d’activité. Quant au land art, il travaille sur l’écorce terrestre et sa végétation : l’environnement créé par l’artiste se superpose à l’environnement topographique et n’est plus saisissable dans son ensemble qu’à vol d’hélicoptère.

M. E.

➙ Assemblage / Cinétique (art) / Conceptuel (art) / Design / Funk art / Happening / Minimal art / Pop’art / Réalisme (nouveau) / Surréalisme.

 Catalogues d’exposition : Assemblage, Environments and Happenings (New York, 1969) ; Happening and Fluxus (Cologne, 1971).

enzymes

Protéines douées de propriétés catalytiques spécifiques qui jouent un rôle essentiel dans le métabolisme ou le catabolisme d’édifices organiques plus ou moins complexes appelés substrats. Ces substrats sont constitués par des protides, des glucides ou des lipides de poids moléculaire plus ou moins élevé. L’étude des enzymes, ou enzymologie, constitue un chapitre important de la biochimie*.



Généralités

L’existence des enzymes a été constatée empiriquement dès la plus haute antiquité. Le premier livre de la Genèse mentionne déjà la fabrication du vin, résultat de la fermentation alcoolique, et celle du pain : au cours de la panification, la transformation d’une grande quantité de farine par une petite quantité de levain, que nous appelons catalyse, est considérée comme un symbole. Il n’est aucun peuple qui n’ait utilisé inconsciemment ce type de réactions pour la fabrication des boissons fermentées. Plus près de nous, G. R. Kirchhoff constate, dans l’orge germée, la présence d’une substance capable d’en transformer l’amidon en sucre (1814) ; en 1833, Anselme Payen (1795-1871) et Jean-François Persoz (1805-1868) isolent cette même substance, qu’ils nomment diastase, introduisant l’usage, aujourd’hui conservé, du suffixe « -ase » dans la nomenclature des enzymes ; ils décrivent les caractères essentiels de cette diastase : solubilité dans l’eau, précipitation par l’alcool fort, thermolabilité (caractères rattachés à leur nature protéique), en même temps qu’ils notent son action catalytique, c’est-à-dire sa propriété d’intervenir à très faible dose dans la transformation d’une quantité relativement très importante de substrat. Entre 1883 et environ 1890, on prépare un grand nombre d’enzymes, le plus souvent par extraction des liquides de métabolisme des microorganismes (bactéries, levures) ; on appelle alors ces enzymes ferments solubles ; ceux-ci catalysent des réactions d’hydrolyse. Plus tard seront découvertes des enzymes intervenant dans des réactions d’oxydation, de réduction, de carboxylation, etc. En raison des difficultés rencontrées dans la préparation des enzymes, qu’on obtient par précipitations et purifications successives à partir de milieux où elles se trouvent très diluées, c’est seulement en 1926 que James Batcheller Sumner (1887-1955) obtient à l’état cristallisé l’uréase, enzyme qui transforme l’urée en carbonate d’ammonium. Depuis cette date, de nombreux travaux utilisant des techniques perfectionnées, notamment les isotopes radio-actifs, ont permis d’établir la constitution et la répartition dans la nature de nombreuses enzymes.