Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

entomologie (suite)

Linné et la systématique ; les amateurs

Avec Linné*, l’entomologie prend sa forme moderne, bien que, dans la première ébauche de son Systema naturae, il laisse toujours les Arachnides, les Myriapodes et les Crustacés dans les Aptères. En 1798, Johann Christian Fabricius (1745-1808) prend pour base de la classification les pièces buccales, mais il conserve toujours l’ensemble disparate qui constitue maintenant l’embranchement des Arthropodes. C’est Cuvier* qui, dans son cours au Collège de France, sépare en 1800 les Crustacés. Les Arachnides sont, à leur tour, éliminés par Lamarck dans son cours au Muséum en 1801. Enfin, l’Anglais Leach, en 1819, fait un ordre spécial des Myriapodes. Dans son cours au Muséum publié en 1831, P. A. Latreille (1762-1833) pose finalement les bases de la classification actuelle des Insectes.

Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, nombreux ont été et sont encore les « amateurs » qui, délaissant la collection générale, s’intéressent à un petit groupe, à une famille en général, se spécialisent et parviennent à constituer une collection de valeur scientifique.

On évalue à près d’un million le nombre d’espèces actuellement décrites, mais il est probable que plus du double reste à découvrir. Devant cette tâche fastidieuse, les meilleurs systématiciens seraient tentés de se décourager, mais les besoins de la science et de la défense agricole montrent que la systématique est une nécessité et que l’aide des amateurs est indispensable.


L’anatomie et la biologie

Vers l’époque où Linné créait la systématique, d’autres naturalistes s’attachaient à l’étude de l’anatomie et des mœurs des Insectes.

• Les anatomistes. Marcello Malpighi (1628-1694) fut un des premiers à faire un usage scientifique du microscope. Son Traité du ver à soie est un modèle, et on lui doit d’excellents travaux sur les trachées, le système nerveux, le vaisseau dorsal des Insectes. Malpighi est surtout connu par la découverte et la description des tubes à fonction excrétrice que l’on a appelés tubes de Malpighi. Jan Swammerdam (1637-1680) opéra de merveilleuses dissections d’Insectes. Ses traités sur l’anatomie de la Mouche Asile, de l’Éphémère, de la Libellule, du Pou sont remarquables par l’exactitude et la finesse des descriptions et des dessins. En outre Swammerdam a introduit les méthodes techniques de recherche dans les sciences naturelles ; c’est lui qui imagina de remplir les vaisseaux sanguins par injection de cire pour en faciliter l’étude, et, le premier, il utilisa des réactifs fixateurs pour durcir les parties molles avant la dissection. Pierre Lyonet (ou Lyonnet), de Maastricht (1706-1789), écrivit un Traité anatomique de la chenille du saule (Cossus ligniperda), admirable travail d’anatomie, avec de très belles planches gravées par l’auteur. Il faut aussi citer la remarquable monographie du Hanneton Melolontha publiée par H. E. Straus Durkheim en 1829. Carl De Geer (1720-1778) composa sept gros volumes de Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes (1752-1778), dans lesquels l’anatomie est largement représentée. M. J. C. Lelorgne de Savigny (1777-1851), qui fit partie de la Commission scientifique en Égypte, montra, en 1816, que les pièces buccales des Insectes étaient toujours formées par les mêmes organes, transformés suivant qu’elles appartiennent au type broyeur, lécheur ou piqueur. C’est ce qu’on a appelé la théorie de Savigny. On peut encore rappeler les travaux de Léon Dufour, dont les excellentes planches sont encore reproduites dans les ouvrages sur l’anatomie des Insectes.

Ensuite, les travaux d’anatomie deviennent de plus en plus nombreux et spécialisés ; grâce aux progrès de l’optique et de la technique, ils atteignent un degré de finesse et de perfection jusque-là impossible.

• Les biologistes. C’est encore dans l’Histoire des animaux d’Aristote qu’on trouve les premiers faits exacts sur la biologie des Insectes. Aristote distingue les deux sexes, mais il refuse au mâle toute influence sur le développement de l’œuf, qui contiendrait seul tout l’Insecte futur. Il reconnaît aussi la chenille et la chrysalide et pressent le phénomène de la métamorphose ; mais il croit à la génération spontanée, dans certains cas au moins. Pendant longtemps, les naturalistes se sont contentés de répéter Aristote. Au xviie s., Francesco Redi (1626-1698), docteur à Florence, introduit la méthode expérimentale en histoire naturelle, montrant que les asticots proviennent de la ponte des Mouches. Puis nous retrouvons Swammerdam avec des observations sur les métamorphoses, qu’il distingue des simples changements de peau de la chenille. Le naturaliste hollandais reconnaît chez les Abeilles l’existence de trois états sexuels. Malheureusement, quittant le domaine de l’observation, il admet que le Papillon est déjà tout formé dans l’œuf. Sa théorie de la préformation arrêta les progrès de l’embryologie pendant un siècle.

L’œuvre de Réaumur* compte six gros volumes de Mémoires pour servir à l’histoire naturelle et à l’anatomie des Insectes (1734-1742), bourrés de faits nouveaux, presque toujours parfaitement exacts. Observateur patient et sagace ainsi qu’ingénieux expérimentateur, il montre, par exemple, que l’ablation des pattes thoraciques de la chenille entraîne l’absence des pattes du papillon. On peut dire que, si Linné a créé la systématique, Réaumur a eu une influence comparable sur l’étude de la biologie des Insectes.

En 1740, Charles Bonnet (1720-1793) découvre la parthénogenèse chez les Pucerons ; en 1848, l’apiculteur Johann Dzierzon (1811-1906) montre que la reine d’Abeilles peut, à volonté, pondre des œufs fécondés (qui donnent des femelles) et des œufs non fécondés (d’où il ne peut sortir que des mâles). Un peu plus tard, Nicolas Wagner découvre la reproduction larvaire, ou pédogenèse, chez les Cécidomyies, et August Weismann (1834-1914), étudiant les métamorphoses des Diptères, fait connaître les curieuses modifications que subissent les tissus de la larve au moment de sa transformation en nymphe. Les travaux sur la biologie des Insectes deviennent de plus en plus nombreux à partir du xixe s.

Le sujet est maintenant devenu si vaste et si dispersé qu’on chercherait en vain un ouvrage traitant de la biologie des Insectes en général. Il existe, par contre, des livres rédigés par des spécialistes sur la biologie d’un ordre, parfois même d’une simple famille d’Insectes.

Depuis une quarantaine d’années, la découverte, chez les Insectes, des hormones, puis des phérormones, ou produits d’excrétion d’un individu agissant à distance et à très faible dose sur d’autres individus de la même espèce, a entièrement transformé l’étude de la biologie des Insectes (v. Insecte).